Un rapport parlementaire accable Emmanuel Macron, un "allié" et "un précieux soutien" pour Uber en France

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France-Soir
Publié le 20 juillet 2023 - 11:30
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F. Froger / Z9, pour France-Soir
Le président de la République a eu “une relation opaque mais privilégiée” avec Uber lorsqu’il était ministre de l’Économie.
F. Froger / Z9, pour France-Soir

AFFAIRE - Emmanuel Macron a-t-il passé un “deal caché” avec Uber pour développer ses activités en France ? La commission d’enquête parlementaire sur les “Uber Files” a publié ce mardi 18 juillet 2023 ses conclusions. Le président de la République a eu “une relation opaque mais privilégiée” avec Uber lorsqu’il était ministre de l’Économie. Le rapport, lancé par le groupe de La France Insoumise (LFI), accuse le chef de l’État d’avoir favorisé le développement de la société californienne en France, en échange de l’arrêt du service UberPop, déclaré, pourtant, “illégal” par la justice. Le texte évoque également le financement de la campagne présidentielle de Macron en contrepartie de ce “deal caché”, affirmant que sa “proximité avec les dirigeants d’Uber” s’est poursuivie après son élection. Des conclusions rejetées par Benjamin Haddad, député Renaissance et président de la commission d’enquête.

Les Uber Files sont une vaste fuite de documents survenue durant l’été 2022. Plus de 120.000 documents ont été fournis par Mark MacGann, ancien lobbyiste chez la plateforme américaine, au Consortium international de journalistes. Les données ont été analysées par le quotidien britannique The Guardian, avec FranceInfo et Le Monde. Ces fuites démontrent comment Uber aurait contourné la législation française pour développer son activité, remettant en cause le rôle d’Emmanuel Macron.

Après “6 mois de travail”, 120 personnes entendues, 67 auditionnées et 85 heures d’échanges, menés auprès, entre autres, d’anciens ministres comme Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, la commission d’enquête parlementaire, lancée en février par La France Insoumise, dont la députée Danielle Simonnet en est la rapporteuse, a publié, mardi, son rapport de 600 pages.

“Je vais regarder cela personnellement”

Uber est accusé dans celui-ci d’avoir “imposé, au mépris de la légalité, un état de fait à l’État de droit, en violant les règles du transport particulier de personnes, en adoptant une stratégie d’évasion et d’optimisation fiscales agressive, en recourant au travail dissimulé, en échappant au versement des cotisations sociales et en se soustrayant sciemment aux contrôles des autorités”. À tout cela s’ajouterait “un lobbying agressif consistant à pénétrer au cœur des élites françaises”, en déployant “tous azimuts” des moyens variés comme “des investisseurs très influents”, des “spécialistes des affaires publiques” et surtout, “des alliés au plus haut niveau de l’État”.

Le texte évoque Emmanuel Macron, “au premier rang de ces soutiens”, “qui a entretenu des liens extrêmement privilégiés” en “défendant les intérêts des plateformes de VTC” (Voiture de Transport avec Chauffeur, ndlr). “La confidentialité et l’intensité des contacts entre Uber, M. Emmanuel Macron et son cabinet témoignent d’une relation opaque mais privilégiée”. La commission d’enquête dénonce un “deal caché” et “secrètement négocié avec Uber”, aux dépens “des orientations privilégiées par le Gouvernement d’alors”. Le chef de l’État “aura été un soutien précieux pour Uber”.

Quel est ce “deal” ? Emmanuel Macron a permis, à travers un arrêté, “d'alléger les conditions de formation et d'examen imposées aux chauffeurs de VTC”, comme le nombre d’heures de formation obligatoires pour devenir chauffeur Uber, qui est passé de 250 à 7 heures. Le rapport, qui dévoile des messages, SMS et emails échangés entre des dirigeants d’Uber avec Macron (pages 89-95), affirme qu’en échange, Uber s’est engagé à mettre fin à son service UberPop. Celui-ci permettait à tout conducteur ou propriétaire d’une voiture de s’improviser chauffeur Uber, sans passer par les formations obligatoires ni posséder une licence.

Le service était pourtant considéré comme étant “illégal depuis l'entrée en vigueur de la loi Thévenoud” en 2014, qui réserve le transport de personnes aux taxis et aux VTC. À ce propos, la commission d’enquête révèle l’échange en 2015 entre Mark MacGann et Macron en personne, lorsque le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Laurent Nuñez a interdit le service Uber X à Marseille. L’ancien lobbyiste a sollicité le cabinet de Macron pour “comprendre ce qui se passe”, à qui l’hôte de l’Élysée a promis de “regarder cela personnellement”.

En plus du “non-paiement des cotisations” des chauffeurs, le “contournement des lois fiscales et du droit du travail”, le rapport dénonce “la volonté délibérée” d’Uber “d’échapper aux contrôles effectués par les pouvoirs publics”, à l’aide d’un dispositif qui permet à la société américaine de supprimer des données de ses ordinateurs en cas d’intervention de police. “Cette technique consiste à ‘couper l’accès des ordinateurs d’une de ses filiales aux fichiers et systèmes internes du groupe afin d’empêcher les autorités de récupérer les données qui les intéressent pour faire avancer leurs enquêtes’”, lit-on (p. 38).

“Ni deal secret, ni conflit d'intérêts, ni contreparties”, selon Renaissance

Autre contrepartie du “deal” selon les députés LFI : le financement de la première campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Mark MacGann a reconnu, lors de son audition, “avoir donné de l’argent et d’avoir participé à une levée de fonds” au profit de l’actuel président de la République. Ce dernier a même invité le directeur général d’Uber en France, Thibaud Simphal, “afin de lui demander s’il souhaitait participer au financement de sa campagne” (p. 99). Une demande acceptée par M. Simphal. Cette “relation étroite” s’est poursuivie après l’élection de Macron, puisque “34 échanges directs auraient eu lieu entre 2018 et 2022, alors que 83 échanges du même type auraient eu lieu entre le ministère des Transports et Uber”.

Parmi 47 propositions, dont “12 prioritaires”, figurent l’instauration “d’une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes”, grâce à laquelle les chauffeurs “seraient considérés comme des salariés ayant une 'relation de travail'” avec leur employeur et non comme des indépendants, ouvrant la voie à “bon nombre de droits sociaux.”

Les conclusions du rapport ont été rejetées par le président de la commission d’enquête, le député Renaissance Benjamin Haddad : “Il n'y a eu ni compromission, ni 'deal' secret, ni conflit d'intérêts, ni contreparties, contrairement à ce que tente de démontrer vainement notre rapporteure dans son rapport” (p. 296). Il a aussi défendu l’attitude des pouvoirs publics face au lobbying d’Uber : “Confrontés comme toutes les autres grandes économies à l’arrivée de ces nouveaux acteurs économiques, les décideurs publics ont apporté des réponses législatives progressives adaptées aux objectifs d’accroissement de l’offre dans le secteur du T3P (transports publics & particuliers de personnes, ndlr) et d’apaisement des conflits, bien éloignées des réclamations d’Uber”.

Benjamin Haddad a ainsi accusé la rapporteure Danielle Simonnet de “politiser son rapport”, en écartant de son texte les travaux de la commission sur le “sort des travailleurs des plateformes”, “la réalité de conditions de travail encore souvent indignes” au profit de “logiques d’influence opaques”.

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