Monde d'après : du temps des crises au temps des choix

Auteur(s)
Guillaume Palette*, pour France-Soir
Publié le 21 juin 2023 - 09:30
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Image par Arek Socha de pixabay.com
"Le temps des crises est également le temps des choix."
Image par Arek Socha de pixabay.com

TRIBUNE/OPINIONS - Le temps des crises est arrivé, et avec lui, une succession d'événements qui ébranlent notre société. Alors que certains penseurs, tels que Claude Rochet (1), considèrent les crises comme des opportunités pour réformer et améliorer les structures de pouvoir, et que d'autres, comme Kondratiev (2), les voient comme des éléments inhérents aux cycles économiques, nous sommes confrontés à un constat amer : les crises se multiplient à une vitesse effrénée sans pour autant provoquer de véritables bouleversements dans nos modes de gouvernance et nos schémas économiques.

Malgré les affirmations de Sylvie Kauffmann selon lesquelles nous sommes déjà dans le "monde d'après", nous avons le sentiment que ce monde ressemble étrangement à celui d'avant.

Profiteurs de crise ?

Toutes les réflexions intellectuelles et la construction théorique de nouveaux modèles semblent avoir abouti à des résultats décevants, voire insignifiants. Que ce soit la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l'électricité, l'inflation galopante, la fracture sociale ou encore la crise hydrique, tous ces événements devraient nous pousser à remettre en question la capacité de nos élites dirigeantes à les contenir, voire à les éviter. Pourtant, nous sommes plus résignés que jamais à subir cette période sombre.

Les crises récentes ont mis en évidence une réalité troublante : les médias, les grandes entreprises, notamment dans les secteurs de la pharmacie et de l'industrie militaire, les lobbies et les politiques, paraissent tirer avantage de ces événements tumultueux. Alors que le temps des crises s'installe, il est essentiel de comprendre pourquoi ces acteurs clés de notre société semblent profiter de la situation.

Tout d'abord, les médias jouent un rôle crucial dans la couverture des crises. Ils ont le pouvoir de façonner l'opinion publique et d'influencer la perception des événements.

Dans ce contexte, les médias peuvent être tentés de dramatiser les crises, de les exagérer ou de les déformer pour augmenter leur audience et générer des revenus publicitaires. Les crises offrent ainsi aux médias une opportunité d'accroître leur influence et leur rentabilité, ce qui peut les inciter à se concentrer davantage sur les aspects sensationnalistes plutôt que sur les solutions ou les analyses approfondies.

L'influence des lobbies

En ce qui concerne les grandes entreprises, notamment dans les secteurs de la pharmacie et de l'industrie militaire, les crises représentent une occasion de stimuler leurs ventes et leurs bénéfices. Les crises sanitaires, par exemple, peuvent conduire à une demande accrue de médicaments et de produits de santé, ce qui profite aux grandes entreprises pharmaceutiques.

De même, les conflits ou les tensions internationales peuvent inciter les gouvernements à augmenter leurs dépenses militaires, ce qui profite à l'industrie de la défense. Ces entreprises peuvent donc trouver dans les crises un terreau propice à la croissance de leurs activités et à l'expansion de leurs marchés.

Les lobbies, quant à eux, ont une influence considérable sur les décisions politiques et législatives. Ils représentent les intérêts particuliers de différents secteurs et cherchent à promouvoir leurs positions et leurs avantages.

Dans le contexte des crises, les lobbies peuvent exploiter les événements pour façonner les politiques publiques à leur avantage. Ils peuvent exercer une pression sur les décideurs politiques pour obtenir des mesures favorables à leurs intérêts économiques ou pour bloquer des réformes qui pourraient les affecter. Ainsi, les crises offrent aux lobbies une opportunité de renforcer leur influence et de consolider leur pouvoir.

Enfin, la grande "gagnante" du temps des crises est la classe politique, et en particulier la classe dirigeante. En effet, cette situation présente trois avantages pour eux : tout d’abord, en temps de crise, il est bien connu que l’électorat privilégie systématiquement la stabilité de la gouvernance, et garde au pouvoir, avec peu de considération pour les résultats effectifs, les majorités en place lors du début des crises.

L'opportunité de repenser notre société

De plus, elles fournissent un prétexte pour justifier des mesures d'urgence, des politiques restrictives ou des décisions impopulaires, telles que restreindre les libertés individuelles et justifier des politiques sécuritaires. Ensuite, elles permettent de désigner un ennemi commun en la personne des "complotistes", nouveau mot-valise, une nouvelle cible une fois que le Rassemblement National ne suscite plus autant de crainte.

Cette attitude de la classe politique nous laisse perplexes et nous interpelle sur la nécessité de revoir notre approche face aux crises. Les réponses apportées jusqu'à présent semblent insuffisantes, et il est urgent de repenser nos modèles de gouvernance et nos schémas économiques pour faire face aux défis actuels et futurs. Il est temps de sortir de cette résignation et d'exiger des comptes à nos dirigeants.

Les crises ne sont pas une fatalité, mais plutôt une occasion de repenser et de réformer notre société pour qu'elle soit plus résiliente, plus juste et plus durable. Nous avons besoin de véritables leaders capables de prendre des décisions audacieuses et d'engager des changements profonds, plutôt que de chercher des boucs émissaires ou de se cacher derrière des discours creux.

Le temps des crises est également le temps des choix. Il est crucial de se mobiliser collectivement, de participer activement au débat public et de soutenir les initiatives prometteuses qui émergent de la société civile. Nous devons tous être acteurs du changement et refuser de nous résigner à un avenir sombre et incertain.

Notes : 

(1) Claude Rochet est économiste, haut fonctionnaire.

(2) Kondatriev, économiste, est l'inventeur de la théorie des cycles économiques dits "cycles de Kondratiev", qui démontrent que les économies capitalistes connaissent une croissance soutenue de long terme, suivie d'une période de dépression.

*Guillaume Palette est scientifique et ingénieur de formation.

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