Tortures et meurtres : les civils seront les premières victimes de la bataille de Mossoul, alerte Amnesty international

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Propos recueillis par Raphaëlle de Tappie
Publié le 18 octobre 2016 - 18:00
Mis à jour le 19 octobre 2016 - 16:26
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Mossoul Daech réfugiés
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©Delil Souleiman/AFP
D'après les associations présentes en Irak, les moyens humanitaires ne sont pas suffisants pour faire face à un afflux de réfugiés.
©Delil Souleiman/AFP
Alors que la communauté internationale a les yeux rivés sur l'opération militaire en cours à Mossoul, se pose la question de la sécurité des civils. Non seulement ceux qui fuiront la ville assiégée risquent de se retrouver entassés dans des camps insalubres mais ils ne sont pas non plus à l'abri des milices paramilitaires chiites, qui se sont montrées coupables dans le passé de vengeances, de tortures et de disparitions forcées envers les populations sunnites.

Alors que l'offensive des forces alliées pour reprendre Mossoul à Daech vient d'être lancée, se pose la question de l'avenir de la population civile. Les habitants de la ville irakienne devraient très bientôt la fuir en masse, submergeant les camps installés à proximité, le tout peu avant l'arrivée de l'hiver. Et, outre le manque de moyens des humanitaires, ces réfugiés, sunnites pour la plupart, risquent de se retrouver confrontés aux milices chiites paramilitaires. D'après un rapport publié par Amnesty International mardi 18, ces dernières se sont déjà rendues coupables dans le passé de nombreux crimes, allant de la disparition forcée à la torture, voire le meurtre. Nina Walch, coordinatrice de crise au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour l'ONG fait le point sur la situation. 

> Si des milliers de civils fuient Mossoul en même temps, comment s'en occuper? Faut-il s'attendre à une crise humanitaire d'ampleur?

"Les Nations unies et les associations craignent en effet une grosse crise humanitaire. Dans les premières phases du combat on s'attend à la fuite de 200.000 civils mais à terme cela pourrait se transformer en un million de personnes alors qu'à l'heure actuelle il y n'a que quelque 60.000 places prêtes, ou presque, dans la vingtaine de camps installés. Ces derniers sont répartis du nord au sud, à l'est de Mossoul".

> Les humanitaires ne sont donc pas prêts?

"Pendant trois semaines, Amnesty a mené une enquête sur les actes de vengeance et les tortures commis par les milices chiites sur les sunnites soupçonnés de collaboration avec l'Etat islamique lors d'opérations militaires précédentes. Pour cela, nous avons parlé à de nombreuses associations présentes sur le terrain. Nos contacts nous ont affirmé que l'aide humanitaire était largement sous-financée. Les ONG doivent se préparer à tous les scénarios possibles car aujourd'hui personne ne sait concrètement comment ça va se passer pendant les semaines et mois à venir. Mais avec l'hiver qui arrive et les énormes besoin d'eau et de nourriture que les réfugiés auront, je pense qu'on est largement en-dessous de ce qui doit être fait. Les camps sont censés être des solutions transitoires. Mais quand on sait qu'en Irak il y a 3,4 millions de personnes déplacées et que beaucoup vivent dans des conditions misérables, y compris dans des camps, je ne sais pas combien de temps les réfugiés vont vraiment rester là".

> L'armée irakienne a promis que les milices chiites ne prendront pas part à la prise de Mossoul. Mais aura-t-elle le pouvoir de protéger la population civile?

"Le Premier ministre Haïder al-Abadi a donné des instructions. Il a appelé à faire preuve de prudence et de vigilance pour assurer la protection des civils. Mais ces instructions doivent trouver un écho sur le terrain: il n'y a pas de contrôle effectif sur ces milices à l'heure actuelle et même si elles restent en dehors de Mossoul comme cela a été promis, une fois que ces civils commenceront à fuir ils seront systématiquement contrôlés, comme cela a été le cas dans le passé. Or c'est lors des contrôles avant d'arriver aux camps qu'il y a des tortures, des disparitions... Là, le gouvernement irakien doit prendre des mesures concrètes pour garantir que ces situations ne se reproduiront surtout pas. Car si cela arrivait à Mossoul, ce serait à une plus grande échelle que ce qu'on a pu voir dans le passé.

"En juin, quand 1.300 personnes ont fui une ville au sud de Falloujah, elles ont été détenues dans une ferme et torturées. Aujourd'hui, 700 manquent toujours à l'appel, on ignore si elles sont encore en vie. Mais il n'y a pas que le problème des actes de vengeance. Les civils doivent pouvoir fuir en toute sécurité. Ils peuvent marcher sur des mines, se faire tirer dessus par l'Etat islamique ou être pris entre deux feux. Aujourd'hui, on parle beaucoup de l'opération militaire et on en suit chaque minutes mais beaucoup on tendance à oublier qu'on parle d'une ville de 1,5 million d'habitants. Faire un assaut sur une ville si densément peuplée prendra du temps. Il faut surtout, et on n'en parle pas assez, protéger les civils et faire en sorte qu'ils puissent fuir sans problème et ne se retrouvent pas ensuite lâchés dans des camps mal installés à la merci de milices qui vont s'en prendre à eux". 

 

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