À Polytechnique, les élèves s’opposent au groupe Total Énergies
Depuis 2019, des élèves de l’école Polytechnique s’opposent au projet de construction sur leur campus d’un centre de recherche et d’innovation du groupe pétrolier Total Énergies.
Une plainte contre le PDG de Total
Depuis maintenant deux ans, « l’affaire Total » est le sujet de discorde qui divise le plateau Paris-Saclay, où siège entre autres l’école Polytechnique. Alors que le groupe pétrolier Total Énergies prévoit d’installer à quelques centaines de mètres de leur campus un vaste centre de recherche et d’innovation, les élèves de la prestigieuse école d’ingénieurs multiplient les actions pour manifester leur opposition.
Car le mécontentement n’est pas seulement le fait d’une poignée d’élèves. Selon une enquête menée par Le Monde, plus de 85 % des 777 participants à un sondage du bureau des étudiants ont exprimé un motif de désaccord avec le projet du géant pétrolier. Les trois principaux griefs sont « la proximité [du centre de recherche avec le campus], la transparence du processus, et l’exclusivité du lien avec Total », détaille Le Monde.
Alors que le chantier devrait démarrer dans les jours à venir, Total Énergies et Polytechnique sont cette fois-ci dans le viseur de la justice. Une plainte a en effet été déposée en avril contre le PDG de Total Patrick Pouyanné, pour prise illégale d’intérêts. Elle a été déposée par Greenpeace France et Anticor, mais aussi par l’association La Sphinx, qui rassemble plusieurs dizaines d’anciens élèves de Polytechnique. Selon eux, Patrick Pouyanné aurait profité de sa position de membre du conseil d’administration de l’école pour obtenir l’autorisation d’implantation du centre d’innovation sur le site de Saclay.
Une entreprise à l’éthique remise en question
Et face au géant pétrolier, les élèves ne décolèrent pas. Dans une lettre adressée aux administrateurs de l’école avant le conseil d’administration du 17 juin, consultée par Le Monde, ils s’opposent fermement à « un rapprochement supplémentaire de l’école avec une entreprise dont l’éthique est remise en question ».
Reprochant à Total des « pratiques politiques discutables dans des pays en voie de développement » et des « engagements pour l’environnement jugés trop peu ambitieux », cette nouvelle génération d’élèves se heurte pourtant à l’incompréhension de la direction. Alors que dans les grandes écoles, les rapprochements avec des groupes d’envergure internationale sont monnaie courante, la gronde soulevée par ces étudiants plus sensibles aux questions environnementales n’est pas comprise. Un ancien élève de l’école, Matthieu Lequesne, également cofondateur de La Sphinx, raconte ainsi qu’en 2017, face à la promotion parrainée par Total, Patrick Pouyanné s’est emporté quand des étudiants l’ont interrogé sur un projet d’exploration pétrolière au large de la Guyane, destructeur du récif corallien de l’Amazone.
« Je me démets ou je me soumets »
Pour calmer le jeu, la direction multiplie les actions, dont des débats avec des experts en environnement, venus défendre les partenariats noués par l’école avec les groupes industriels. Mais ne compte pas pour autant reculer. Tandis que le président de l’école Éric Labaye évoque une « forme de désinformation » qui circule parmi les étudiants, le colonel Leduc, chef de corps et directeur de la formation humaine et militaire, n’hésite pas à formuler des avertissements explicites aux élèves frondeurs. Dans un mail daté du 26 juin 2020, il leur rappelait ainsi « qu’en entreprise comme dans les armées, la règle du “je me soumets” ou “je me démets” est applicable ».
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