Edouard Philippe, un juppéiste "brillant" et parfois "cassant"
A 46 ans, Edouard Philippe, maire apprécié du Havre peu connu du grand public est propulsé Premier ministre. Un esprit "brillant" et "moderne" de la galaxie juppéiste, mais parfois "cassant" à l'image de celui qu'il a longtemps appelé son "patron", Alain Juppé.
Adepte de la boxe, comme Manuel Valls, il a accompagné Alain Juppé depuis la création de l'UMP en 2002 comme directeur général du parti. En 2010, il prend la succession du chiraquien Antoine Rufenacht comme maire du Havre, avant d'être élu en 2014 dans cette ville qui fut communiste jusqu'en 1995.
"Il est très attaché au Havre, son grand-père était docker", raconte un de ses amis. Dans cette ville portuaire qui voit défiler des porte-conteneurs de 400 mètres de long, la protestation contre la loi Travail a été l'une des plus fortes.
Après la défaite d'Alain Juppé à la primaire de la droite fin novembre, le député-maire a choisi sa ville plutôt que l'Assemblée, où il n'a pas été très actif.
Celui qui a milité dans sa jeunesse pour Michel Rocard -- il a d'ailleurs fait partie de la commission Rocard/Juppé sur le grand emprunt (2009) -- a écrit des chroniques sur la campagne chaque semaine depuis janvier dans Libération.
Dans l'une d'elles, il explique que quand Alain Juppé a tiré "sa révérence" début mars en renonçant définitivement à briguer l'Elysée, cela lui a donné "la niaque d'être à sa hauteur".
Dans une autre, intitulée +Ambulans+ (En Marche, en latin), il conseille à Macron de "transgresser" pour "constituer une majorité d’un nouveau type"...
Lui a un profil ultra-classique: Sciences Po, classement dans la botte à l'Ena lui permettant d'intégrer le Conseil d'Etat, mais aussi quelques années dans un cabinet d'avocats anglo-saxon et chez Areva.
Opposante communiste au Havre, Nathalie Nail voit des similitudes entre lui et le nouveau président, critiquant un "louvoiement entre la droite et la gauche". "Ces gens là ont une formation Sciences po-ENA et après ils choisissent en fonction des opportunités", dit-elle.
- La confiance de Juppé -
"Intelligent, vif d'esprit, par moment un peu braque", décrit une petite main de LR, qui le juge "solide" mais "cassant". "Il est assez moderne dans sa manière de travailler", vante un de ses proches qui met aussi en avant sa "fidélité" et sa "loyauté".
"Hyperactif et sportif", poursuit cet ami pour compléter le portrait de ce longiligne quadra. Ses parents profs - son père est décédé - lui ont donné le goût des lettres. Avec son ami Gilles Boyer, aussi juppéiste, il a écrit deux romans policiers.
"Il n'est pas très accessible", glisse un élu normand, qui trouve qu'il n'exprime "pas une chaleur colossale" mais qu'il est un homme "de qualité".
"Comme beaucoup de types brillants, il a peut-être cette pointe d'arrogance", concède un juppéiste. Une attitude qui n'est pas sans rappeler la personnalité d'Alain Juppé. Lors d'un meeting de la primaire de la droite, Edouard Philippe a raconté comment Juppé lui avait fait confiance alors qu'il avait "31 ans", le qualifiant de "bon patron".
Ses amis louent son humour, ses imitations de Sarkozy et Chirac, et notent sa passion pour Churchill. Comme Chirac, il fait de grandes enjambées et goûte la bière Corona.
En revanche, son inimitié avec Nicolas Sarkozy est notoire: "Ce qui est sûr c'est qu'Edouard ne baisse pas le regard face à Sarkozy", explique un de ses amis, en guise de brevet de bravoure.
Ce germanophone, marié et père de trois enfants, se définit comme "beaucoup plus libéral qu'Alain Juppé" et confiait en 2015 s'entendre "très bien" avec "Bernard Cazeneuve, qui a le sens de l'Etat".
Dans son livre sur Alain Juppé ("Lapins et Merveilles"), la journaliste Gaël Tchakaloff le définit ainsi: "arrogance, excès de confiance en soi et ambition démesurée". "Un audacieux dont les ambitions étranglent la témérité".
"Il y a un élément du pouvoir qui est central, c'est la capacité à nommer, à décider des nominations", y déclare le maire du Havre dans "Edouard, mon pote de droite", un documentaire réalisé par Laurent Cibien.
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