La revue d’actu de France-Soir : semaine du 7 août 2023

Auteur(s)
Wolf Wagner, pour France-Soir
Publié le 13 août 2023 - 10:05
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ARA NIGER
Crédits
ARA
Dessin du Jour, par ARA
ARA

La revue d’actu de France-Soir est une revue de presse hebdomadaire articulée autour de l’actualité politique, économique et médiatique, tant française qu’internationale. Sans pour autant chercher à les ignorer, cette rubrique n’a pas forcément vocation à s’attarder sur les sujets les plus discutés de la semaine. Elle s’attache plutôt à revenir – avec un regard gentiment acerbe – sur des nouvelles parfois passées inaperçues au milieu de l’intense flux d’informations hebdomadaires.

Au programme de la onzième RDA de France-Soir cette semaine : une députée Renaissance veut dissoudre LFI, retour du Covid et du vaccin, reconnaissance faciale défaillante, un « agent secret robot » patrouille dans les rues américaines, un chasseur de criminels en col blanc assassiné, un mélange de bluff et de tensions en Afrique de l’Ouest, des profits pour les grandes entreprises et des cotisations arrangeantes pour leurs patrons, Prisca Thévenot la muse du Président… mais aussi Bernard Arnault, l’homme qui chuchote à l’oreille des plus grands pour transformer ses désirs en réalité !




FRANCE

 

En cette deuxième semaine du mois d’août, en pleines vacances estivales, l’actualité française s'est montrée particulièrement calme. En conséquence, cette revue d’actu vous propose exceptionnellement, pour commencer et compenser, l’analyse approfondie d’une déclaration politique à l’apparence anodine.

Mardi, Europe 1 nous rapportait « que Gérald Darmanin avait annoncé engager une procédure de dissolution du parti d'extrême droite Civitas pour antisémitisme ».

La station de radio remarque que Jean-Luc Mélenchon a d'ailleurs tenu à adresser au locataire de Beauvau « un satisfecit, en saluant "la réponse claire" donnée par le ministre de l'Intérieur ».

Le gourou de la France Insoumise, ravi de voir une organisation d’extrême-droite à terre, a néanmoins dû rapidement déchanter puisque, toujours selon Europe 1, « la députée Renaissance de la 3e circonscription de Paris, Caroline Yadan, a [à son tour] suggéré sur les réseaux sociaux de dissoudre la France insoumise ».

La députée Renaissance a ainsi interpellé ses abonnés : « Et la dissolution de LFI pour lutter contre l'antisémitisme, c'est une idée aussi, non ? », avant de ponctuer son tweet par « un émoji clin d'œil », précise Europe 1.

Ce qui aurait pu apparaître comme un vulgaire échange politique, voire un échange vulgaire entre politiques, matérialise en réalité à merveille la stratégie employée par la macronie, dès sa naissance, pour conquérir, puis conserver le pouvoir.

Souvenons-nous par exemple que cette dernière, avant même son accession à l’Élysée en 2017, a d’abord su absorber une large partie du PS … avant de laisser ce parti en mort cérébrale. Puis, pour garder ce même pouvoir en 2022, la macronie a, durant son premier mandat… mais aussi durant le second, goulûment entretenu des sujets de société clivants (immigration, islam, insécurité) poussant ainsi les LR au schisme idéologique, entre une branche Ciotti très (très) à droite (et RN-compatible) et une branche plus bobo-progresso-centriste incarnée par Pécresse… laissant alors un vide intersidéral entre les deux… sur lequel lorgne – depuis toujours – « la personnalité politique préférée des Français », alias Édouard Philippe, bien planqué au chaud, d’abord à Matignon, puis ensuite à la mairie du Havre.

Les LR et le PS matés, sinon couchés au pied ces dernières années, ne restent donc plus que RN et LFI comme dernières forces politiques en mesure de s’opposer à la macronie… devenant par là même les deux derniers partis qu’il lui faut encore déstabiliser.

Cependant, entre les deux, le pouvoir en place semble tout de même avoir opté pour stigmatiser le parti de la gauche plutôt que celui de la droite.

Une stratégie politique perturbante puisqu’en temps d’élection, c’est plutôt le RN qui est perpétuellement ciblé par la macronie et identifié par l’opinion publique comme le grand méchant loup à abattre… à tel point que sa dangerosité est telle qu'elle nécessite de former d’innombrables fronts républicains... y compris avec LFI.

Pourtant, une fois l’exercice du pouvoir entamé, il faut bien admettre que le RN ne se retrouve plus que rarement dans le viseur des macronistes, tandis que tous les autres partis sont, eux, décriés, puis affaiblis, quand ils ne sont pas laissés pour morts.

Un vrai numéro d'équilibriste.

« En même temps », les règles du jeu étaient connues de tous dès le départ, voter pour la macronie n’a du sens pour le gros de ses électeurs que lorsque l’enjeu est de faire barrage à Le Pen. Il ne s’agirait donc pas de (trop) amoindrir son adversaire préférentiel en dehors des périodes électorales.

In fine, si, tel que se met à le rêver Caroline Yadan, LFI devait finir par être le prochain parti à disparaître, le RN deviendrait alors la seule et unique force d’opposition conséquente dans l’Hexagone… ce qui offrirait une voie royale à la macronie pour regrouper derrière elle l’ensemble de la gauche, du centre et de la droite (allant de Philippe à Pécresse, en passant par Wauquiez et Bertrand).

Avec, en prime, le droit de s’inscrire dans le sillage du récit simpliste et bipolaire actuellement entretenu à d’autres endroits du monde… comme, par exemple, aux États-Unis, où 80 millions d’électeurs démocrates seraient tous « progressistes » tandis que les 74 millions de Trumpistes seraient, eux, tous « d’extrême-droite ». Ou au Brésil, où « Lula l’humaniste » s’est opposé aux « Bolsonaristes néo-fascistes ». Sans oublier le Royaume-Uni et ses « obscurantistes » brexiteurs face aux « pacifistes » de l’UE.

Des pays dans lesquels gentils et méchants ont le mérite d’être à présent facilement identifiables par l’opinion publique et le journaliste français. Par conséquent, si la France pouvait, elle aussi, jouir de la même (pauvre) façade politique, les débats ne s’en trouveraient que plus simplifiés.

Nous pourrions ainsi enfin ne plus nous concentrer que sur les sujets politiques qui opposent habituellement extrême-droite et extrême-centre (immigration, famille, sexualité, religion, etc.), tandis que les thèmes habituellement défendus par LFI, sur lesquels aiment s’allier RN et macronie, ne seraient, eux, plus discutés, ni disputés (lois de surveillance, répartition des richesses, police, armée, etc.).

En bref, un monde manichéen à la Don’t look up, qui aurait surtout et avant tout le mérite de garantir à la macronie de conserver durablement le pouvoir.

Fin de la parenthèse estivale.


Mercredi, Le Parisien nous apprenait une information surprenante. Pour lutter contre le Covid, « une nouvelle campagne de vaccination [doit être lancée] à la rentrée ».

Pour justifier cette énième appel à la piqûre, le journal nous alerte : « Le virus circule de plus en plus, les autorités comptent [donc] inciter les personnes à risques à se (re) faire immuniser cet automne afin de renforcer leur protection, sur le modèle de la vaccination antigrippale»

Le quotidien indique que cette campagne ciblera les « plus de 65 ans ; [mais aussi] toute personne (dès 6 mois) présentant des comorbidités : obésité, diabète, maladie chronique, etc. ; [ou encore] les immunodéprimés ; les femmes enceintes ; les soignants et n’importe qui fréquentant des personnes fragiles ou vivant dans leur entourage ».

En un mot, comme d’habitude, le plus de monde possible.

Pourtant, Le Parisien note que « depuis la fin du printemps, médecins et pharmaciens n’avaient quasiment plus aucune demande pour se faire vacciner, bien que cela soit toujours resté possible ».

Une campagne de vaccination qui risque donc d’être assez peu suivie en cette rentrée de septembre.

En témoigne, d’ailleurs, le peu d’entrain manifesté à l’annonce de la nouvelle par les intervenants des Grandes Gueules, l’émission de RMC.

Mardi, le journaliste Alain Marschall demandait à ses chroniqueurs s’ils « repartiraient se faire vacciner à la rentrée ». Réponse immédiate de Flora Ghebali, entrepreneure et auteure : « Ah non ! Ah non, non, non ! ». Un brin plus ouvert, Bruno Pomart, ancien agent du RAID, n’était pas pour autant plus chaud que cela : « S’il y a nécessité, oui. Moi, je l’ai fait deux fois… mais sinon, non. » Idem pour Antoine Diers qui explique avoir été « un bon élève, mais c’est fini, [il] n’y retournera plus ».

En attendant le grand retour de la campagne de vaccination contre le Covid, Le Parisien nous apprenait, vendredi, qu’un autre vestige de la pandémie venait de refaire surface du côté de la Gironde. Le quotidien explique que « le centre hospitalier d’Arcachon a annoncé, ce jeudi, que le masque était de nouveau obligatoire entre ses murs à la fois pour le personnel et pour les visiteurs », avant d’ajouter « [qu’]en plus de vouloir protéger les patients, cette mesure a été décidée afin de stopper la hausse des arrêts maladie pour cause de Covid au sein du personnel ».

En résumé, une mesure de santé publique… et d’intérêt économique.

Le Parisien précise que le directeur de l’hôpital, « Julien Rossignol, assure que le personnel accepte et comprend assez facilement ce retour à la coercition ».

Le personnel comprend tellement bien ce retour à la coercition que l’hôpital d’Arcachon en a profité pour prendre une autre mesure : « Les visites sont désormais limitées à une seule personne - masquée - par chambre, à part en soins palliatifs », précise Le Parisien qui n’arrive pas à s’empêcher de remarquer que « cela rappelle [drôlement] les règles mises en place dans les Ehpad au début de la pandémie, au grand désarroi de certaines familles ».

Puis, ensuite, au grand désarroi d’une large partie de la population.
 


MONDE



Lundi, Le Monde nous indiquait « [qu’]aux Etats-Unis, le recours à la reconnaissance faciale par la police [était] de nouveau critiqué ».

Le journal nous raconte l’histoire de « Porcha Woodruff, une femme noire, [qui] a passé onze heures au commissariat, alors qu’elle était enceinte de huit mois ». Le quotidien explique qu’elle a été « identifiée comme suspecte par [une] technologie d’intelligence artificielle pour un crime qu’elle n’a pas commis ».

Accusée de vol à main armée, Madame Woodruff, surprise de voir des agents de police débarquer chez elle avec « un mandat d’arrêt », aurait alors tenté, sans succès, de leur faire comprendre l’incongruité de la situation : « Vol de voiture à main armée ? Vous plaisantez ? Vous ne voyez pas que je suis enceinte de huit mois ? ».

En conséquence, l’Américaine a décidé de porter plainte « contre la ville de Detroit et contre la policière chargée de l’enquête ».

Le Monde constate que « cette technologie d’intelligence artificielle est décriée depuis des années par les défenseurs des droits humains. Ils dénoncent notamment le fait que les algorithmes, entraînés à partir de populations majoritairement blanches, font davantage d’erreurs sur les personnes noires»

Le quotidien conclut son article en soulignant qu’aux « États-Unis, face à la pression d’associations, de grands groupes comme Amazon, Microsoft, IBM et Google ont arrêté, au moins temporairement, de vendre leurs logiciels de reconnaissance faciale à la police ».

La police américaine et les GAFAM, une grande histoire d’amour pas toujours mise à jour.

Dans le même registre, mercredi, Fox News s’attardait sur ce nouveau « robot, surnommé l’homme agent secret”, déployé pour patrouiller sur les trottoirs ».

La chaîne de télévision américaine rapporte qu’un « centre commercial de l'Ohio a intégré une technologie d'intelligence artificielle de pointe dans son équipe de sécurité sous la forme d'un garde de sécurité robot de 200 kilos ».

Fox news ajoute que « Sam, [ce] robot autonome, (…) agira comme un "chien de garde" » en utilisant « des capacités de streaming vidéo et d'enregistrement vidéo à 360 degrés pour surveiller les zones et alerter les autorités de tout problème potentiel. [Il] peut fonctionner 24 heures sur 24, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau ». Sam est également « équipé d'une imagerie thermique pour aider à détecter les menaces potentielles telles que le vol, les accidents de voiture ou le vandalisme » et est doté « [d’]algorithmes d'intelligence artificielle lui permettant de détecter les anomalies et d'émettre des alertes à l'équipe de sécurité sur site en temps réel ».

D’après la direction du centre commercial, cette « augmentation de la sécurité vise à dissuader les incidents potentiels, à assurer une réponse rapide à toute préoccupation et à favoriser un environnement sûr et accueillant pour l'ensemble de la communauté ».

La vice-présidente de ce complexe commercial explique à Fox News que ce robot « est juste un outil supplémentaire pour [son] équipe de sécurité qui a la possibilité de vérifier les caméras, les vidéos, les images si quelque chose devait arriver », même si elle concède que ce genre de délits « n'arrive pas très souvent ici ».

En résumé, bien qu’il n’existe aucune menace justifiant la mise en place de cet "homme" de 200 kilos pour surveiller les passants, celui-ci est tout de même déployé.

La chaîne d’info américaine attire ensuite notre attention sur l’expansion vertigineuse de ces robots et de ces IA aux États-Unis, dont la présence se fait de plus en plus sentir dans « les écoles, les musées et d'autres espaces publics ». Fox News cite par exemple « les districts scolaires de Floride, de New York et de l'Illinois [qui] ont récemment installé diverses technologies d'IA pour surveiller les armes à feu grâce à des caméras de sécurité ».

L’avantage avec les caméras biométriques et intelligentes, c’est qu’elles peuvent toujours adapter leur technologie pour coller aux éventuelles évolutions législatives et répressives ordonnées par les autorités.

Un investissement qui s’inscrit dans la durée.

Sur un tout autre sujet, jeudi, Libération nous parlait de « [l’]assassinat de Fernando Villavicencio, candidat [centriste] à la présidentielle en Équateur (...) tué par balle, mercredi 9 août, moins de deux semaines avant le scrutin présidentiel ».

Pour Régis Dandoy, un professeur de science politique à l’université San Francisco de Quito interrogé par Libé, ce meurtre « est très surprenant, car [Fernando Villavicencio] n’était pas l'un des principaux candidats. Son leitmotiv était la lutte contre la criminalité en col blanc et le contexte ne lui était pas favorable puisque la préoccupation première en matière de sécurité était celle de la criminalité de rue. Il avait [donc] très peu de chances de pouvoir se qualifier pour le second tour. Son assassinat pose [ainsi] beaucoup de questions. S’agit-il d’un règlement de comptes ? D’une volonté d’affaiblir ou d’endommager le processus électoral ? ».

« Il est trop tôt pour le dire », selon Régis Dandoy, mais « ça reste extrêmement préoccupant pour la démocratie équatorienne, qui ne méritait pas ça ».

Voir « la criminalité en col blanc » être éclipsée par « la criminalité de rue » est un mal de plus en plus répandu sur la planète ces temps-ci.

Changement de cap, direction l’Est et du Niger, dont Le Monde nous donnait des nouvelles dimanche dernier. Un pays dans lequel la FrançAfrique jurait, tout au long de la semaine dernière, vouloir intervenir militairement pour déloger les putschistes affiliés à la TsarAfrique (cf. RDA de la semaine dernière).

En ce sens, le quotidien nous rappelle que « le 30 juillet, peu après le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le bloc ouest-africain avait donné sept jours à la junte, soit jusqu’à dimanche soir [dernier], pour le rétablir dans ses fonctions ».

Le quotidien ajoute que « la pression s’est encore accentuée vendredi [4 août] lorsque les chefs d’état-major de la Cedeao réunis depuis trois jours à Abuja ont annoncé avoir défini les contours d[‘une] éventuelle intervention militaire ».

Le Monde explique que, si « rien n’a filtré sur ce plan d’action, il y a [toutefois] fort à parier que le Nigeria voisin, première économie du continent et fort de ses 215 millions d’habitants, en serait le premier contributeur en termes financiers, humains et logistiques. C’est d’ailleurs son président, Bola Tinubu, qui, en sa qualité de président de la Cedeao, est porteur de cet ultimatum »

Problème : Le Monde indique que « samedi [5 août], le Sénat nigérian s’est réuni à huis clos pour discuter de la situation au Niger, puis a appelé le président Tinubu à encourager les autres dirigeants de la Cedeao à renforcer l’option politique et diplomatique ».

Autrement dit, le Sénat nigérian a dit non à la guerre de coalition proposée par la FrançAfrique.

Idem pour le « Forum des sénateurs du nord [qui], dans un communiqué signé par son porte-parole, Suleiman Kawu Sumaila », considère qu'en cas de guerre au Niger « les victimes seront des citoyens innocents qui vaquent à leurs occupations quotidiennes ».

Résultat, la Cedeao doit pour le moment se passer des renforts « financiers, humains et logistiques » du Nigeria (exceptés ceux qu’il alloue habituellement à l’organisation).

Mardi, Reuters nous apprenait que « les chefs d'État de la Cedeao se prépar[ai]ent à un [nouveau] sommet jeudi pour discuter de leur impasse avec la junte. "Aucune option n'a été retirée de la table", a déclaré le porte-parole [du président Nigérian] aux journalistes à Abuja, ajoutant que "des décisions de grande envergure" seraient prises lors du sommet concernant les prochaines étapes du bloc ».

Jeudi, le sommet terminé, France 24 nous rapportait que la « Cedeao [avait finalement] ordonné l'activation immédiate de sa force d'intervention », tout en ajoutant que « l'organisation a réitéré qu'elle privilégiait [malgré tout] une résolution pacifique de la crise ».

Le président nigérian muselé par son Sénat, il fallait donc que la FrançAfrique se trouve un nouveau chef de meute à la Cedeao. C’est Alassane Ouattara, le président de la Côte d'Ivoire qui semble avoir été choisi pour incarner ce rôle.

Selon France Info, jeudi, le protégé de Paris, a ainsi assuré la Cedeao « que la Côte d'Ivoire fournirait "un bataillon" de 850 à 1 100 hommes, aux côtés du Nigeria et du Bénin notamment, et que "d'autres pays" les rejoindront », avant d’ajouter que « les chefs d'état-major auront d'autres conférences pour finaliser les choses, mais ils ont l'accord (…) pour que l'opération démarre dans les plus brefs délais ».

De son côté, Le Monde constatait, mercredi, que les « tensions entre le pouvoir des putschistes, à Niamey, et la France (...) ont presque fait oublier la présence au Niger d’une autre puissance militaire occidentale, alliée des Français : les États-Unis ».

Le Monde souligne « [qu’]Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, qui s’était rendu au Niger en mars, a estimé, dans une interview à la BBC, mardi 8 août, que, si le départ forcé du président Bazoum n’avait pas été [directement] fomenté par la Russie ou par Wagner, le groupe de mercenaires allait essayer d’en tirer profit ».

Quel fin géopolitologue ce Blinken… Les éléments attestant de la présence de Wagner et de la TsarAfrique dans l'ombre de ce coup d’État étaient pourtant si bien cachés.

À part peut-être pour ceux qui ont pu prendre connaissance :

- Des déclarations de Evgueni Prigojine et de Poutine (durant son sommet Russie-Afrique) qui se félicitaient du putsch au Niger (Cf. RDA du 24 juillet 2023) ;
-
Des drapeaux russes brandis – soudainement – dans les rues de Niamey par une population nigérienne pro-putschistes, notamment lors de l’attaque de l’ambassade de France (tel que le rapportait The Telegraph (par deux fois), ainsi que la RDA de la semaine dernière) ;
-
Des prises de positions du Mali et du Burkina Faso – deux pays tenus par des juntes téléguidées par Moscou (d’après Le Figaro et le Washington Post) – qui ont apporté leur soutien total au Niger jusqu’à menacer d’entrer en guerre avec la Cedeao pour le défendre ;
-
Des déclarations du numéro deux de la junte nigérienne appelant Wagner à l’aide lors de sa rencontre avec l’un des représentants de la milice au Mali avant la fin de l’ultimatum de la Cedeao (selon Africa News, The Telegraph et le Washington Post).

Dans la continuité, mercredi, The Telegraph donnait la parole à Alex Vines, directeur du programme Afrique à la Chatham House.

Selon lui, dans la foulée du coup d’État au Niger, « il y a d'abord eu des manifestations en faveur de la démocratie, mais elles ont rapidement été remplacées par des manifestations en faveur de la junte », Alex Vines a également pu constater la présence de « certains individus (…) [qui] brandissaient des drapeaux russes et scandaient des slogans pro-russes ».

Pourtant, à en croire Blinken et les dirigeants de la Cedeao, ces putschistes nigériens partis de rien, dans l'un des pays les plus pauvres et instables du monde, sans aucun soutien de Moscou, ont réussi à prendre de court les occidentaux jusqu’à – carrément – offrir l’opportunité à la TsarAfrique de s’emparer de « l’ensemble de la région ».

Malgré ce camouflet terriblement humiliant pour la diplomatie américaine, Blinken n’a pas formulé le moindre reproche à ses agences de renseignement, dont le raté est pourtant censé être stratosphérique au regard des conséquences qu’il implique pour l’Occident en Afrique.

Et dire que si, tel que le rapportait la semaine dernière le grand reporter au Figaro, Georges Malbrunot, l’Élysée avait simplement choisi de ne pas ignorer les alertes de la DGSE, qui, le jour du coup d’État au Niger, l’aurait vivement incité à déployer des forces spéciales françaises dans le palais présidentiel de Niamey, alors les putschistes n’auraient très vraisemblablement jamais pu prendre le pouvoir… nous épargnant ainsi le spectacle géopolitique actuel.

Pas de chance, donc, pour la FrançAfrique… à moins que la manœuvre permette à terme de renverser les juntes du Mali et du Burkina Faso, après celle du Niger.

À suivre…

En attendant de savoir si la FrançAfrique enverra finalement sa force d’intervention pour récupérer ses territoires perdus, vendredi, France 24 nous avertissait que la Cedeao a d’ores et déjà puni les putschistes nigériens en leur imposant… des sanctions économiques.

Un scénario qui n’est pas sans rappeler celui d’une autre guerre en cours du côté de l’Ukraine, impliquant également la Russie et l’Occident. Des sanctions prises à l’encontre de l’ours russe qui, depuis deux ans, auraient, selon le Financial Times, surtout eu pour incidence de coûter plus de 100 milliards d’euros aux entreprises européennes !

Gageons que si une longue guerre de coalitions venait bien à éclater en Afrique de l’Ouest, il resterait toujours l’espoir pour l’Occident (et la Russie) d’entrevoir de juteuses retombées économiques dans le secteur de l’armement.

Croisons donc les doigts du côté de Paris, Washington ou Moscou… et commençons tout de même, par précaution, à préparer quelques sépultures du côté de l'Afrique, sait-on jamais.
 


ÉCONOMIE
 

Lundi, Le Monde publiait une longue enquête intitulée : « Comment Bernard Arnault, l’homme le plus riche du monde, étend son empire au-delà du luxe. »

Le quotidien y annonce que « le PDG de LVMH, Bernard Arnault, est [désormais] considéré à l’égal d’un chef d’État ». À ce titre, le journal rappelle que « jamais, avant lui, la France n’avait occupé la première place de[s] classements [financiers] dont la presse américaine raffole », tout comme il n’était jamais arrivé « qu’une entreprise [française] atteigne une valorisation supérieure au budget de l’État, entre 400 et 500 milliards d’euros ».

Une puissance économique si conséquente que Jérôme Batout, un économiste et philosophe interrogé par Le Monde, note que « pour la première fois en France, où il n’y a rien au-dessus de l’État, un particulier est plus puissant que le roi ».

Le quotidien, qui rappelle que Bernard Arnault « est le seul patron non américain à disposer d’une telle puissance de feu », y voit par conséquent « le symbole d’une inversion du rapport de force entre le pouvoir politique et les grands groupes, à l’œuvre au niveau mondial ».

Le journal ajoute que ce « pouvoir sans frontières, sans légitimation démocratique, et par nature concurrent des États (…) se décline [désormais] dans toutes les parties du monde, à commencer par les États-Unis ». « cela fait quarante ans que [Bernard Arnault] est reçu à la Maison Blanche ».

Un point confirmé par le patron de LVMH en personne puisqu’il assure avoir « connu personnellement tous les présidents américains depuis Reagan ». Toutefois, même s’il a le bras long, Bernard Arnault jure que « la puissance n’est pas [s]on objectif. Dans [s]on métier, cela ne veut rien dire. Ce qui compte, c’est le désir ».

Pour autant, cette puissance non recherchée, couplée à ses puissants désirs, lui ont par exemple permis de « faire exempter ses champagnes des sanctions douanières décidées en 2019 par Donald Trump contre les vins français, sans [avoir eu besoin de] l’aide de l’État ou de ses diplomates, lesquels admettent volontiers qu’ils n’y seraient sans doute pas parvenus seuls ».

Dans la continuité, le quotidien précise qu’aux yeux du patron de LVMH, avoir « des relations privilégiées avec les dirigeants russes et chinois, qui représentent à eux deux des centaines de millions de consommateurs nouvellement enrichis, est tout aussi stratégique ». Par exemple, le journal se souvient que « dès 2003, le président de la fédération de Russie était reçu en grande pompe à Saint-Émilion dans le vignoble Château Cheval-Blanc, alors propriété de Bernard Arnault et du milliardaire belge Albert Frère. Il était reparti avec une caisse de vin de différents millésimes correspondant à des dates-clés de sa vie – 1952, sa naissance, 1983, son mariage, 1985 et 1986, la naissance de ses enfants, et enfin 2000, l’année de son arrivée au Kremlin ».

Quatorze ans plus tard, en avril 2017, Bernard Arnault continuait à répéter à Paris Match qu’il « faut parler avec les Russes. (…) Les liens entre nos deux pays dépassent les conjonctures politiques. Ils sont historiques, éternels », tandis qu’à « Pékin, les relations privilégiées qu’entretiennent de longue date Emmanuel Macron et Bernard Arnault confère[raie]nt à ce dernier une considération et un statut particuliers dans un pays où l’institutionnel et la proximité avec le sommet ont toujours été valorisés ».

Autre source de fierté pour le patron de LVMH, Le Monde rapporte que, d’après lui, « Dior [serait désormais] un nom aussi connu dans le monde que celui de Napoléon ou du général de Gaulle ».

En bref, comme le notifie l’un des sous-titres proposé dans cet article du Monde, le parcours de Bernard Arnault est, ni plus ni moins, que la « chronique d’une mondialisation réussie ».
 

De retour sur la scène économique nationale, mardi, Les Échos revenaient sur « les allègements de cotisations patronales (…) [qui] vont frôler les 88 milliards [d’euros] cette année », précisant qu’ils « ont plus que triplé en dix ans ».

Le quotidien économique estime qu’à « ce rythme, nul doute que la barre des 90 milliards sera franchie en 2024 », avant de se demander : « À quand celle, symbolique, des 100 milliards ? ».

Les Échos considèrent que « ces montants record (…) conforteront les critiques des syndicats, mais aussi de certains économistes ou politiques à gauche sur les aides aux entreprises sans condition, ou sans évaluation suffisante des bénéfices en termes d'emploi ».

Comme un écho à cette actualité, dès le lendemain, mercredi, Le Monde nous apprenait que, de leur côté, « au premier semestre 2023, les plus grandes entreprises françaises ont dégagé plus de 85 milliards d’euros de profits, portées par leur capacité à augmenter leurs prix ».

Le quotidien rappelle qu’en « 2022, les grandes entreprises avaient été accusées – y compris par les économistes de la Banque centrale européenne – de greedflation, ou profitflation, pour avoir répercuté leurs surcoûts (énergie, matières premières…) au-delà du nécessaire et davantage nourri l’inflation que les augmentations salariales ».

De belles marges, engrangées sur le dos des consommateurs, qui pourraient peut-être expliquer la récente sortie de Patrick Martin, le patron du MEDEF, qui milite pour que les élus qui ont permis aux grosses entreprises de s’empiffrer durant la crise, puissent à leur tour voir leur rémunération être augmentée.

Gagnant-gagnant !
 


DIVERS

 

La dernière actualité de cette semaine est une photo dans laquelle Prisca Thévenot, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel, se mettait en scène, vendredi, sur Twitter.

Prisca Thévenot devant le match de l’équipe de France de football féminine, le portrait d’Emmanuel Macron et sa tasse SNU, le 12 août 2023.
Prisca Thévenot devant le match de l’équipe de France de football féminine, le portrait d’Emmanuel Macron et sa tasse SNU, le 12 août 2023.


Une mise en scène collector qui ne devrait pas manquer de trouver une place dans les livres d’Histoire.

 

  • Wolf Wagner, journaliste indépendant pour France-Soir

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