"Bredouilles" ou "écoeurés", des maires de banlieue déçus par le discours de Macron

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Par Gaëlle GEOFFROY - Paris (AFP)
Publié le 23 mai 2018 - 17:01
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Emmanuel Macron lors de sa présentation des mesures pour les quartiers défavorisés, le 22 mai 2018 à Paris
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© LUDOVIC MARIN / POOL/AFP
Emmanuel Macron lors de sa présentation des mesures pour les quartiers défavorisés, le 22 mai 2018 à Paris
© LUDOVIC MARIN / POOL/AFP

"Bredouilles", "K.O. debout" ou "écoeurés": les maires de plusieurs villes de banlieue ont reçu comme un camouflet le discours d'Emmanuel Macron sur les quartiers en difficulté, lui reprochant de les court-circuiter et un manque de volonté politique.

"Le diagnostic n'est pas faux, mais je suis ressorti de l'Elysée bredouille, sans élément concréto-concret", regrette Bruno Beschizza, maire Les Républicains d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Et "j'ai eu le sentiment très étrange d'assister davantage à un meeting qu'à un discours présidentiel", dit-il à l'AFP, affirmant s'être "senti seul" en tant qu'élu au milieu des 600 invités.

Catherine Arenou, maire divers droite de Chanteloup-les-Vignes, était "K.O. debout en sortant". Emmanuel Macron "a nié le rapport Borloo, il a nié le fait que les élus sont des représentants de leurs collectivités, il a nié tout le travail associatif", a-t-elle critiqué sur France Inter.

A gauche, la maire socialiste de Bondy (Seine-Saint-Denis), Sylvine Thomassin, est "écoeurée": elle dit sur RTL avoir quitté la salle dix minutes avant la fin du discours, "quand le président a prononcé pour la troisième fois le mot +clientélisme+ en parlant des élus locaux".

"Je ne l'ai pas encore digéré", a abondé le député Nouvelle Gauche du Val-d'Oise François Pupponi, sur France Inter. Il évoque même un "tournant historique lorsque le président de la République dit que les acteurs des quartiers n'ont pas réussi à régler les problèmes et qu'il faut donc en changer", travailler avec d'autres, niant ainsi "la légitimité démocratique" des élus.

Qui sont ces autres acteurs ? "Un certains nombre de réseaux issus de la diversité (...) qui disent +nous sommes légitimes, la France est redevable vis-à-vis de nous, vous nous avez colonisés, on veut le pouvoir sur ces bases-là+", selon M. Pupponi. Mais "le pouvoir s'acquiert démocratiquement par le vote", et "laisser le champ ouvert à ces discours-là est dangereux", s'inquiète-t-il.

- "Passer à la réalité concrète" -

Du côté des moyens financiers, le manque est criant, se plaignent aussi ces élus.

Pour Jean-Louis Marsac, maire divers gauche de Villiers-le-Bel, une commune du Val-d'Oise secouée par des émeutes il y a dix ans, il n'y a "pas grand-chose".

Sujet-clé dans ces quartiers, la relance de la rénovation urbaine reste en suspens selon ces maires, et le doublement de la dotation pour l'Agence nationale de renouvellement urbain (Anru), à 10 milliards d'euros, était déjà prévu.

"A Villiers-le-Bel, on souhaite démolir au moins deux tours et quelques bâtiments, ce n'est pas avec les annonces du président de la République qu'on va pouvoir les financer", explique M. Marsac.

François Pupponi dénonce, lui, le double discours du gouvernement consistant à dire qu'"il faut arrêter de ghettoïser le ghetto" alors que "la loi Elan (sur le logement, NDLR) prend des mesures pour ghettoïser le ghetto".

Si les 30.000 stages pour les élèves de 3e ou le testing dans les grandes entreprises sont salués, certains notent qu'élus, associations et entreprises n'ont pas attendu le chef de l'Etat pour agir dans ce sens.

Et côté sécurité, le nombre annoncé de 1.300 policiers supplémentaires pour 60 quartiers leur paraît faible.

Evoquant la police de sécurité du quotidien, déjà promise par le président, Bruno Beschizza souligne que dans sa commune de 83.000 habitants, "les choses ne sont pas faites, rien de concret n'est encore arrivé".

A l'inverse, pour le maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, Emmanuel Macron "n'a éludé aucun des sujets essentiels qui font le quotidien des élus locaux: la sécurité, la lutte contre les trafics de stupéfiants ainsi que la radicalisation".

Le maire de Nice Christian Estrosi a salué la perspective d'un accès des maires au fichier FSPRT des personnes recensées pour radicalisation islamiste. Mais "je ne me bercerai pas de mots et nous attendons d'Emmanuel Macron que nous passions à la réalité concrète et que d'ici l'été les maires disposent enfin de ces fichiers", a-t-il prévenu sur Sud Radio.

Le chef de l'Etat a fixé un rendez-vous d'étape pour juillet.

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