Déchéance de nationalité : le sujet qui gène à gauche comme à droite
Le choix de François Hollande de conserver dans son projet de révision constitutionnelle la déchéance de nationalité crée un profond malaise à gauche et place dans l'embarras la droite, qui tout en approuvant cette disposition reste prudente sur ses intentions de vote.
Tout un pan de la gauche faisait part jeudi de son sentiment de trahison, alors que les doutes de l'exécutif avaient installé l'idée que le chef de l'Etat et son Premier ministre Manuel Valls abandonneraient l'idée de pouvoir déchoir de leur nationalité française les binationaux condamnés pour des actes de terrorisme. Une mesure surtout préconisée à droite et au FN.
"La déchéance de nationalité est contraire aux fondements de la République et n'a aucune efficacité contre le terrorisme. Pourquoi alors?" s'est inquiété dans un tweet l'ancien ministre Arnaud Montebourg.
Certains, comme le député PS "frondeur" Pascal Cherki, ont d'ores et déjà annoncé leur intention de voter contre. Même intention chez l'ex-ministre EELV Cécile Duflot, selon qui "à force de vouloir couper l'herbe sous le pied du FN, on risque d'appliquer son programme".
"Voter contre s'impose. J'appelle toutes les consciences républicaines à se réveiller et à refuser cette pente glissante. Il faut savoir poser des bornes infranchissables", déclare-t-elle dans Libération.
François Hollande réussira-t-il son pari de réunir une majorité des trois cinquièmes au Congrès (577 députés et 348 sénateurs réunis à Versailles), en gagnant l'appui de la droite quitte à perdre des voix dans son camp?
"J'espère que François Hollande ne trouvera pas la majorité des 3/5, sinon il doit se présenter à la primaire de la droite. Il est le parfait président de la droite", a critiqué sur Europe-1 l'ancien leader écologiste Daniel Cohn-Bendit, dénonçant "une erreur morale, une faute terrible". Le gouvernement s'employait jeudi à déminer, avant l'arrivée du texte à l'Assemblée le 3 février.
"Il y a beaucoup d'émotion autour de tout cela, un peu de surprise, beaucoup de confusion aussi. Donc il va falloir que les choses redescendent et que nous traitions au fond de ce sujet, c'est le travail des parlementaires", a souligné Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement sur BFMTV/RMC.
François Hollande pourrait-il se tourner vers un référendum, l'autre option pour valider une réforme constitutionnelle? "Pas du tout à l'ordre du jour", selon l'Elysée. "Pas dans l’agenda gouvernemental aujourd’hui", abonde Jean-Marie Le Guen.
La presse, en dehors du Figaro satisfait, se montrait elle aussi sévère à l'encontre de François Hollande: "débat malsain" (Libération); idéaux piétinés "d'une gauche qui n'en finit pas de manger son chapeau" (DNA) et d'un président qui ajoute "au doute ambiant sur la capacité du gouvernement à mener les affaires de manière sereine, sérieuse et à l'unisson" (Journal de la Haute-Marne).
Le chef de l'Etat a surtout tenu à ne pas se dédire de son annonce faite devant le Congrès le 16 novembre, trois jours après les massacres de Paris, comme l'a rappelé Manuel Valls mercredi en présentant la réforme, dont le principal volet, l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution, est passé au second plan.
"Il aurait été absolument désastreux qu’après un engagement aussi solennel, qu’on en pense ce que l’on veut sur le fond, le président revienne sur sa parole", a reconnu le député Les Républicains Henri Guaino.
La droite, qui était déjà prête à tomber à bras raccourcis sur le président s'il avait à nouveau renoncé à une promesse, doit se contenter d'attaquer la ministre de la Justice Christiane Taubira, qui avait critiqué la mesure et annoncé à tort son abandon.
Tant Les Républicains que l'UDI se retrouvent désormais face au dilemme de devoir voter pour le texte (ou au moins s'abstenir), ce qui est nécessaire pour atteindre les 3/5e au Congrès. Vers un oui pour certains comme M. Guaino ou Benoist Apparu, non pour Patrick Devedjian.
Le silence radio était de mise chez les ténors: de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par François Fillon, aucun n'avait encore réagi jeudi. Quant au FN, qui estime avoir remporté "une bataille idéologique" sur la déchéance, ses quatre députés et sénateurs devraient voter pour.
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