Police : pas de "mainmise" du FN mais son "offre politique" séduit selon Luc Rouban
Si le Front national n'a pas de "mainmise" sur la police, son "offre politique" de défense du service public séduit de plus en plus les policiers, estime Luc Rouban, chercheur au CNRS, auteur d'une étude du Cevipof sur le vote des fonctionnaires à la présidentielle de 2017.
> Le patron du PS a vu la "patte" du FN dans les manifestations de contestationdes policiers. Ce parti a-t-il investi la profession ?
"Il n'y a pas une mainmise du FN sur la police mais il est évident que le parti cherche à récupérer l'affaire à son profit.
"C'est la règle du jeu. Tous les partis politiques essayent de profiter d'une situation de conflit pour se positionner dans un débat électoral. En revanche, on observe une convergence entre l'offre politique du FN et une situation de conflit dans une grande partie de la fonction publique et notamment dans la police, confrontée quotidiennement à la violence, avec des effectifs et des moyens qui ont beaucoup diminué sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La spontanéité de cette colère policière est inquiétante car elle montre que les syndicats ne sont plus vus comme des interlocuteurs pour la base".
> Pourquoi le Front national séduit?
"Le FN a complètement évolué dans son offre politique. Jean-Marie Le Pen avait un discours poujadiste antifonctionnaires. Marine Le Pen offre un discours très différent, beaucoup plus structuré, associant la défense de services publics puissants à celle de la partie la plus précaire, la plus modeste de la population. Le FN a su se positionner sur ce qu'on pourrait appeler la +nouvelle lutte des classes+, la cause des pauvres.
"Aujourd'hui, plus de 56% des policiers et militaires (actifs et retraités) ont l'intention de voter FN à l'élection présidentielle de 2017, selon notre étude. Plus on s'approche de la base, plus on vote FN. Ils ont le sentiment d'être piégés dans une situation très difficile, d'être les pompiers du social. Le FN se renforce dans tous les secteurs de la fonction publique confrontés à la misère sociale (professeurs, personnels soignants, policiers) et pour qui exercer leur métier devient dangereux. Le grand échec de la gauche, c'est de ne pas avoir pris la mesure de la pauvreté en France".
> Est-ce le symptôme d'une défiance vis-à-vis des partis de gouvernement?
"Traditionnellement, les policiers ne votent pas beaucoup à gauche. Pour eux, il s'agit plutôt de choisir entre la droite parlementaire et le FN. Le début du vote FN a commencé au début des années 2000 et s'est fortement accéléré depuis 2007. La réduction des effectifs policiers sous Sarkozy et le souhait de poursuivre les suppressions dans la fonction publique décrédibilise la droite parlementaire.
"La gauche n'a pas été capable de mettre fin au sentiment d'impuissance politique face notamment à la montée des trafics dans les quartiers. Si le gouvernement a annoncé des renforts, ils ne sont pas encore opérationnels car former les futurs policiers prend du temps. Les policiers, à qui on demande beaucoup, veulent voter pour un parti qui met en avant un État fort et régalien".
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