Changement de Premier ministre : pour une révision de la Constitution

Auteur(s)
Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 09 janvier 2024 - 17:24
Image
Tribune Tranchant
Crédits
Emmanuel Dunand / Pool / AFP
Passation de pouvoir entre Elisabeth Borne et Gabriel Attal sur le perron de Matignon, 9 janvier, en début d'après-midi.
Emmanuel Dunand / Pool / AFP

TRIBUNE - Il ne fallait pas être sorti de Saint-Cyr ou de Polytechnique, voire de l'ENA, pour comprendre que le renouvellement du bail d'Elisabeth Borne à Matignon, il y a cinq mois et demi, relevait davantage du contrat à durée déterminée que du contrat à durée indéterminée. Aussi avais-je cru bon de mettre un point d'interrogation au titre de ma tribune du 21 juillet : "Elisabeth 2, reine de Matignon ?".

Puisque nous sommes dans le registre du Code du travail, constatons qu’Elisabeth Borne vient de faire l'objet d'un licenciement sans préavis formel, avec cependant les indemnités et avantages dus aux anciens Premiers ministres.

Sa lettre au président de la République est dénuée de toute ambiguïté. Elle se voyait bien poursuivre sa tâche à l'hôtel de Matignon, après avoir fait passer au forceps la loi immigration, même si l'épisode qui a provoqué l'éclatement du groupe macroniste à l'Assemblée nationale ne sera pas sans conséquences. Le "Vous m'avez fait part de votre volonté de nommer un nouveau Premier ministre", comme le "Il me faut présenter la démission de mon gouvernement" ne sont certainement pas les mots d'un chef de gouvernement qui s'attendait à être limogé, même avec les remerciements d'usage.

En délicatesse avec les Françaises et les Français, comme les enquêtes d'opinion l'attestent très régulièrement, M. Macron fait le pari qu'il pourra récupérer une partie de la popularité du plus jeune Premier ministre qu'il donne à la France. "En même temps", pour parler comme lui, il tente de mettre en piste un candidat pour sa succession. Il est, bien sûr, trop tôt pour savoir si M. Attal sera en mesure de disputer avec quelques chances de succès l'épreuve présidentielle de 2027 (j'écris cela en pensant au président sportif qui est à l'Elysée !). Mais il convient de se rappeler qu'en 65 ans de Ve République, le passage par Matignon n'a jamais semblé aux Français une figure imposée pour occuper la fonction suprême.

A l'insu de son plein gré

Le départ de Madame Borne, "à l'insu de son plein gré" comme le disait un vrai sportif de haut niveau, ne manque cependant pas de soulever une question à laquelle il faudra bien un jour apporter une réponse. C'est celle de la Constitution et de son article 8, rédigé de la sorte : " Le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement".

L'hypothèse ne s'est jamais présentée, mais elle existe en théorie : un Premier ministre qui refuserait de présenter la démission du gouvernement, et entendrait se maintenir en fonction. Interrogé à ce sujet en 1972, Jacques Chaban-Delmas — Premier ministre à qui Georges Pompidou, président de la République, venait de signifier son congé — avait répondu que le Premier ministre qui refuserait de démissionner à la demande du chef de l'Etat (et non de sa propre initiative, comme le fit plus tard Jacques Chirac sous Valéry Giscard d'Estaing) serait "un triste sire".

En attendant, triste sire ou pas, mieux vaudrait que le libellé du parchemin rejoigne la longue pratique de la Ve République, mi-présidentielle, mi-parlementaire. C'était déjà l'opinion de son fondateur, rapportée par Alain Peyrefitte dans C'était de Gaulle. Lors d'une conversation, le général de Gaulle avait confié à son ministre qu'il conviendrait, sur ce point, de procéder à une révision de la Constitution. L'article 8 pourrait par exemple être écrit simplement ainsi : "Le président de la République nomme et révoque le Premier ministre".

Ce serait à l'évidence plus conforme à la réalité, et tout autant à l'esprit du régime : si le président de la République est l'élu du peuple français, le Premier ministre est choisi et nommé par le président de la République. Hormis les périodes de cohabitation, il est son second.

Alain Tranchant est ancien délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique et président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale. 

À LIRE AUSSI

Image
Ve République Alain Tranchant
La Ve République en péril ?
TRIBUNE - "Le mode de scrutin fait le pouvoir, c'est-à-dire qu'il fait la démocratie ou qu'il la tue". A aucun moment depuis les débuts de la Ve République, cette affi...
28 décembre 2023 - 18:40
Opinions
Image
Majorité relative
Macron : la faillite de la "majorité relative"
TRIBUNE - Dans la longue histoire de la Ve République, le 11 décembre 2023 fera date. Certes, pas à l'égal du 5 octobre 1962 où l'Assemblée nationale censura le gouver...
19 décembre 2023 - 14:59
Opinions
Image
Michel Debré
Le référendum n'est pas une monnaie d'échange
L'AVIS TRANCHANT D'ALAIN - Au moment où je m'apprête à rédiger cette tribune, j'ai opportunément sous les yeux un article de Michel Debré, l'un des pères fondateurs de...
15 novembre 2023 - 18:20
Opinions

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
ARA
Décès de ARA, Alain Renaudin, dessinateur de France-Soir
Il était avant toute chose notre ami… avant même d’être ce joyeux gribouilleur comme je l’appelais, qui avec ce talent magnifique croquait à la demande l’actualité, ou...
07 novembre 2024 - 22:25
Portraits
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.