Financement libyen et campagne 2007 : dans quels cas Nicolas Sarkozy pourrait-il être condamné ?
A l’issue de son placement en garde à vue l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy a été mis en examen par les juges d'instruction en charge de l'affaire dite des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
L'ancien chef de l'État a été mis en examen des chefs de "corruption passive", "financement illégal de campagne électorale" et "recel de détournement de fonds publics libyens".
Que risquerait l'ancien Président si sa culpabilité venait à être établie par les juges ?
Le premier délit visé par l’article 432-11 du code pénal, celui de "corruption passive", vise toute personne "dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif" ayant sollicité ou agréé, "sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, sa mission ou son mandat". En clair la corruption passive est juridiquement caractérisée lorsque l’acte de corruption est à l’initiative de la personne qui est corrompue, c'est-à-dire de la personne qui accomplit ou n'accomplit pas un acte en échange d'une contrepartie.
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La corruption implique un accord entre la personne qui corrompt et la personne corrompue. Les deux personnes agissent en connaissance de cause, c’est la raison pour laquelle d’ailleurs elles sont toutes deux en infraction. On parle de "pacte de corruption". Pour qu'il y ait condamnation, il faut que l'on puisse prouver l'existence de cet accord.
Pour ce délit serait encouru dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amendes au titre de l'article 435-1 du code pénal. L'article 432-17 prévoit des peines complémentaires et notamment l’interdiction des droits civils, civiques et de famille.
Un important arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 mai 2009 (08/84107) a modifié le point de départ de la prescription en cas de dissimulation des faits de corruption. En effet la cour a jugé que "le point de départ du délai de prescription des faits de corruption et d'abus de confiance qui ont été dissimulés est reporté à la date où ceux-ci sont apparus et ont pu être constatés dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique", c’est à dire des poursuites pénales. C’est pour cela que l’affaire se trouve seulement maintenant en cours d’instruction du fait de la tardiveté de la révélation de ces soupçons de financement, et ce, bien après la présidentielle de 2007 et la validation des comptes de campagne par le Conseil constitutionnel.
Le "recel de détournement de fonds publics libyens" réprimé par l’article 432-15 prévoit cette fois-ci une amende d’un million d'euros.
L'accusation devra démontrer en l’espèce qu’aurait été "détourné ou soustrait un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission".
Le détournement doit avoir été commis intentionnellement, l’existence d’un préjudice important peu.
Pour que Nicolas Sarkozy soit condamné, il faudrait donc que les juges démontrent que c'est bien lui qui a effectivement détourné cet argent. Toutefois, la seule négligence qui permet le détournement est également punissable d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (article 432-16 du code pénal).
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Enfin, trois ans de prison et 45.000 euros d'amende seraient encourus dans le cadre de la mise en examen pour "financement illégal de campagne électorale", selon l'article L113-1 du code électoral. Il est reproché à Nicolas Sarkozy d'avoir dépassé le plafond des dépenses électorales fixé par l'article L. 52-11 et de n'avoir pas respecté les formalités d'établissement du compte de campagne prévues par l'article L. 52-12 du même code.
Par ailleurs l’article 52-8 du code électoral interdit aux candidats d’être financé par un Etat étranger – la Libye en l’occurrence– et de recevoir des dons en espèces d'une valeur supérieure à 150 euros.
L'article L113-1 précise bien que c'est le candidat qui encourt cette peine en cas d'infraction.
Sur cette affaire, à ce stade de l’instruction, il n’est pas inutile de rappeler la formule de Cesare Beccaria dans son fameux traité des délits et des peines paru en 1764: "la justice doit respecter le droit que chacun a d’être cru innocent", et ce, qu’il soit "puissant ou misérable".
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