Dissolution 2024 (5/6) : Il faut sauver le soldat Attal !

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Wolf Wagner, pour France-Soir
Publié le 05 juillet 2024 - 19:41
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8 septembre 2023, Saint-Denis - Après avoir été copieusement sifflé par la foule du Stade de France, Emmanuel Macron assiste au premier match de la coupe du monde de rugby de l'équipe de France.
8 septembre 2023, Saint-Denis - Après avoir été copieusement sifflé par la foule du Stade de France, Emmanuel Macron assiste au premier match de la coupe du monde de rugby de l'équipe de France.


Le 9 juin 2024, alors que le Rassemblement National et Reconquête ! parvenaient à hisser l’extrême-droite française au plus haut de l’histoire des élections européennes, Emmanuel Macron ordonnait, à la surprise générale, la dissolution de l’Assemblée nationale. Le « geste le plus démocratique et le plus républicain qui soit » selon le chef de l’État. Une stratégie risquée qui, si elle vise vraisemblablement une multitude d’objectifs, n’a pour autant aucun rapport avec la fibre républicaine du Président. Analyse (en six parties).
 

Note de l’auteur : avant de prendre connaissance de cet article, il est fortement recommandé de lire, voire relire, les précédents volets de cette chronique, en particulier le troisième et le quatrième. Certains points précédemment explicités ne le sont plus dans la partie qui suit et sont désormais pris pour acquis.


À la suite du premier tour des élections législatives et contrairement au récit entretenu par la macronie, par la presse dominante et une partie de la presse dissidente, il apparaît de plus en plus incontestable que la macro-oligarchie est la grande gagnante de cette dissolution.

Pour preuve :
- Le RN, volontairement propulsé au sommet de l’État par la macronie, est désormais assuré de durablement s’installer dans le paysage institutionnel français. Le récit binaire, devenu mondial, entre « souverainistes » et « mondialistes », entre « méchants d’extrême-droite » et « gentils progressistes », se trouve ainsi solidement renforcé ;
- La majorité centriste, au leader sans avenir, a été tuée pour faire place nette à un nouveau bloc « progressiste »… affranchi de toute impopularité présidentielle, de quoi pouvoir mettre tout doucement en branle le remake de 2017 ;
- Ce bloc progressiste – toujours en fécondation – se construit pour combattre l’extrême-droite. Il ne peut donc avoir d’autre fond idéologique que celui d’être de tendance gauchiste… sur le modèle des Démocrates aux États-Unis. Cela tombe bien, le retour en force des sociaux-démocrates sur la scène nationale lui promet justement un bel avenir ;
- La France Insoumise, jugée trop radicale, se retrouve, elle, de plus en plus marginalisée avec, à terme, deux options possibles : devenir un parti insignifiant mis au ban de la vie politique. Ou « se déradicaliser » en acceptant de tuer sa culture ancestrale de gauche pour être autorisée à intégrer le bloc progressiste… mais sans Mélenchon, faut pas pousser !

Depuis la semaine précédente, de nouveaux éléments sont venus appuyer ces différents constats.

Le plus savoureux de tous étant certainement celui rapporté par le père du chef de l’État, Jean-Michel Macron. Lors d’une interview donnée à la presse régionale, le patriarche de la famille présidentielle déclare : « si le RN montre en deux ans qu’il est parfaitement incapable de gouverner, on peut espérer qu’il n’ira pas plus loin. C’est un peu ce que mon fils m’avait dit deux mois avant les élections européennes ».

En quelques mots, le père du Président venait de brillamment résumer les quatre premières parties de cette chronique : son fils envisageait déjà, il y a trois mois, de confier le pouvoir au RN. De l’aveu même de Jean-Michel Macron, la décision de dissoudre l’assemblée aurait bien été mûrement réfléchie par le chef de l’État, par McKinsey, par Blackrock et par leurs algorithmes.

En voilà une révélation… sauf pour les lecteurs de cette chronique !

De manière à reprendre le fil de l’analyse, là où il avait été laissé, commençons par se remémorer les dernières lignes du précédent volet :
« Dissoudre l’assemblée permet, certes, d’asseoir durablement un jeu binaire avec le RN, tout en affaiblissant LFI et en ressuscitant les sociaux-démocrates, mais cela offre surtout l’opportunité de préparer l’avenir. L’objectif final pour l’oligarchie restant de trouver un nouveau champion capable de prendre la tête du bloc ultra-libéral en 2027 afin de conserver l’Élysée. (…) Ne reste donc plus qu’à trouver celui ou celle qui aura l’envergure politique nécessaire pour tenir le rôle du futur roi ou de la future reine ! ».

S’ils sont déjà nombreux à droite, au centre et « à gauche » à appeler à la formation d’une coalition gouvernementale aux allures de nouveau bloc « de gentils progressistes », le choix de l’heureux élu, censé en prendre la tête, n’est lui, en revanche, toujours pas arrêté.

 

ÉDOUARD PHILIPPE HORS-JEU, ATTAL EN MARCHE VERS 2027


Difficile de se plonger dans la destinée royale de Gabriel Attal sans d’abord évoquer celle d’Édouard Philippe. L’actuel maire du Havre ayant longtemps cru être le dauphin d’Emmanuel Macron. Mais, malheureusement pour lui, la mer s’est depuis quelque peu agitée.

Il y a déjà son lourd bilan des années Covid que l’ancien Premier ministre traîne comme un boulet. Associé au pire du pire de la macronie, celui aussi surnommé « Monsieur Rivotril » ou le « blagueur de Notre-Dame » garde l’impopulaire image d’un homme capable d’appliquer à la lettre et sans poser de questions des mesures politiques aussi liberticides que totalitaires.

Par ailleurs, en raison de deux maladies auto-immunes, Édouard Philippe a récemment connu un changement brutal d’apparence physique. Des maladies sans gravité, mais qui interrogent la plupart des personnes qui le croisent, toutes curieuses de comprendre les causes de cette métamorphose. Lors d’une interview donnée à l’émission Sept à Huit sur TF1, l’ancien Premier ministre évoquait lui-même la manière dont ses maladies, bien plus que ses idées, pouvaient intriguer la population.

Ainsi, si Édouard Philippe est aujourd’hui devenu la personnalité politique préférée des français – selon un « sondage » réalisé sur internet par Odoxa auprès d’un millier de personnes – rien n’interdit de penser que cette cote de popularité puisse davantage reposer sur la compassion de l’opinion publique à son égard que sur le respect qu’elle porterait à un leader politique charismatique… dont le micro-parti, Horizons, sorte de rémora de la macronie, n’a jamais été véritablement capable de nager de manière autonome et indépendante.

Plus encore que la richesse anti-démocratique de son bilan ou son incapacité à rassembler derrière son projet politique, le problème actuel d’Édouard Philippe est d’abord et avant tout d’ordre géographique. Sur l’échiquier politique, avec les quelques LR qui n’ont pas (encore) franchi le Rubicon vers le désormais mastodonte RN, le parti de l’ancien Premier ministre fait désormais figure de frontière avec l’extrême-droite.

Or, de part cette position et faute de disposer de troupes fraîches capables de venir grossir ses rangs, Horizons est voué à disparaître ou à très difficilement vivoter entre le bloc RN et celui de Gabriel Attal.

Il y a d’ailleurs des signes qui ne trompent pas. Lors de chaque grande élection nationale, après l’annonce des résultats, les chefs de parti ont pris l’habitude de se succéder à la télévision pour prendre la parole en direct.

Ce dimanche 30 juins 2024 n’a donc pas dérogé à la règle. Ainsi, à 20:06, Édouard Philippe tente de s’exprimer le premier. Alors en direct sur France 2, le plateau de la chaîne du service public fait silence pour le laisser parler… mais l’actuel maire du Havre ne veut pas commencer son intervention, attendant visiblement que TF1 se connecte à son tour pour relayer ses propos. Pas de chance ! Sur la chaîne privée de l’empire Bouygues, c’est François Bayrou, assis en plateau, qui commente les résultats du premier tour sans que personne ne daigne l’interrompre pour laisser la parole à Édouard Philippe.

Conséquence directe : France 2 a fini par s’impatienter et a décidé d’interrompre la retransmission. Le maire du Havre n’ayant alors plus d’autre choix que de prendre son mal en patience. Il lui faudra ensuite attendre 20:38 pour avoir le droit à une seconde chance… mais seulement après que Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Jordan Bardella se soient exprimés.

Le comble de cette histoire ? TF1 n’a même pas consenti à diffuser son allocution lors de son deuxième passage. François Ruffin, alors en duplex, ayant été préféré par la maison Bouygues… pourtant connue pour défendre les intérêts de la droite conservatrice française (de Chirac à Sarkozy en passant par Juppé, c’est-à-dire le mentor d’Édouard Philippe).

Dur dur donc pour la personnalité politique préférée des français ! Ses propres oligarques ne misent plus du tout sur lui.

En résumé, le maire du Havre a de moins en moins de chance d’être un jour intronisé « roi » du bloc progressiste. Et, ce n’est certainement pas le renfort de Gérald Darmanin qui y changera grand-chose.

Le train semble donc bel et bien être passé pour Édouard Philippe. Dorénavant, celui qui tient davantage la corde pour prendre en main l’héritage de la macronie n’est autre que le jeune Gabriel Attal. Bien cerné et décrit par l’avocat et essayiste Juan Branco, le Premier ministre actuel est incontestablement – avec Jordan Bardella – celui qui a été le plus choyé par la macro-oligarchie au cours des derniers mois.

 

ATTAL CHOUCHOU DE L’OLIGARCHIE


Young Global leader (1, 2, 3), invité du sommet du Bilderberg, Gabriel Attal est identifié par la presse étrangère comme un « bébé Macron », là où Christophe Barbier préfère – plus modestement – le comparer à « la force de dieu », voire, même, à son « bras armé », capable de repousser le RN à lui-seul !

D’abord élu député, puis nommé secrétaire d'État, le jeune Gabriel Attal a rapidement été propulsé au poste de ministre délégué chargé des comptes publics. Alors placé sous la direction de Bruno Le Maire, il conserve cette fonction durant un peu plus d’un an, avant d’être promu ministre de l’Éducation nationale en juillet 2023.

Enfin à la tête de son propre ministère, ce jouvenceau de la politique a alors pu parfaire son personnage… grâce à un scénario taillé sur-mesure pour le mettre en valeur.

En effet, alors qu’en 2016 le nombre d’actes de harcèlement à l’école diminuait pour la première fois en 20 ans, depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, les parents d’élèves et autres associations n’ont cessé de crier leur ras-le-bol face à la recrudescence de ce phénomène et à l’inaction des pouvoirs publics. La macronie ne cessant de laisser pourrir l’école depuis 2017.

Enfin, cela, c’était avant que Gaby le Magnifique ne prenne la tête de l’Éducation nationale.

Comme par enchantement, un texte de loi – initié par l’impopulaire Pape Ndiaye - était adopté grâce à l’intervention de Gabriel Attal. De manière à protéger les victimes, il devenait alors possible de transférer un élève harceleur dans un autre établissement.

Le jeune ministre osait même enfin poser des mots sur l’inaction du système éducatif français : « Ce courrier est une honte ! », lançait-il notamment à l’attention du rectorat de Versailles, coupable de l’envoi d’une lettre incisive à l’encontre d’une famille dont l’enfant de 15 ans venait de se donner la mort.

Surfant sur sa nouvelle popularité, Gaby le Protecteur pouvait poursuivre sereinement sa campagne de promotion en dévoilant cette fois une série de nouvelles annonces sur tout un tas de sujets (interdiction de l’abaya, réforme du collège, généralisation de l’uniforme).

Et, qu’importe si celles-ci n’auraient finalement eu que « peu d’effets concrets », selon Public Sénat, le jouvenceau centriste avait trouvé ce qu’il était venu chercher : un CV !

Moins de six mois après sa nomination à la tête de l’Éducation nationale, fort de ce bilan élogieux, l’homme qu’Emmanuel Macron considère « un peu » comme « son petit frère » pouvait alors être promu à l’un des postes les plus prestigieux de l’État : celui de Premier ministre.

Très vite, la presse des oligarques s’est emballée au sujet de sa nouvelle perle, s’empressant de reprendre, mot pour mot, le récit vendu en 2016 et 2017 au sujet de son « frère aîné ». Par exemple, les médias aiment évoquer la « fulgurante ascension » de Gabriel Attal et rappellent qu’à l’instar du président de la République, le chef du gouvernement actuel « ne dort que 4 heures par nuit » (1 et 2). En bref, à en croire la presse française, depuis son passage à l’Éducation nationale et à Matignon, le déjà futur ex-Premier ministre serait, ni plus ni moins, devenu « l’enfant prodige de la macronie » !

« En même temps », contrairement à tous les macronistes locataires de Matignon avant lui, le jeune Gabriel a eu la chance de recevoir un traitement de faveur. Exceptée la loi sur l’assurance chômage – dont il a hérité du gouvernement Borne mais qu’il a depuis suspendue – il ne lui a jamais été demandé d’imposer de nouvelles mesures impopulaires. Un sacré cadeau au regard des injonctions faites à Philippe, Castex ou Borne.

Mieux encore ! Dès son arrivée à Matignon, le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Vᵉ République a eu à gérer une « terrible crise agricole »… orchestrée par la FNSEA dont les accointances avec le pouvoir sont de notoriété publique. Cette révolte paysanne, mi-sincère, mi-instrumentalisée, avait vite débouché sur une large mobilisation des agriculteurs à travers tout le pays. À peine le feu allumé, le jeune Premier ministre avait alors décidé de revêtir ses habits de pompier en allant directement à la rencontre de Jérôme Bayle, l’un des leaders de la contestation. 

Après avoir brièvement discuté avec l’intéressé sur une autoroute bloquée par ce dernier, Gabriel Attal parvenait miraculeusement à accrocher un accord avec lui. Le leader local, satisfait des mesures annoncées par le chef du gouvernement, avait alors accepté de lever le point de blocage dès le lendemain.

Gaby le Magnifique venait encore de frapper ! 

Malgré ces jolis moments de com’, la macro-oligarchie est face à un problème systémique. Autant il lui est possible d’arranger deux ou trois beaux coups de ce type pour travailler l’image de l’une de ses pépites, autant elle sait pertinemment que, dans l’histoire de la Ve République, aucun Premier ministre en poste n’a jamais réussi à passer directement de Matignon à l’Élysée.

En effet, un chef de gouvernement devant continuellement défendre son bilan – qui, on le sait, concernant la macronie, est toujours synonyme de forte impopularité – s’il avait dû poursuivre son aventure à Matignon, Gaby le super-Premier ministre aurait par conséquent vite eu du mal à tenir le rôle positif de son personnage. Difficile, voire impossible, de se construire l’image d’un futur roi progressiste populaire à tendance gauchiste si l’on poursuit en parallèle la casse sociale macroniste habituelle.

D’ailleurs, en janvier 2024, au moment de son arrivée à la tête du gouvernement et après son coup d’éclat avec les agriculteurs, si Gaby le Magnifique avait réussi à ravir la place de personnalité politique préférée des Français à Édouard Philippe, il s’est rapidement aperçu que, malgré tous ses efforts, sa cote de popularité était en train de fondre au moins aussi rapidement qu’elle n’était artificiellement montée.

Un macroniste restant un macroniste.

Au final, si la pépite progressiste souhaite pouvoir garder toutes ses chances en 2027, il devenait indispensable de la sortir au plus vite de Matignon avant qu’elle ne s’y enlise. En clair, le « petit frère » du Président n’avait strictement aucun intérêt à rester Premier ministre durant les trois prochaines années.

En revanche, grâce à de beaux discours finement préparés, sur des sujets tout aussi bien choisis, l’espace laissé aux leaders d’opposition permet de cultiver une réputation bien plus positive que n’importe quel Premier ministre en exercice.

En résumé, la dissolution décidée par le chef de l’État a clairement servi les objectifs personnels du potentiel Président Attal.

De plus, ses passages express par l’Éducation nationale et Matignon auront permis à cet adolescent de la politique de se construire l’image d’un homme d'État auréolé d’un bon bilan. Sans épaisseur, ni fond, certes, mais tout de même bon… c’est-à-dire sans grosse casserole connue, ce qui représente un luxe en macronie (rappelons tout de même les velléités mafieuses de la sœur de Gabriel Attal face à Juan Branco, ndla).

 

LE MATCH ATTAL-BARDELLA SURVENDU PAR LES MÉDIAS


Pour démontrer que la macro-oligarchie a clairement misé sur Gabriel Attal pour alimenter le récit binaire entre « progressistes » et extrême-droite, il n’est pas nécessaire de partir dans de grandes explications alambiquées, il suffit simplement d’observer le tableau médiatique proposé depuis quelques mois.

Par exemple, lors de la récente campagne des élections européennes, le débat organisé le 3 mai par la chaîne d’info « progressiste » BFMTV ne laissait la parole qu’aux deux seules têtes de liste du RN et de Renaissance, Jordan Bardella et Valérie Hayer, excluant de ce fait les figures de gauche.

Très vite, Gabriel Attal a demandé à Valérie d’aller voir « Hayer », afin de lui laisser prendre seul l’espace médiatique.

Tout le monde garde en tête ce moment où, en plein direct sur France-Inter, le frère du chef de l’État était intervenu, sans prévenir personne, pour couper la chique à sa tête de liste. Depuis ce moment, Gaby le Magnifique n’a plus jamais lâché l’antenne ! Il est même devenu omniprésent dans les médias. Chaque jour ou presque Gabriel Attal est invité, interrogé, suivi et encensé par la presse française.

Par exemple, fin mai, le « prince » des centristes s’offrait, en direct sur France 2, une joute verbale en toute intimité avec Jordan Bardella. Depuis, ce duo fonctionne visiblement tellement bien qu’il est en permanence plébiscité par les médias (1 et 2).

En résumé, durant ces deux campagnes électorales, Gabriel Attal et Jordan Bardella ont, à eux deux, totalement phagocyté l’espace télévisuel… même Marine Le Pen s’est auto-invisibilisée, y compris lorsque Emmanuel Macron lui proposait un débat aux chandelles, juste tous les deux, entre « gentil » et « méchante ». Rien n’y a fait ! Seuls les deux jeunes pousses de l’oligarchie ont eu le droit d’exister médiatiquement, enfermant ainsi, encore et toujours, l’offre politique dans une opposition bipartite entre extrême-droite et « progressistes ».

 

GABRIEL ATTAL ROMPT (OFFICIELLEMENT) AVEC LE PRÉSIDENT
 

Au final, Gabriel Attal bénéficie clairement d’un statut privilégié au sein de la macro-oligarchie, il est d’ores et déjà reconnu comme le « prince » des centristes… mais aspire également à devenir le roi des « progressistes ». Un objectif légitime qui nécessite toutefois de d’abord tuer son « frère » !

En ce sens, le 16 juin, Le Parisien nous racontait « l’histoire secrète d’une quasi-rupture » entre Emmanuel Macron et Gabriel Attal. Ce dernier n’ayant « pas avalé de ne pas avoir été mis dans la boucle du plan confidentiel du président ». Le journal francilien croit même savoir que « leur relation s’est, depuis dimanche, radicalement crispée »,.

Il y aurait donc du rififi dans l’air entre les deux « frères ». D’ailleurs, au lendemain de la dissolution, le benjamin de la fratrie aurait, toujours selon « l’histoire secrète » du Parisien, osé mettre « les pieds dans le plat sur l’impopularité de Macron : Vous êtes le président, vous ne pouvez pas mener la campagne vous-même, argumente le Premier ministre, expliquant que sur le terrain, sa figure est un repoussoir ».

Quelle illumination après sept ans de vie de famille ! Quel courage, aussi, d’oser critiquer ainsi le chef de l’État… juste après que ce dernier se soit fait Hara-kiri !

Un roman-photo a même été publié sur Instagram par Soazig de la Moissonière, la photographe officielle de l’Élysée (comprendre que cette parution s’est faite avec l’approbation de la Présidence). L’un des clichés publiés illustre notamment l’expression défiante et ostensiblement chafouine du Premier ministre à l’égard du Président le soir de la dissolution.

En d'autres termes, si quelqu’un ne l’avait pas encore compris, Macron et Attal : c’est fini ! Et, ils tiennent tous les deux à vous le faire savoir.

Ce grossier spectacle semble avoir fonctionné, puisque, mardi 18 juin, la propagande macroniste relayait à outrance l’échange entendu entre un badaud, croisé dans la rue, et le Premier ministre. Lors de cette conversation, diffusé sur LCI, l’homme en question alpague Gabriel Attal pour lui demander de bien « dire au président qu'il ferme sa gueule ! ». Puis, il ajoute : « Comprenez-moi. Vous, vous êtes bien. Vous étiez même très bien dans l’Éducation nationale. Pour l'instant, ça va bien, mais alors le Président, c'est lui qui nous fout dans la merde ».

Ce monsieur a donc acté, comme la communication macro-oligarchique le lui avait soufflé, qu’il pouvait enfin cibler publiquement le chef de l’État sans risquer de se faire contredire par l’un de ses plus proches lieutenants… ni risquer d'être embarquer par les forces de l’ordre.

Si Gabriel Attal n’a même pas cherché à défendre Emmanuel Macron face à ce Monsieur, c’est tout simplement que le chouchou des oligarques, enfin libéré de sa tunique macroniste, voudrait bien à présent rappeler à tous que sa véritable famille de cœur n’est pas centriste ! Non, non, le désormais ex-petit frère du Président est, et a toujours été, un social-démocrate !

 

ATTAL, CE SOCIALO DE TOUJOURS !


Un bon timing compte tenu du retour de cette famille politique sur la scène nationale. Au moment où de plus en plus d’élus appellent à la création d’un nouveau bloc progressiste à tendance gauchiste, il n’aura donc pas fallu longtemps à Gabriel Attal pour se mettre dans la peau de son nouveau personnage,

En effet, de sorte à pouvoir être en mesure de rassembler en dehors de ses bases, le futur ex-Premier ministre ne manque désormais plus de rappeler à qui veut l’entendre qu’il a fait ses premières classes en politique au Parti socialiste. Les médias n’hésitant pas non plus à le soutenir dans sa campagne de communication (1, 2).

Autrement dit, dans le cas où un nouveau bloc progressiste, à tendance centro-gauchiste, venait à voir le jour prochainement, que tout le monde soit bien au courant, l’ex-petit frère d’Emmanuel Macron compte bien en faire partie !

Et, pour légitimer son retour aux sources, le soir du premier tour, la première chose que Gabriel Attal constate, c’est que « l’extrême-droite est aux portes du pouvoir ». Bien vu ! La faute à qui ?

Le regard sombre et d’un ton grave, il assure ensuite : « Pas une voix ne doit aller au Rassemblement National » et ajoute qu’il faut « empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue ».

L’ancien membre du PS met ensuite en avant son pedigree : « mon histoire personnelle, tout autant que mon parcours politique, me conduisent, aujourd’hui et devant vous, à me dresser de toutes mes forces contre le projet funeste de l’extrême-droite. Elle réduirait nos valeurs à néant, elle affaiblirait considérablement notre pays et ne ferait qu’ajouter du malheur au malheur pour nos concitoyens qui souffrent ».

Le « parcours politique » auquel se réfère celui qui se dit de mouvance « Strauss-Khanienne » correspond à sa participation à la manifestation contre Jean-Marie Le Pen en 2002, à son soutien à Ségolène Royal lors la campagne présidentielle de 2007 et à son entrée, en 2012, au cabinet de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, en tant que conseiller chargé des relations avec le Parlement.

En bref, le prétendant au trône de France joue à fond la carte du SocDem.

Et, lorsqu’un jeune croisé dans la rue demande au Premier ministre : « vous êtes capable de me regarder dans les yeux (…) en me disant que vous ne donnerez pas une seule voix à l’extrême-droite ? ». Gaby le socialo lui répond illico en lui rappelant que « c’est ce qu’il a dit dès dimanche soir », avant d'inviter son interlocuteur « à regarder Madame Tondelier qui a salué [ses] propos », tout comme « Monsieur Delanoë ».

Allez quoi, croyez-le, Gaby est de gauche ! Enfin, « de gauche », entendons-nous bien, de celle fréquentable. En clair, celle du futur bloc progressiste et surtout pas celle de Mélenchon ! 

 

GABY LE SOCIALO FORCE LE TRAIT À GAUCHE POUR MARQUER SA RUPTURE AVEC LE MACRONISME



Déjà, avant le premier tour des élections législatives, le futur ex-Premier ministre expliquait – sans blague – que « quand on est de gauche, attaché aux valeurs de la République et de la laïcité, on a plus sa place avec nous [les centristes] qu’avec la France Insoumise ».

Puis, le 13 juin, soit quatre jours après la dissolution et trois après la « rupture secrète » avec le chef de l’État, Gabriel Attal clarifiait encore davantage sa situation politique sur France Inter :

« J'ai milité au Parti socialiste. Je suis triste de voir ce parti se ranger derrière la France insoumise. Je suis triste de voir des sociaux-démocrates se ranger avec la NPA. (…) Je pense à tous ces électeurs sociaux-démocrates, qui sont animés par des valeurs de tolérance et d'humanisme. Je leur fais confiance pour faire le bon choix le 30 juin et le 7 juillet prochains ».

Un peu plus tard dans la journée, lors d’une vadrouille dans la rue – c’est-à-dire là où son ex-grand frère ne peut plus faire un pas sans ameuter la moitié des forces de sécurité du pays – Gaby le socialo en remettait une couche en dénonçant, cette fois, « un accord de la honte » entre PS et LFI.

Bien au fait du nouveau rôle qu’il a à jouer, Gabriel Attal ajoutait : « Nous, on doit être mobilisé pour convaincre [les Français], il faut choisir notre voie à nous qui est celle d’une voie progressiste, républicaine, démocrate, sociale... ». Et, tant qu'à faire, le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve, sous-entendait ensuite qu’il se verrait bien devenir le représentant de ce « bloc progressiste ».

Merci, mais on l’avait compris !

Il ajoute : « Moi je le dis aux électeurs d’une gauche sociale-démocrate qui – et ils sont nombreux – ne se retrouvent pas dans les valeurs et le programme de la France Insoumise – que le PS a décidé, malheureusement, de rejoindre – et ben je leur dis évidemment de soutenir nos candidats ».

Évidemment… sauf qu’une fois les résultats du premier tour connus, l’alliance de gauche ressortait – comme attendu – plus forte que celle du centre. Face à ce retour inéluctable du clivage gauche-droite, Gabriel Attal a alors compris qu’il devait encore davantage forcer sur son trait gauchiste s’il voulait pouvoir un jour devenir le « roi des progressistes ».

Le chef du gouvernement va dès lors prendre un virage à 180 degrés. Toujours sur France Inter, Gabriel Attal assure que « jamais [il ne fera] d’alliance avec la France Insoumise », mais qu’à la différence du RN, « LFI n’est pas en situation d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale, [ni] de gouverner le pays ». Par conséquent, le jeune prince indique que « cela ne fait pas plaisir à beaucoup de français de devoir faire barrage avec un autre bulletin que celui qu’on aurait voulu », mais « c’est de notre responsabilité de le faire ».

En d’autres termes, Gaby le socialo ose marquer son retour à gauche en laissant clairement entendre qu’il vaut mieux voter LFI que RN.

Alors que cela fait déjà plusieurs mois que la macro-oligarchie se démène pour permettre au RN de s’installer durablement au sein des institutions françaises, tout en ostracisant LFI, cette déclaration de Gaby le socialo n’a pas franchement été bien accueillie du côté de l’aile droite de la macronie.

Qu’il s’agisse de Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin (1 et 2), Sylvain Maillard, Yaël Braun-Pivet ou bien du chef de file des sénateurs macronistes – dont le groupe se nommait encore jusqu’en 2020, La République en Marche avant de prendre le prophétique nom de Groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants… rien que cela ! – tous ont appelé à ne voter ni pour un candidat RN ni pour LFI.

Seuls les communistes, les socialistes et les écologistes étant considérés comme suffisamment fréquentables pour les macronistes. Édouard Philippe ayant par exemple déclaré qu’il voterait pour un candidat communiste pour faire barrage au RN.

En résumé, pour l’aile droite du centre : « d’accord pour s’allier au sein du futur bloc progressiste avec la gauche sociale-démocrate (communistes et écolos inclus) – afin de, pourquoi pas, tenter de récupérer Matignon dès cet été, et surtout l’Élysée en 2027 – mais hors de question de laisser le moindre centimètre au mélenchonisme ! »… alias ce mal absolu qui a privé de tant gamelles les figures macro-compatibles de l’ensemble de ces partis.

Au final, en se dégageant de ses impopulaires responsabilités gouvernementales, tout en « rompant » avec le chef de l’État et l’aile droite de la majorité présidentielle, l’ancien membre du Parti socialiste a pu entamer, aux yeux de tous, son virage à gauche.

Pour autant, le jeune Attal, même choyé par la macro-oligarchie, risque d’avoir du mal à se défaire de son passif macrnoniste. La preuve lors de sa sortie au Mans, dans la Sarthe, le 20 juin, où le Premier ministre avait été sifflé par la population. Même Brigitte Macron, dans le cadre des obsèques de François Hardi au Père-Lachaise à Paris, avait eu le droit à ses huées.

En clair, toute personne issue de la macronie est détestée par le peuple. Difficile, donc, pour Gaby le Magnifique d’être absolument certain de pouvoir rafler l’Élysée en 2027… même après s’être re-converti à la sociale-démocratie.

L’oligarchie a donc besoin d’un plan B capable de rassembler du centre-droit aux communistes, le tout afin de mener à bien la lutte des progressistes contre les nationalistes.

En bref, comme le dit le bon vieux dicton macro-oligarque : « plus on possède de chevaux inscrits dans une course, et plus on a de chances de la gagner ! ». Comprendre que l’ex-petit frère du chef de l’État n’est pas le seul à avoir les faveurs des puissants.

En plus de Jordan Bardella, un nouveau chouchou de l’oligarchie a récemment fait son irruption sur la scène nationale. Vierge de tout bilan macroniste (mais loin d’être exempt de toute casserole), ce nouveau personnage pourrait bien réussir à tirer son épingle du jeu social-démocrate !

Un concurrent sérieux pour le futur ex-chef du gouvernement… qui en a pleinement pris conscience, puisque lors de la campagne du premier tour, quand il critiquait un « accord de la honte » entre le Parti socialiste et LFI, Gabriel Attal déclarait également : « Je me mets à la place des électeurs qui ont voté pour Raphaël Glucksmann et pour Place Publique, ils doivent se sentir tellement trahis. Tellement trahis ! Ils ont entendu pendant toute la campagne [des européennes] : c’est fini avec Jean-Luc Mélenchon, c’est fini avec la NUPES. |Or,] ils n’ont pas attendu plus de 24 heures pour se remettre derrière Jean-Luc Mélenchon ».

Le nom était lâché. La jeune pépite de Davos a distinctement identifié son principal adversaire progressiste !
 

Retrouvez, après les résultats du second tour, le sixième et dernier volet de cette chronique : Dissolution 2024 : La macronie est morte ! Vive la glucksmannie… !

 

Wolf Wagner, journaliste indépendant, pour France-Soir

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