Macron : la faillite de la "majorité relative"

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Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 19 décembre 2023 - 14:59
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Majorité relative
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Nationaal Archief
Imagine-t-on le général de Gaulle mener les destinées du pays avec une majorité toute relative ?
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TRIBUNE - Dans la longue histoire de la Ve République, le 11 décembre 2023 fera date. Certes, pas à l'égal du 5 octobre 1962 où l'Assemblée nationale censura le gouvernement de Georges Pompidou nommé quelques mois plus tôt à Matignon, et à qui on ne pouvait pas reprocher grand-chose, sinon d'avoir été désigné par le général de Gaulle. 

Le Général refusa alors la démission de son Premier ministre. Mais, puisqu'en réalité, les partis politiques héritiers de la IVe République se liguaient contre son projet de révision de la Constitution de 1958 pour y introduire l'élection du président de la République au suffrage universel, il procéda immédiatement, le 9 octobre, à la dissolution de l'Assemblée nationale pour faire du peuple souverain l'arbitre de ce conflit. La réponse fut sans équivoque : à la suite du référendum du 28 octobre 1962, approuvant le nouveau mode d'élection du président de la République à 62 % des suffrages exprimés, une majorité absolue de députés se réclamant de la nouvelle République sort des urnes aux élections législatives des 18 et 25 novembre 1962. Deux des innovations majeures de la Ve République donnant le pouvoir d'arbitrage au peuple, la dissolution et le référendum, avaient été mises en pratique. 

Un sabre en bois... 

Autres temps, autres mœurs. Même si l'adoption de la motion de rejet du texte de loi sur l'immigration par l'Assemblée nationale ne s'apparente évidemment pas au vote d'une motion de censure, celle de 1962 ayant été la seule à aboutir à la chute d'un gouvernement en 65 ans de Ve République, il était permis de penser que M. Macron qui, de temps à autre, laisse planer la menace de la dissolution dans le style "Retenez-moi ou je fais un malheur !", allait renvoyer les députés devant leurs électeurs. Mais il ne brandissait qu'un sabre de bois... 

Plutôt que cette décision d'un retour devant le peuple souverain, M. Macron a demandé aux hôtes de Matignon et de Beauvau de lui proposer une autre solution pour faire avancer devant le Parlement sa loi sur l'immigration. Une commission mixte paritaire députés/sénateurs a donc été réunie pour tenter de trouver une sortie de crise. Il est vrai que lorsqu'un pouvoir recueille régulièrement dans toutes les enquêtes d'opinion l'opposition de deux Français sur trois, il est aléatoire d'en appeler au pays et vain d'espérer que de nouvelles élections législatives apportent une vraie majorité de gouvernement. 

18 mois après le scrutin législatif de juin 2022, il apparaît en toute clarté que la "majorité relative" n'était qu'un mot, qu'une illusion, qu'elle a tout d'une minorité et rien de la majorité claire et nette, c'est-à-dire de la majorité absolue qui permet, seule, à un gouvernement digne de ce nom de faire approuver par l'Assemblée nationale, dont c'est la vocation, les lois nécessaires à la direction du pays. 

Minorité très claire 

On mesure mieux aujourd'hui la vanité des discours entendus par le peuple français. Et ils paraissent bien dérisoires les propos du chef de l'Etat, déclarant en juin 2022 au lendemain des élections législatives : "Nous devons collectivement apprendre à gouverner et légiférer différemment, bâtir des compromis nouveaux dans l'écoute, le respect et le dialogue". C'est à Bruxelles - en d'autres temps, les présidents de la République s'interdisaient de parler de politique intérieure en terre étrangère - que M. Macron s'était dit "très confiant de pouvoir bâtir des compromis" et des "majorités constructives, comme en Allemagne ou en Italie, avec l'ensemble des partis de gouvernement". Et, quand il disait encore : "Il a pu m'arriver qu'on me reproche d'avoir trop de pouvoir parce que des majorités trop claires", on ne peut que s'exclamer. 

A défaut de majorité très claire, le pouvoir en est réduit aux apparences et aux discours. Mais il arrive un moment où mettre des mots sur les maux, et prendre ses discours pour des actes, ne suffit pas. Alors que dans tous les domaines, la France s'enfonce - ses finances ne sont plus tenues depuis trop longtemps, son système de santé est à la rue, son école est livrée à la violence, sa diplomatie est illisible, son Etat impuissant à faire régner la loi républicaine, son gouvernement incapable d'assurer le logement de la population - il importe peu aux Françaises et aux Français que le conseil des ministres se soit tenu, mardi 12 décembre, dans une ambiance "crépusculaire". 

Impossible de continuer ainsi durant trois ans et demi 

Il saute aux yeux de toutes celles et de tous ceux qui ont des yeux pour voir qu'il n'est pas possible que ce pouvoir qui n'a été reconduit que par défaut, et à qui le peuple français a refusé sa confiance lors des élections législatives de juin 2022, puisse continuer ainsi pendant encore trois ans et demi. Dans le secret éventé du conseil des ministres, M. Macron a cru bon d'invectiver ses opposants, qui ont pourtant bien le droit de l'être, et qui n'ont pas été élus pour le soutenir.  

Nous sommes à des années-lumière de l'"écoute", du "respect" et du "dialogue" qu'il prônait lui-même il y a 18 mois seulement. Après avoir gouverné le pays par la peur durant la pandémie, M. Macron a désormais peur de gouverner. A un moment ou à un autre, il devra mettre son mandat en jeu. C'est la loi de la Ve République, telle du moins qu'elle était dans l'esprit de ses fondateurs qui, eux, n'étaient pas des politiciens soucieux d'une carrière, mais des hommes d'Etat servant par-dessus tout l'intérêt national. 

Alain Tranchant est ancien délégué départemental de mouvements gaullistes en Vendée et Loire-Atlantique et président-fondateur de l’Association pour un référendum sur la loi électorale.

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