Déchéance et réforme de la Constitution : Hollande reprend la main
François Hollande s'en mêle: le président de la République recevra mercredi 20 les présidents de l'Assemblée et du Sénat et vendredi 22 les groupes parlementaires pour recueillir leur avis sur la révision constitutionnelle, avec l'espoir de débloquer ce dossier devenu un boulet pour la majorité. L'annonce de ces rencontres est intervenue lundi 18 au soir, alors que s'ouvrait un bureau national du Parti socialiste consacré à la question.
Le bureau national ne s'est pas conclu par un vote. Mais il a donné "mandat" à une délégation présidé par le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis et le président de la Commission des Lois Jean-Jacques Urvoas, pour qu'ils transmettent au président la position du PS.
"Nous pensons que le texte peut évoluer dans un sens qui combine à la fois l'union nationale (...) pas de ségrégation entre les Français, et (sans) créer d'apatridie", a expliquer M. Cambadélis à la presse à la sortie de la réunion.
Parmi les présents, l'ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault et l'ancien numéro 1 du PS Martine Aubry, qui ont selon plusieurs participants rappelé leur opposition à l'article 2 du projet de révision constitutionnelle, qui prévoit d'inscrire dans la constitution la possibilité de déchoir de leur nationalité les binationaux condamnés pour terrorisme.
Comme de nombreux responsables, ils reprochent au projet de l'exécutif de stigmatiser les binationaux et de remettre en cause le droit du sol.
A l'issue des débats, il apparaît que les socialistes sont "très clairs pour refuser très majoritairement cette idée de déchéance de nationalité (...) Très clairement, il y a la nécessité de réécrire ou de supprimer cet article 2, cela a été exprimé (...) très majoritairement", a expliqué à la presse le député frondeur Christian Paul. En lieu et place, de nombreuses voix se sont élevées pour défendre l'idée d'une "déchéance de citoyenneté", a-t-il précisé.
En arrivant à Solférino, M. Ayrault avait plaidé devant la presse pour cette solution qui permettrait de "sortir par le haut". Problème: il n'est pas certain que cette formule convienne à la droite, qui a fait savoir depuis plusieurs semaines qu'elle ne voterait pas la réforme si la déchéance de nationalité n'y figurait pas.
Interrogé dimanche 17 par Radio J, le chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux avait dit espérer pouvoir soumettre au président "dans les jours qui viennent" une formule qui fasse consensus, grâce au travail du président de la commission des Lois Jean-Jacques Urvoas (PS). Selon des sources parlementaires, l'hypothèse sur laquelle travaille M. Urvoas serait de ne pas préciser de condition de nationalité dans la loi fondamentale mais de la renvoyer à une loi d'application, qui sera présentée en même temps.
Pour éviter une stigmatisation des binationaux, plusieurs responsables socialistes -dont M. Le Roux- avaient prôné d'appliquer la déchéance de nationalité à tous les Français, au risque de créer des apatrides, mais cette solution a été rejetée par le Premier ministre. Manuel Valls a aussi écarté samedi 16 la solution de l'indignité nationale, qui avait l'avantage de ne pas créer de discrimination entre les binationaux -quelque 3,5 millions de Français- et le reste des citoyens.
La fédération PS de Paris, une des plus puissantes de France, avait approuvé vendredi 15 une motion prônant une peine d'indignité nationale ou de déchéance citoyenne plutôt que la déchéance de nationalité.
Quelle que soit la solution qui s'imposera, l'exécutif entend aller vite, alors que les débats sur la révision constitutionnelle empoisonnent depuis des semaines le paysage politique, et que l'Assemblée doit commencer l'examen du texte entre le 5 et le 9 février, et le Sénat à partir du 16 mars. Le gouvernement, qui "ne veut pas traîner inutilement" selon un ministre, aura aussi à cœur de s'éviter d'interminables navettes entre l'Assemblée et le Sénat. Mercredi 13, le président du Sénat Gérard Larcher a ainsi laissé augurer au moins un aller-retour entre les deux chambres, en affirmant que le texte du Sénat serait "sans doute différent" de celui de l'Assemblée.
"Le chef de l’État va encore faire des consultations, très bientôt, et sifflera la fin de la partie" si nécessaire, a affirmé sous couvert d'anonymat un responsable PS.
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