Loi immigration et droit d'asile : pourquoi les avocats s'insurgent
Gérard Collomb présente ce mercredi 21 son projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif". Un projet très décrié par les associations d'aide aux immigrés qui le jugent répressif, mais qui fait également réagir les avocats spécialisés dans le domaine, les agents chargés d'examiner les demandes d'asile, et même le barreau de Paris.
En effet, l'une des principales idées de cette réforme est de raccourcir les délais entre l'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés. Une mesure qui pour le gouvernement doit éviter de laisser "pourrir" les situations en laissant des personnes en situation irrégulière attendre indéfiniment.
Voir: Asile et immigration, Collomb présente son projet de loi controversé
Ce qui se traduit dans le projet par le doublement de la durée maximale de rétention à 90 jours (voire 135 en cas d'obstruction). Une logique qui implique de facto un raccourcissement des délais de recours, lesquels ne seraient plus nécessairement suspensifs. Par ailleurs, certains s'offusquent du concept de décisions rendues par vidéoconférence.
"L’argument d’un traitement rapide de la demande d’asile comme faveur faite à celui qui bénéficiera d’une protection ne tient pas", a écrit dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron publiée par Libération l'association d'avocats spécialisés ELENA.
Pour elle, cette mesure "a pour seul objectif d’enserrer les demandeurs d’asile dans des délais difficiles à respecter avec pour conséquence d’attenter à leurs droits en les excluant de la procédure". En clair, il s'agit pour ces juristes de compliquer la tâche des demandeurs d'asile pour faciliter les expulsions.
Ce mercredi, le barreau de Paris a déclaré par voie de communiqué qu'il ne peut "que s'opposer aux dispositions proposées par le gouvernement qui contreviennent aux droits de la défense et au droit inconditionnel de l'asile". Un projet qui selon lui "renforce la stratégie d'évitement du juge" et "ne respecte pas les principes et textes fondamentaux encadrant le droit d'asile : la convention européenne des droits de l'homme et notre Constitution".
"Faciliter"? Ce n'est pas l'idée que retiennent les agents de la Cour nationale du droit d’asile, chargée de traiter les dossiers. Ses agents ont débuté ce mercredi leur neuvième jour de grève. La réduction des délais signifie pour eux une hausse du rythme d'examen des dossiers. Or, selon Sébastien Brisard, rapporteur à la Cour et secrétaire général du Syndicat Indépendant des Personnels du Conseil d’Etat et de la CNDA (SIPCE) cité par Street Press: "on est arrivé dans les limites de ce que l’on pouvait faire. Un dossier c’est un homme ou une femme, ce n’est pas un chiffre. Aujourd’hui, un juge traite 325 dossiers par an. Par séance, un magistrat peut statuer sur 13 dossiers. C’est énorme!".
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