Le référendum n'est pas une monnaie d'échange

Auteur(s)
Alain Tranchant
Publié le 15 novembre 2023 - 18:20
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Michel Debré
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Collection Anefo / Nationaal Archief
"Ni la réforme d'une Constitution ni l'appel au peuple n'ont pour objet de permettre à l'exécutif de se tirer d'un mauvais pas ou de détourner l'attention de la nation", écrivait Michel Debré en 1984. Puisse-t-on s'en souvenir en haut lieu...
Collection Anefo / Nationaal Archief

L'AVIS TRANCHANT D'ALAIN - Au moment où je m'apprête à rédiger cette tribune, j'ai opportunément sous les yeux un article de Michel Debré, l'un des pères fondateurs de la Ve République, paru dans Le Monde du 2 août 1984 avec pour titre : "Le référendum n'est pas un jeu".

Il y a bientôt 40 ans, François Mitterrand, président de la République, empêtré dans la guerre scolaire qu'il avait fort imprudemment rallumée, saisissait comme une bouée de sauvetage la proposition de son conseiller Michel Charasse de lancer l'idée d'un "référendum sur le référendum", autrement dit - déjà ! - d'une extension du champ d'application du référendum de l'article 11 de la Constitution, afin de retrouver un peu d'oxygène politique.

Naturellement, il s'agissait d'un subterfuge et le référendum n'eut jamais lieu. Non sans cynisme, François Mitterrand devait ensuite confier qu'à partir du moment où il prononçait le mot de "référendum", il était tiré d'affaire.

"Votez ma loi sur l'immigration et vous aurez l'extension du champ du référendum réclamée"

Quarante ans plus tard, la situation politique n'est pas tout à fait comparable, même s'il est bien clair qu'Emmanuel Macron, qui prend goût aux conclaves à Saint-Denis et à un régime des partis d'un nouveau genre dans lequel le chef de l'Etat organise ses consultations en dehors de l'Elysée, propose aux partis d'opposition ce marchandage évident : "Votez ma loi sur l'immigration et vous aurez l'extension du champ du référendum que vous réclamez."

Si le référendum n'est pas un jeu, il n'est pas non plus une monnaie d'échange. Dans l'article auquel je me réfère, Michel Debré rappelle d'abord que "dès 1945, le général de Gaulle avait introduit cette procédure dans nos lois et dans nos mœurs, malgré les réserves des partis politiques".

Il définit ensuite le cadre, les modalités et les conséquences de cet appel au peuple souverain. "Le recours au référendum est une prérogative de l'exécutif, et nommément du président de la République. Il repose sur l'idée que, sur un sujet d'une particulière gravité, le peuple est appelé à trancher au lieu et place du Parlement. Le sérieux de la procédure a été conçu à un niveau particulièrement élevé par le général de Gaulle : si une réponse positive sert l'autorité du président et la renforce, une réponse négative équivaut à un désaveu tel que le maintien en fonction est hors de question".

Pour être certain d'être bien compris, l'ancien Premier ministre du général de Gaulle enfonce le clou : "Une approbation référendaire est l'expression d'un assentiment à un homme et à une politique. La désapprobation est un refus."

L'esprit de la Ve République impose de préférer le retour devant les électeurs aux combinaisons

A quoi joue aujourd'hui Emmanuel Macron ? C'est la question que se posent les observateurs. Dans son "Contre-point" paru dans Le Figaro du lundi 6 novembre, intitulé : "Une concession décisive ou un marché de dupes", Guillaume Tabard écrit notamment : "Le vote LR que l'exécutif veut arracher est concret et immédiat alors que le référendum exigé par LR et le RN est hypothétique et lointain." On ne saurait mieux dire.

Dans son article du Monde, Michel Debré concluait ainsi : "Ni la réforme d'une Constitution ni l'appel au peuple n'ont pour objet de permettre à l'exécutif de se tirer d'un mauvais pas ou de détourner l'attention de la nation en lui proposant de statuer à côté de la question principale. Institution fondamentale, on ne joue pas avec le référendum populaire."

Pas davantage, le référendum ne saurait être une monnaie d'échange entre un président sans majorité à l'Assemblée nationale et ses opposants. L'esprit de la Ve République impose de préférer le retour devant les électeurs aux combinaisons et tractations politiciennes dignes des Républiques antérieures.

Alain Tranchant est ancien délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique et président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale. 

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