Un millier de migrants évacués à Paris sur le campement insalubre du "Millénaire"
La situation y devenait critique entre problèmes d'hygiène, tensions et passeurs: après des semaines de bras de fer entre le gouvernement et la Ville, un millier de personnes ont été évacuées mercredi du plus gros campement de migrants à Paris.
L'opération, la 35e organisée dans la capitale depuis trois ans, a mis fin au campement du "Millénaire", situé le long du canal de Saint-Denis (nord-est). Entamée vers 6H00, l'évacuation s'est déroulée dans le calme, a constaté une journaliste de l'AFP.
"On ne sait pas si on pourra rester en France. Moi je veux rester en France, je sais que je peux faire ma vie ici", confiait Ibrahim, un Soudanais, avant d'être pris en charge.
Dans la matinée, des camions bennes de la Ville ont retiré des quais tentes, sacs de couchage et détritus tandis que les derniers migrants étaient acheminés vers les 24 structures d'accueil, essentiellement des gymnases, mobilisées par les autorités en Ile-de-France.
Selon un dernier bilan du préfet de région Michel Cadot et de la préfecture de police, 1.017 personnes ont été évacuées. Un chiffre inférieur aux précédentes estimations, qui faisaient état de 1.600 à 2.000 migrants présents sur ce campement proche du centre commercial "Le Millénaire".
Cette évacuation "conduira à l'hébergement temporaire des personnes concernées (...) puis à l'examen de la situation administrative de ces personnes", a déclaré dans un communiqué le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, dont le projet de loi durcissant l'asile et l'immigration en France doit être adopté pendant l'été.
A propos de ce dossier, le gouvernement a été accusé cette semaine de "récupération" par les associations après l'exploit de Mamoudou Gassama: salué en "héros" pour avoir sauvé un enfant de 4 ans suspendu à un balcon à Paris, ce jeune Malien sans-papiers a été régularisé et va être naturalisé.
De leur côté, 120 personnalités du monde des arts, de la science et de la politique ont apporté mercredi leur soutien à trois militants jugés jeudi à Gap pour avoir aidé des migrants à franchir illégalement la frontière franco-italienne.
Originaires essentiellement du Soudan, de Somalie et d'Erythrée, les migrants évacués à Paris étaient installés depuis plusieurs mois le long du canal, sous le périphérique parisien, près de la porte de la Villette.
- Noyade et rixe -
Les autorités ont également annoncé l'évacuation "dès que possible" des deux autres gros campements installés dans le nord-est de la capitale, où vivent quelque 800 personnes: le long du canal Saint-Martin et porte de la Chapelle.
Les tensions s'étaient récemment accrues après la mort par noyade d'un migrant en mai près du campement du canal Saint-Martin et une violente rixe qui a fait un blessé grave au "Millénaire".
L'annonce de l'opération de mercredi, menée conjointement par la préfecture de région, la Ville de Paris, la préfecture de police et des associations, avait été ébruitée mardi, conduisant certains migrants à quitter les lieux.
"Beaucoup de gens sont partis depuis hier (mardi), certains ont eu peur", a raconté Martine, une bénévole qui a passé la nuit dans le campement.
Lors d'une audition au Sénat dans l'après-midi, Gérard Collomb a montré des documents distribués, selon lui, mardi dans le campement pour inciter certains migrants à partir. "Je dis pas que c'est la mairie de Paris, je dis que (...) c'est la première fois où je vois" que "la veille on distribue un espèce de vademecum sur comment échapper aux contrôles", a-t-il lancé.
Alors que les tensions sont récurrentes entre le ministre et la maire de Paris Anne Hidalgo, l'édile PS a demandé mercredi au gouvernement de "reconstruire" un centre d'accueil dans la capitale. Pour elle, il s'agit de la "seule solution" pour éviter "de nouveaux campements de rue".
"Paris a pris sa part et si tout le monde est raisonnable, responsable, nous devons ouvrir un lieu d'accueil permettant d'éviter à ces gens d'être dans la rue", a-t-elle dit.
Un centre de premier accueil, situé dans le nord de Paris, à la porte de la Chapelle, servait de "sas" aux migrants depuis novembre 2016 mais il a été fermé début mai pour laisser place à une future université.
Pour le ministre de l'Intérieur, le problème est également européen: "Les migrants aussi font un peu de +benchmarking+ (analyse comparative, un terme de marketing, ndlr) pour regarder les législations en Europe les plus fragiles", a-t-il expliqué aux sénateurs pour justifier le durcissement migratoire qu'il défend.
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