Invité personnellement par le président brésilien Lula, Emmanuel Macron a-t-il boudé le sommet sur l’Amazonie ?

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France-Soir
Publié le 14 août 2023 - 09:30
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MICHAEL DANTAS / AFP
Vue aérienne de la forêt amazonienne, côte à côte avec des maisons du quartier de Coroado, situé dans la zone est de Manaus, État d'Amazonas, Brésil.
MICHAEL DANTAS / AFP

REFROIDISSEMENT - Convié par le président brésilien Lula au sommet régional sur l’Amazonie, Emmanuel Macron ne s’est pas rendu à Belém au Brésil où se sont réunis, les 8 et 9 août, les pays sud-américains membres de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA). C’est l’ambassadrice à Brasilia, Brigitte Collet, qui a représenté la France et sa région d'outre-mer, la Guyane. Si l’Élysée évoque des "contraintes d’agenda", d’autres raisons diplomatiques pourraient expliquer l’absence du président français à ce sommet. 

Mardi dernier, les pays sud-américains d’Amazonie ont annoncé la formation d’une "Alliance de combat contre la déforestation". La déclaration commune, signée par le Brésil, la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Pérou, le Suriname et le Venezuela, détaille, parmi ses 113 points, l'objectif de cette alliance. Celle-ci "a pour but de promouvoir la coopération régionale dans le combat contre la déforestation, pour éviter que l’Amazonie n’atteigne le point de non-retour", de façon à ce que le bilan de l'émission de carbone de cette forêt reste positif, lit-on

Mécontentement diplomatique ? 

Ce sommet servait aussi de test à la ville portuaire de Belém, qui doit accueillir en 2025 la conférence de l’ONU sur le Climat (COP30). "Il n’a jamais été aussi urgent de reprendre et d’étendre notre coopération", a déclaré dans son discours d’ouverture Luiz Inacio Lula da Silva. Depuis son retour à la tête de la présidence de son pays en janvier 2023, ce dernier s’est engagé à freiner la déforestation de l'Amazonie que son prédécesseur, Jair Bolsonaro, est accusé d'avoir accéléré. Lula, qui a promis d’agir pour le climat, a ainsi convié d’autres pays, non membres de l’OTCA, à ce sommet.

La France, qui a une partie de l'Amazonie en Guyane à sa charge, en fait partie. "Il est urgent de mettre un terme à la déforestation", a écrit Emmanuel Macron, le 8 août dernier, dans un long message publié sur le réseau social X (anciennement nommé Twitter, ndlr). L’hôte de l’Élysée, invité personnellement par son homologue brésilien, a appelé "à protéger les réserves vitales, de carbone et de biodiversité, dans l’intérêt des pays forestiers, de leurs populations et du monde entier". Il ne s’est pourtant pas déplacé au Brésil, dépêchant l’ambassadrice française à Brasilia, Brigitte Collet, pour représenter Paris. Si le fondateur de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon dénonce un "mépris destructeur pour la France", le non-déplacement d’Emmanuel Macron peut aussi être motivé par la conjoncture diplomatique. 

L’Élysée a évoqué, selon Radio France, des contraintes d’agenda. L’explication ne convainc pas et certains chercheurs, comme François-Michel Le Tourneau, géographe et directeur de recherches au CNRS, y voient un signe de "mécontentement" de la part de la France. Les relations avec le Brésil auraient été "refroidies" par des désaccords sur l'Ukraine ou encore par l'accord Union européenne-Mercosur. "Je pense que le président Macron a voulu marquer le coup en ne donnant pas à ce sommet le prestige supplémentaire que lui aurait valu la présence du président français", estime-t-il.

La radio, citant une source diplomatique, affirme de son côté que deux autres événements auraient motivé la décision de Macron à ne pas se rendre à Belém. Après s’être invité en juin au prochain sommet des BRICS (réunissant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), le président français n’a reçu aucune invitation. La Russie avait ouvertement exprimé son refus, qualifiant une possible venue du locataire de l’Élysée "d’inappropriée". Mercredi 9 août, la ministre des Affaires étrangères d’Afrique du Sud, pays hôte du sommet, a officiellement confirmé l’absence d’Emmanuel Macron. 

Les élus de Guyane "spectateurs" 

L’invitation de Lula au sommet sur la forêt amazonienne a également fait grincer des dents. La France a été conviée comme "État associé" et pas comme un État à part entière de l’Amazonie. François-Michel Le Tourneau rappelle l’histoire de la création en 1978 de l’OTCA pour expliquer cette classification de la France comme pays invité. "Quand l'OTCA a été créée en 1978, il s'agissait d'une réponse des pays sud-américains aux pressions occidentales sur la déforestation. À l'époque, les pays amazoniens ont considéré que la Guyane française n'était pas un État indépendant, mais qu'elle était une sorte de colonie de la France".  

Selon ce directeur de recherche au CNRS, "si la Guyane devait être impliquée, j'imagine que les pays de l'OTCA souhaiteraient voir des représentants choisis par les Guyanais ou par la Guyane. En France, c'est le gouvernement français qui envoie des représentants". En outre, l’article 27 du traité empêche toute nouvelle adhésion. Michel Prieur, professeur émérite à l'Université de Limoges et président du Centre international de droit comparé de l'Environnement, explique que "rien n’interdit d’inviter la France comme observateur".

En tout cas, la décision de Macron n'a pas été bien accueillie par les élus de Guyane. "On n’a encore une fois pas voix au chapitre, on sera spectateurs des discussions", regrette Thibault Lechat-Vega, le porte-parole de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG). Une attitude "incompréhensible" et "d’autant plus problématique quand le président Emmanuel Macron utilise la position de la Guyane et de la forêt amazonienne pour avoir une voix sur la scène internationale sud-américaine", a-t-il souligné. 

Le sommet sur l’Amazonie, présenté par Lula comme un "tournant" dans la lutte contre le réchauffement climatique, ne satisfait vraisemblablement pas les attentes des Organisations non gouvernementales (ONG). Aucun objectif commun et concret lié à l’éradication totale de la déforestation, comme le Brésil l’a promis de le faire d’ici 2020, n’a été présenté dans la déclaration commune. "C’est un premier pas, mais il n’y a pas de décision concrète, c’est juste une liste de promesses", a déclaré Marcio Astrini, responsable de l’Observatoire du climat, un collectif brésilien d’ONG.  

 

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