Expérimentation animale : quel est le rôle des comités d'éthique ?

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Marion Renson-Bourgine, édité par la rédaction.
Publié le 27 mars 2018 - 19:25
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Une expérimentation sur une souris.
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©Anne Christine Poujoulat/AFP
Depuis la directive européenne de 2010 portant sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, les projets de recherche doivent obtenir obligatoirement l’avis favorable d'un comité d’éthique.
©Anne Christine Poujoulat/AFP
Depuis plusieurs années, toute expérimentation réalisée avec des animaux doit obligatoirement obtenir l'avis favorable d'un comité d'éthique. Pour "France-Soir", Marion Renson-Bourgine, juriste spécialisée dans le droit animalier, revient sur le rôle précis de ces organismes dont le rôle principal est de protéger les animaux utilisés à des fins scientifiques.

Récemment, des illustrations ont atteint la sensibilité du public face à certaines expérimentations animales. C’est le cas notamment du "Monkeygate" chez Volkswagen, dévoilé fin janvier 2018, qui consistait en des essais réalisés sur des singes dans un laboratoire travaillant pour le compte de ce constructeur automobile. Les animaux étaient forcés à inhaler des gaz d’échappement de voitures. Ou, en novembre 2017, une vidéo faite par une zootechnicienne concernant les souris de laboratoire a pu être révélée par l'association Animal Testing[1] provoquant un choc aux yeux du public.

L’expérimentation animale est ainsi une préoccupation supplémentaire de souffrance animale qui fait débat. Malgré la reconnaissance d’êtres vivants doués de sensibilité[2] des animaux, y compris ceux utilisés à des fins scientifiques[3], des expérimentations continuent et restent justifiées[4]. Pour autant, des contrôles sont mis en place afin d’encadrer au mieux ces activités. C’est dans cette considération qu’interviennent les comités d’éthique. Ces derniers sont prévus aux articles R214-117 à R214-121 du code rural et de la pêche maritime[5] et sont agréés par arrêté du ministre chargé de la recherche[6]. Leur rôle ne doit pas être négligé.

Depuis la directive européenne de 2010 portant sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques[7], les projets de recherche doivent obtenir obligatoirement l’avis favorable du comité d’éthique[8] selon qu’ils utilisent des animaux et que "cette utilisation ou cette intervention sont susceptibles de causer à cet animal une douleur, une souffrance, une angoisse ou des dommages durables équivalents ou supérieurs à ceux causés par l'introduction d'une aiguille effectuée conformément aux bonnes pratiques vétérinaires"[9].

Lire aussi - Volkswagen teste des gaz d'échappements sur des singes, les défenseurs des animaux en colère

Pour qu’une procédure expérimentale soit licite, des conditions sont posées à l’article R214-105 du même code. Elle doit répondre à des critères d’utilité et de nécessité. En effet, elle doit avoir un des objets prévus par l’article (par exemple: la recherche fondamentale ou la protection de l'environnement naturel dans l'intérêt de la santé ou du bien-être de l'homme ou de l'animal) et répondre aux "trois R" qui sont les principes de raffinement, de réduction et de remplacement[10]. Le caractère de stricte nécessité découle de l’absence de possibilité de remplacer (premier "R") l’expérimentation animale par une autre méthode. Dès lors que le remplacement ne peut se faire, le nombre des animaux doit être réduit (deuxième "R") au mieux et de façon à ne pas compromettre les objectifs du projet. Des études statistiques permettent de conforter le choix du nombre.

De plus, il convient de réduire le plus possible "toute douleur, souffrance, angoisse ou dommage durables que pourraient ressentir les animaux", ce qui passe par le raffinement (troisième "R") des conditions d'élevage, d'hébergement, de soins et des méthodes utilisées. Les "trois R" considérés comme la référence de la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques font l’objet d’une évaluation complète par le comité d’éthique.

En effet, ce dernier procède à un examen minutieux du bien-être animal concrétisé dans le respect des "trois R" et l’objectif poursuivi par l’utilisation de ces animaux. Pour ce faire, les comités d’éthique doivent garantir le respect de la Charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation animale[11]. Le premier article impose le respect de l’animal en tant qu’être vivant doué de sensibilité[12]. Cette notion de "respect" est un marqueur fort de protection animale.

L’article 6 de la Charte définit la démarche éthique en imposant une réflexion préalable sur plusieurs points: "l'absence de méthodes alternatives adéquates pour poursuivre une finalité identique", "l’utilité de l’expérimentation envisagée par rapport à des travaux conduits par ailleurs", "la pertinence des méthodes choisies et le niveau de probabilité d’aboutissement à des résultats tangibles", "l’adéquation entre les modèles animaux envisagés et les objectifs scientifiques poursuivis", "l'importance des atteintes aux animaux au regard des résultats attendus".

Voir précédemment - Expérimentation animale: où en est la France?

Mais aussi "la prise en compte des caractéristiques biologiques et cognitives des espèces concernées", "le choix des espèces, lorsqu’il s’agit d’espèces non domestiques, afin qu’il ne menace pas la biodiversité", "la limitation du nombre d’animaux utilisés au minimum nécessaire", "le choix des conditions de vie, d’hébergement, de soins et d’utilisation des animaux, de sorte que soient respectés le mieux possible leurs besoins physiologiques et comportementaux". 

Cette réflexion préalable est indispensable pour les chercheurs ou scientifiques afin d’augmenter la probabilité d’un avis favorable par le comité d’éthique. Ce dernier évalue les projets lors de réunions où règnent dialogue et réflexion entre membres de compétences pluridisciplinaires[13]. Il analyse l’objectif présenté afin d’apprécier l’acceptabilité éthique du choix du modèle, des procédures expérimentales et de la méthodologie qui y sont liés.

La Charte précise que l’évaluation doit porter sur différentes facettes de l’expérimentation animale à savoir: "la préparation de l’animal, le choix et la réalisation du modèle animal ainsi que son utilisation, le protocole expérimental détaillé qui doit tenir compte de la sensibilité des animaux ainsi que des contraintes liées à l’espèce".

Elle doit décrire "clairement la répercussion des procédures expérimentales sur l’état physiologique et psychologique des animaux, les degrés de gravité et les points limites qui doivent être particulièrement identifiés dans le protocole et les mesures prévues pour la prévention et la gestion, voire la suppression des contraintes dans toute la mesure du possible, notamment de la douleur qui sont documentées en s’appuyant, avec les efforts requis, sur des référentiels reconnus". Mais encore "l’utilisation d’outils statistiques et/ou de techniques d’analyse appropriées qui permettent d’optimiser la méthodologie expérimentale mise en œuvre et d’obtenir un maximum de résultats interprétables".

L’article R214-119 du code rural et de la pêche maritime impose aux comités de prendre en compte l’ensemble des principes énoncés dans la Charte. Il est aisé de comprendre l’importance de leur rôle dans la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

Par conséquent, les comités d’éthique en expérimentation animale constituent les organes référents de la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, par leur examen sérieux, large et minutieux des projets qui leur sont soumis. Ils ont, à cet effet, un pouvoir de blocage du protocole de recherche en cas de non-respect des principes éthiques définis précédemment. C’est pourquoi, dans un contexte sensible auquel appartient l’expérimentation animale, il convient de relever positivement le rôle des comités d’éthique.


[2] Art. 515-14 du code civil (Jean-Pierre Marguénaud, "L'entrée en vigueur de «l'amendement Glavany»: un grand pas de plus vers la personnalité juridique des animaux". Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2014, p. 15 et s. http://www.unilim.fr/omij/files/2015/04/RSDA-2-2014.pdf), Art. L214-1 code rural et de la pêche maritime.

[3] Directive 2010/63/UE du Parlement Européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, (12) "Les animaux devraient donc toujours être traités comme des créatures sensibles".

[4] V. Dossier thématique "Expérimentation animale", Revue Semestrielle de Droit Animalier 1/2009. L’idée de "mal nécessaire" l’emporte. V. Florence Burgat, "Expérimentation animale: un mal nécessaire, RSDA 1/2009, p. 193 et s., http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/50_RSDA_1-2009.pdf

[6] Art. R214-117 c. rural et de la pêche maritime.

[8] Ibid. Cet avis favorable s’ajoute cumulativement à l’autorisation du ministre chargé de la recherche (Art. R214-122 c. rural et de la pêche maritime).

[9] Art. R.214-89 c. rural et de la pêche maritime.

[10] Principes éthiques posés par deux chercheurs Burch et Russel en 1959 (W.M.S. Russell and R.L. Burch,The Principles of Humane Experimental Technique). Depuis la directive de 2010, ils constituent une règle juridique à part entière. V. Jean-Pierre Marguénaud, "La nouvelle directive européenne du 22 septembre 2010 relative à laprotection des animaux utilisés à des fins scientifiques: une révolutionmasquée", Revue Semestrielle de Droit Animalier 2/2010, p. 35 et s., http://www.unilim.fr/omij/files/2013/10/61_RSDA_2-2010.pdf ; Jean-Pierre Marguénaud, Expérimentation animale, entre droit et liberté, éd. Quae, 2011, p. 36 et s.

[12] Jean-Pierre Marguénaud, Expérimentation animale, entre droit et liberté, éd. Quae, 2011, p. 40-41.

[13] Art. R214-118 c. rural et de la pêche maritime (sur la composition du comité d’éthique).

 

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