Loi sur les Fake News, contrôle des médias, censure et libertés : Emmanuel Macron face à la riposte
L'annonce par Emmanuel Macron mercredi 3 lors de ses voeux à la presse d'une loi pour lutter contre les Fake News a créé la polémique. Et ceux qui sont en filigrane pointés du doigt par le président de la République ont été les premiers à dénoncer la volonté d'une censure, d'un contrôle d'Internet, dernier lieu de parole libre selon eux, par un pouvoir auquel tous les médias traditionnels seraient déjà plus ou moins soumis.
RT et Sputnik, médias russes pro-Kremlin déjà accusés de propager de fausses nouvelles par Emmanuel Macron ont ainsi chacun sonné la charge. Le premier site s'appuie sur l'avis d'expert d'un "blogueur et économiste" dont un rapide tour sur son compte Twitter permet de constater les tendances anti-Macron, anti-Etats-Unis et pro-Russes. Le second n'hésite pas à affirmer sans ambage que "parallèlement aux grandes figures politiques françaises, les internautes se sont révoltés contre la loi du président".
Voir: Devant Vladimir Poutine, Emmanuel Macron accuse Russia Today et Sputnik de "propagande mensongère"
L'ultra droite et l'extrême droite, également visées à mots couverts, n'ont pas non plus tardé à s'exprimer. La "fachosphère" est en effet connue pour sa capacité à propager des fausses rumeurs par le biais de demi-informations ou de montages grossiers. Le FN semble également se sentir visé à en croire la réaction de plusieurs de ses cadres.
Lire aussi: Compte offshore: Macron accuse Marine Le Pen de propager des "fake news"
Le député Gilbert collard juge ainsi sur fond d'une photo mettant en scène un Macron maître des médias que "Si on traque les fausses nouvelles et la propagande ça va macroner dur".
Si on traque les fausses nouvelles et la propagande ça va macroner dur : pic.twitter.com/hJPFhf83b8
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) 4 janvier 2018
Marine Le Pen évoque de son côté un "contrôle de la parole libre sur Internet" s'interrogeant sur une démocratie qui musèlerait ses citoyens et sur un contrôle qui serait l'apanage du gouvernement ou des "juges du syndicat de la magistrature".
Qui va décider si une information est fausse ? Des juges du Syndicat de la Magistrature ? Le gouvernement ? MLP #VoeuxÀLaPresse https://t.co/ABxEL6QnW8
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 3 janvier 2018
Mais il n'y a pas que ceux qui craignent les fameux "juges rouges" qui évoquent leurs inquiétudes. Même son de cloche du côté de l'Insoumise Raquel Garrido qui dénonce "une atteinte à la liberté d'expression" quand Emmanuel Macron "ferait mieux d’en finir avec la concentration oligarchique du pouvoir médiatique et la précarité des journalistes".
Ils ont bon dos les #fakenews. S’en prendre - de fait - à la viralité des réseaux sociaux est une atteinte à la liberté d’expression. @EmmanuelMacron ferait mieux d’en finir avec la concentration oligarchique du pouvoir médiatique et la précarité des journalistes. #voeuxpresse
— Raquel Garrido (@RaquelGarridoFr) 3 janvier 2018
Cependant, même en dehors de ceux qui peuvent se sentir visés par ce projet de loi, certaines voix s'élèvent pour mettre en garde contre les risques qu'elle soulève. Ne serait-ce que sur la définition de la "Fake News", terme parfois fourre-tout, et sur l'impossibilité dans bien des cas de décréter une "vérité".
Damien Rieu, directeur de la communication de la ville FN de Beaucaire et membre de l'équipe du site d'ultra-droite fdesouche souvent taxé de propager des Fake News en donne un bel exemple en affirmant que 74% des journalistes sont de gauche. L'étude Harris qu'il évoque relève en fait que 74% ont voté François Hollande au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2012. Au premier tour, ils étaient moins de 60% à avoir voté Hollande ou Mélenchon. Ce sondage montre donc simplement que les trois-quarts des membres de la profession préféraient François Hollande à Nicolas Sarkozy.
Un raccourci établi par une personne à l'opinion déjà faite en se basant sur des éléments sérieux constitue-t-il une fausse nouvelle? L'interprétation, le filtrage douteux de certaines informations pourraient-ils alors être sanctionnés? Les questions sont sensibles, d'autant plus que la manipulation de l'opinion relève souvent d'un habile mélange de vérité, d'approximations et de mensonges.
"Pour lutter contre les Fake News l'une des choses les plus urgentes et importantes est de faire attention aux mots, à la terminologie. C'est par celle-ci que la propagande gangrène nos prises de position", résume Marie Peltier, historienne et chercheuse ayant publié un ouvrage de référence sur le sujet (L'Ere du complotisme, la maladie d'une société fracturée, ed. Les Petits Matins, 2016).
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