Chronique N°24 : "Les conflits d’intérêts pendant la crise du covid-19 : ils n’ont pas disparu !"
TRIBUNE (première partie) - Membre depuis plus de dix ans de l’association Formindep, dont l’objet est de militer sans relâche « pour une information et une formation médicale indépendante de toute autre intérêt que celui de la santé des personnes », et auteur de nombreux articles sur le sujet [1 à 9], je ne pouvais manquer l’occasion d’aborder cette problématique épineuse dans les colonnes de France Soir. Un immense problème qui pollue la médecine, la santé et le bien-être, au même titre que l’argent avec lequel il noue de très nombreuses relations incestueuses.
Dans cette première partie, nous illustrerons par quelques exemples bien concrets et chiffrés, l’asservissement aux firmes pharmaceutiques, aux fabricants de matériel médical, et à leurs prestataires d’une large part de la profession médicale. Dans une seconde partie, nous verrons comment cette problématique a pu être prise en compte, ou pas, lors des auditions menées par les missions d’enquête ou d’information parlementaires chargées de faire la lumière sur la gestion de la crise sanitaire…
Commençons peut-être par définir ce qu’est un lien ou un conflit d’intérêts chez un professionnel de santé ; il est hélas très difficile de trouver un réanimateur, et encore plus un chef de service de réanimation, qui n’ait aucun lien d’intérêt déclaré sur Transparence santé.
En voici un pourtant, le Pr Didier Dreyfuss, Chef de la réanimation médico-chirurgical de l’hôpital Louis Mourier, Colombes, AP-HP, et professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Diderot.
Il était interviewé en mars 2016 sur Europe 1 dans une émission intitulée « Médecins hospitaliers et labos : liaisons dangereuses »
Thomas Sotto, journaliste « Les laboratoires achètent-ils certains médecins dans les hôpitaux, ce qui est sûr, c’est qu’un rapport interne de l’AP-HP pointe des situations à risques dans le financement par les industriels d’une large partie de la formation et de la recherche clinique C’est quoi pour commencer et simplement si c’est possible, un conflit d’intérêts entre un médecin et un labo ? »
Pr Didier Dreyfuss « Je vais vous donner premièrement une définition qui a été donnée par un très grand scientifique et puis je la commenterai. Il disait très clairement, un conflit d’intérêt, c’est un ensemble de conditions dans lequel le jugement professionnel concernant un intérêt primaire, c’est-à-dire, la validité de la recherche, de ses résultats, de ce que ça peut apporter à un malade, peut-être influencé par un intérêt secondaire, tel qu’un gain financier. »
En quelque sorte, le conflit d’intérêts, c‘est quand l’intérêt secondaire peut, ou peut paraître, primer ou prévaloir sur l’intérêt primaire…
La définition du Pr Didier Dreyfuss est intéressante et assez explicite en soi, mais elle est un peu restrictive à la recherche clinique. Alors que les conflits d’intérêts concernent aussi pleinement la pratique médicale.
Je lui préfère personnellement, la définition plus large proposée par Jean-Sébastien Borde, alors Président de l’association Formindep, lors de son audition devant la Commission des Affaires Sociales du Sénat, le 20 janvier 2016, dans le cadre d’une mission d’information portant sur « l’enquête de la Cour des comptes relative à la prévention des conflits d’intérêts en matière d’expertise sanitaire » :
« Un conflit d’intérêts est un lien qui peut avoir ou paraître avoir une incidence sur son jugement et sur son activité principale… Il n’est absolument jamais mentionné qu’il y avait des liens d’intérêts plus ou moins importants, etc… Il a été démontré par énormément d’étude que tous les liens d’intérêts pouvaient induire un jugement biaisé. Et donc toutes ces définitions ne font pas la distinction entre liens d’intérêts et conflits d’intérêts »
(Retrouver l’intégralité du rapport de la mission sénatoriale, dont les auditions, ici)
Le Pr Didier Dreyfuss, encore aujourd’hui Chef de la réanimation médico-chirurgicale de l’hôpital Louis Mourier, Colombes, AP-HP, vous ne le trouverez toujours pas sur Transparence santé. Comme quoi, il est vraiment possible pour un réanimateur chef de service de n’avoir aucun lien d’intérêts !
Voir aussi la présentation diapositive sonorisée du Pr Didier Dreyfuss intitulée « Conflits d’intérêts : Un danger pour l’intégrité scientifique », au colloque de Bobigny 2018.
À tout seigneur, tout honneur, commençons par examiner les conflits d’intérêts déclarés dans la base de données publique « Transparence santé », qui porte bien mal son nom d’ailleurs, pour les membres médecins du Conseil Scientifique « chargé d’éclairer la décision publique ».
Le tableau ci-dessous a été réalisé par mes soins après extraction des données de la base publique le 15 mars 2020, le jour de l’allocution présidentielle qui allait imposer huit semaines de confinement total en France. N’hésitez-pas à zoomer, pour mieux voir.
Les sept professeurs de médecine, six hospitaliers, pour un seul médecin généraliste, membres du conseil scientifique, ce qui témoigne d’un hospitalo-centrisme forcené, totalisaient près de 150.000 euros de montants d’avantages perçus, de rémunérations et de conventions signées avec les industries de santé.
Ne nous trompons pas sur la modicité des 165 € du préretraité Pr Jean-François Delfraissy. Ils cachent une toute autre réalité. En bref retour en arrière est nécessaire pour bien l’appréhender. C’est en 1999, que Jean-François Delfraissy prend en main le « Rapport annuel, dit « DELFRAISSY », traitant de la prise en charge thérapeutique des personnes infectées par le VIH », et cela jusqu’en 2004. Il faisait la pluie et le beau temps sur l’ère thérapeutique des « antirétroviraux », classes de médicaments toujours prescrits en associations doubles ou triples dans le traitement des patients HIV. Son expertise, n’était pas tant l’immunologie, mais plutôt le « marketing pharmaceutique » : Comment conseiller au mieux les directions et les staffs marketing et ventes des firmes pharmaceutiques, pour d’abord, obtenir les autorisations de mise sur le marché avec les plus larges indications possibles, les délais les plus court, au prix le plus fort, et pour que leurs équipes marketing et forces de ventes, délégués hospitaliers, puissent capter les meilleures parts sur ce marché juteux. Finalement, cette ère thérapeutique fut le premier à avoir inaugurer l’augmentation exponentielle, non pas des cas, mais du prix des médicaments à chaque sortie de fausses innovations (molécules dites « me-too », c’est-à-dire nouveau médicament dans une même classe, sans amélioration tangible de l’efficacité ou de la tolérance, mais avec une augmentation colossale de son coût). En 2005, le Pr Delfraissy prend les rênes de l’Agence nationale de recherche sur le sida (et les hépatites virales), l’ANRS. Un partenariat public-privé financé à hauteur de 50 millions d’euros par an par les firmes pharmaceutiques opérant sur ces ères thérapeutiques.
À propos du Pr Delfraissy, voici un court extrait de mon article publié le 10/06/2015 sur le site de l’association Formindep « Quand l’hépatologie s’enhardit à propos de l’efficacité des nouveaux médicaments de l’hépatite C, mais reste muette sur les lourds liens d’intérêts qui l’unissent aux industriels [4] » :
« Mais il y a beaucoup plus grave. En consultant le site Transparence santé, nous apprenons que le Pr Delfraissy a participé à une réunion du « board » de Gilead Sciences le 18 décembre 2013, le leader du marché, qui voyait chaque année le rapport Delfraissy encenser ses produits. Il s’agit de réunions chez les industriels de la pharmacie au cours desquels les leaders d’opinion, généralement PU-PH (Professeurs des Universités – Patriciens Hospitaliers) prodiguent leurs conseils aux dirigeants des firmes. Il faut savoir que c’est au Directeur de l’ANRS que Madame la Ministre Marisol Touraine avait par lettre du 25 janvier 2013 commandé le rapport d’expertise sur les hépatites, et que le directeur de l’ANRS, JFD avait confié à l’AFEF (Association française pour l’étude du foie) le soin de composer le groupe chargé de l’élaboration des recommandations… ». Lorsque le sofosbuvir, Sovaldi® a été mis sur le marché en France au prix exorbitant de près de 500 euros le comprimé, soient 41.861,40 € de coût de traitement pour une cure de 12 semaines, on ne savait même pas si ce médicament pouvait sauver des vies, les rallonger, repousser l’évolution vers la cirrhose décompensée, éviter des carcinomes hépatocellulaires (cancers du foie). Delfraissy, qui le recommandait, tout comme ses collègues hépatologues, ne disposait alors que d’un critère indirect de jugement, à savoir, l’indétectabilité du virus de l’hépatite C dans le sang 12 semaines après l’arrêt du traitement. Aujourd’hui encore des doutes subsistent sur l’efficacité réelle de ces médicaments sur des critères de morbi-mortalité.
Pas étonnant, lorsque l’on a été capable pendant au moins une vingtaine d’année de recommander des médicaments toujours plus coûteux, mais à l’amélioration thérapeutique douteuse, de donner son aval à des mesures drastiques jamais évaluées telle que le confinement total ou le port généralisé des masques partout, par tout le monde et tout le temps…
Parmi les autres médecins du conseil scientifique, le chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Xavier Bichat, AP-HP, le Pr Yazdan Yazdanapanah, lui-même hospitalisé pour covid-19 dans son propre service, est celui qui présente le plus de conflits d’intérêts déclarés dans la base publique Transparence santé, très lié notamment aux laboratoires MSD, Abbvie, Gilead-Sciences.
Le Pr Bruno Lina, « vaccinologue » encore très influent et très influencé, notamment par Sanofi Pasteur, fabricant national de vaccins…
Évoluant en satellite du conseil scientifique, la Pr Florence Ader, Infectiologue à l’hôpital de la Croix-Rousse, Hospices Civils de Lyon, est le pilote de l’essai clinique international « Discovery ». Elle entretient des liens avec Gilead Sciences (Remsidivir, antiviral postulant pour un traitement de la covid-19), MSD (dans la course au vaccin), et Pfizer, qui commercialise l’azythromycine, testée en association ou pas avec l’hydroxychloroquine…
Mais, intéressons-nous à quelques médecins « ténors » omniprésents dans les médias, vus constamment sur les plateaux TV, à la radio et dans journaux…
En voici 5 qui totalisent plus de 340.000 € de montants déclarés dans transparence santé. Pr Karine Lacombe, infectiologue à l’hôpital Saint-Antoine, Paris, AP-HP, vue notamment sur France Inter, invitée de Léa Salamé le 17 juin 2020, mais aussi lors de la conférence de presse d’Edouard Philippe, Premier Ministre, le 28 mars 2020. Elle a amassé plus de 180.000 € de montants d’avantages, de conventions et de rémunération, soit à elle-seule, plus de la moitié du total. Elle est dans « un déni total ». Mais, de cela, nous en reparlerons dans la seconde partie, ma prochaine chronique. Car elle a aussi été auditionné par la mission d’enquête de l’Assemblée nationale, justement sur les conflits d’intérêts… ; Pr Éric Caumes, épidémiologiste à La Pitié-Salpétrière, sur BFM-TV et ailleurs ; Pr Jean-François Timsit, Bichat ; Pr Bruno Mégarbane, Lariboisière ; Pr François-Xavier Lescure, Bichat.
Encore que les montants des conventions, véritables contrats, liant le soignant au laboratoire, avec à chaque fois une contrepartie, fassent l’objet d’une sous-déclaration massive dans la base transparence, qui pour le coup est d’une opacité extrême. Une situation qui s’est aggravée ces dernières années…
Songez que 90 % des conventions signées avec Bruno Mégarbane sont sans montant, que Jean-François Timsit, avec la déclaration la moins incomplète des 5 médecins médiatisés, en a près de 70 % non renseignées…
Ce qui est renversant, c’est que l’on trouve même des entreprises qui ne déclarent jamais le moindre montant de convention. Neuf entreprises dans le tableau ci-dessous. Et non des moindres. Les trois quarts des conventions déclarées par MSD, Bristol-Myers Squibb et les deux tiers pour Sanofi-Aventis, n’ont aucun montant.
Outre les montants, qui figurent rarement dans les conventions, les noms des manifestations et les lieux où elles se sont déroulées, sont très fréquemment omis des déclarations.
Mais que fait le Ministère de la Santé, l’Etat, pour contrôler et sanctionner ?
S’agissant des montants chiffrés dans Transparence santé pour ces médecins acteurs de la gestion de la crise Covid, vous me direz que nous sommes loin de ce que l’on peut trouver en oncologie, une spécialité où l’on atteint des sommets en la matière [1]. L’exemple ci-dessous du Pr Nicolas Girard, Chef du service d’oncologie médicale à l’institut Curie, qui en septembre 2019 flirtait avec les 600.000 euros de montant total déclaré sur Transparence Santé, un record pour les analyses que j’ai eu à réaliser…
Le Pr Éric Caumes, épidémiologiste, La Pitié-Salpétrière, AP-HP, est intervenu à plusieurs reprises dans les médias. Ses 6.403 € de montants rapportés dans Transparence, pour douze avantages perçus et huit conventions signées, auraient pu paraître bien anodins, si je n’avais pas examiné d’un peu plus près et dans le détail les entreprises bienfaitrices.
Sur les huit conventions signées entre le Pr Éric Caumes et des industriels, une seule déclare un montant (2.055 euros). Il s’agit des laboratoires Majorelle qui commercialisent des gels hydroalcooliques et des masques de protection (chirurgicaux, FFP2 et visières) et pourraient, selon les informations consultables sur la base transparence santé, avoir pris en charge le professeur pour le congrès Infogyn 2019, qui s’est tenu à Pau du 3 au 5 octobre 2019 :
Voyons un second cas pratique tiré d’une émission sur BFMTV, diffusée le 27 août 2020, où 2 participants, triés sur le volet, vont tenter de démolir les arguments des vilains « anti-masques » pendant pas moins de 12 minutes à l’antenne. Tristan Mendès-France, Maître de conférences spécialisé dans les cultures numériques (réseaux sociaux) et petit-fils de Pierre Mendès-France. Après les avoir traités de complotistes ou de membres de l’extrême droite, il conclura à propos des « anti-masques » :
« L’inquiétude que j’ai, c’est que ce mouvement se politise encore plus et que ça se traduise à la fin comme aux États-Unis, par quelque chose du genre, si je suis pour Macron, je mets le masque, si je suis contre, je l’enlève. Ça ce serait dramatique, et j’espère qu’on n’en arrivera pas là. »
Le second intervenant qui voulait tordre le cou aux arguments des anti-masques de la pire espèce est le Pr Bruno Mégarbane, chef de service, réanimation toxicologie, Hôpital Lariboisières, AP-HP, Paris, omniprésent sur les plateaux TV depuis quelques semaines.
« Je voulais donner trois grands éléments de preuve de l’efficacité des masques. Le premier, c’est un ensemble d’études expérimentales et déduits de la grippe qui montrent une réduction des charges virales avec les masques et donc, une possibilité de réduire les risques de contamination. La deuxième preuve est plus importante, c’est dans un hôpital américain où on a montré qu’en généralisant le masque aux soignants, aux patients, et au public, on a réduit le risque de contamination des soignants eux-mêmes, par rapport à la période où seuls les soignants portaient le masque. Et enfin, la troisième preuve assez importante qui a été publiée récemment, c’est la comparaison entre différents états américains, des états qui ont rendu, recommandé, voir obligé, le port du masque, notamment en lieu public, notamment dans les lieux clos, lorsque l’on ne peut pas maintenir la distanciation sociale, alors de 1 mètre 80 pour les États-Unis, et les autres états. Eh bien, on a montré de façon significative une réduction du nombre de tests positifs par PCR. Donc, très probablement une diminution de la contamination possible des patients. Donc, on voit bien, qu’il y a maintenant de plus en plus d’arguments qui soutiennent l’intérêt du masque, donné de façon universelle, c’est-à-dire lorsque l’on ne peut pas maintenir la distanciation sociale, essentiellement en lieu clos »
Je ne suis pas le genre d’anti-masques décrit par Tristan Mendès-France, mais plus sûrement un « masques-septique », entraîné à l’analyse critique en matière d’informations reçues sur les produits de santé. Je n’ai pas besoin de retirer mon masque, vous qui me lisez savez probablement que je leurs ai ouvertement consacré deux chroniques, l’une sur leur efficacité trop incertaine, l’autre sur leurs tolérance, inconvénients, effets indésirables…
Lorsque l’on regarde ou écoute un intervenant sur ces sujets comme sur d’autres, il est capital de se poser les questions « Qui parle ? » et « pourquoi dit-il cela ? ».
Tristan Mendès-France n’est pas médecin et n’est très logiquement pas présent dans Transparence santé. Tel n’est pas le cas du Pr Bruno Mégarbane que vous retrouverez plus haut dans le tableau des 5 médecins médiatiques (ou médiatisés). Les montants déclarés pour le réanimateur de Lariboisière par les firmes totalisent plus de 20.000 euros. Mais, et nous l’avons déjà souligné, sur les 335 conventions (contrats), seules 32 sont valorisées. Si on applique une simple règle de 3, alors les 335 conventions (plus d’une par semaine pendant 5 ans !), si elles avaient toutes été renseignées, pourraient fort bien représenter 116.000 € de montants…
Il est vrai que pour les très nombreuses conventions signées par le Pr Mégarbane, elles émanent principalement de sociétés d’études de marché, d’enquête et d’interview, de société travaillant dans l’événementiel, de cabinets conseils en marketing appliqué aux produits de santé… Parmi les premières qui sont les plus nombreuses, certaines sont basées en dehors du territoire français, notamment au Royaume Uni et au Luxembourg…
Pas du tout convaincu par les arguments d’autorité (affirmation non documentée, mode d’argumentation habituelle des « KOL » pour « key opinion leaders ») présentés par le réanimateur, sans qu’il n’ait ni mentionné ses liens d’intérêts en début d’interview, comme la Loi l’exige, mais elle est très peu suivie, ni présenté les références bibliographiques à l’appui de son laïus promouvant le port du masque, je décidais alors de vérifier ses liens dans la base Transparence et de lui demander par courriel d’avoir la gentillesse de m’adresser sa bibliographie afin de vérifier la pertinence de ses arguments.
Ce qu’il fit promptement. Voici les 3 articles qu’il m’a adressés :
1. Absence of Apparent Transmission of SARS-CoV-2 from Two Stylists After Exposure at a Hair Salon with a Universal Face Covering Policy - Springfield, Missouri, May 2020 Sur le site web du “Centre de prevention et de contrôle des maladies » (CDC) 17 juillet 2020. Téléchargeable : ici
2. Association Between Universal Masking in a Health Care System and SARS-CoV-2 Positivity Among Health CareWorkers. JAMA. 18 août 2020. Téléchargeable : ici
3. Community Use Of Face Masks And COVID-19: Evidence From A Natural Experiment Of State Mandates In The US. Health Affairs. Août 2020. Téléchargeable : ici
Après avoir analysé minutieusement ses « preuves » d’efficacité, voici ce que je lui ai répondu le 2 septembre 2020 :
« Professeur,
Bonjour et merci pour votre envoi.
J’espère néanmoins que vous avez à me proposer d’autres travaux plus probants
Votre première étude, ou plutôt un « récit narratif », concerne seulement 2 cas observés chez des coiffeurs, dont on ne sait même pas s’ils étaient contagieux et pendant combien de temps et seulement 67 des 139 clients exposés ont été testés
Selon la « Research Letter » du JAMA, votre seconde étude, où manifestement le Massachusetts était en phase exponentielle d’augmentation des cas de covid pendant la 1ère période du 1er au 24 mars, avant que le port du masque ne soit recommandé ou rendu obligatoire le 25 mars (mais le pic de taux de positivité PCR semble avoir été atteint le 26 mars aux alentours de 22% ou le 13 avril au-dessus de 25% chez les professionnels de santé symptomatiques de ce groupement d’hôpitaux). Les patients ont été masqués à partir du 6 avril. L’évolution des taux d’incidence et de positivité des tests dans la population générale du Massachusetts et chez les malades pris en charge par les professionnels du MGB testés positifs, pendant toute la période du 1er mars au 30 avril, n’est pas précisé. On ne connait pas non plus la charge virale des malades et son évolution. Les auteurs affirment qu’une randomisation des professionnels de santé n’est vraisemblablement pas réalisable pendant une pandémie. Sans doute plus difficile, mais cela doit être néanmoins possible. D’ailleurs, ils ont renoncé a demandé un consentement éclairé aux professionnels qui ont été choisis pour participer à ce travail…
La troisième étude que vous m’avez transmise, publiée dans Health Affairs, et comparant des états américains, me rappelle celle qui comparaient la mortalité des états démocrates, lesquels avaient plus sévèrement confiné leurs populations, avec celle des états républicains qui étaient défavorables à un confinement total, et suivaient ainsi leur mentor, Donald Trump. Je vous joins en pièce attachée une traduction que j’en avais faite lorsqu’elle est sortie (ici la traduction).
S’agissant de cette dernière étude de Health Affairs, elle compare rétrospectivement 15 états et le district de Washington, qui auraient recommandé ou rendu obligatoire le port du masque, aux autres états, sur la période allant du 8 avril au 15 mai 2020, avec comme « endpoint » le décompte journalier des nouveaux cas comptabilisés au niveau des comtés (counties) de chaque état. L’idée peut paraitre bonne, mais c’est comme si on comparait en France entre le 15 mars et le 15 avril, les incidences de cas dans la région Grand-Est avec celles de la Nouvelle-Aquitaine. Je vous rappelle que c’est New York qui a été durement frappée en première et pendant de longues semaines alors qu’il ne se passait pas grand-chose dans les autres états… Pourquoi donc n’ont-ils pas procédé prospectivement en randomisant des counties ou des clusters dans chaque état ?
Franchement, si vous avez des « preuves » plus robustes, je suis preneur
Avec mes remerciements
Bien cordialement
François PESTY »
Mais je n’ai rien reçu d’autre à ce jour (8 septembre)
Vidéo : BFMTV - Les anti-masques
Examinons à présent les liens d’intérêts de 6 médecins ayant participé à deux plateaux TV dans l’émission « Bonjour Dr Milhau », diffusées les 29 août et 5 septembre 2020 sur C-News.
Brigitte Milhau, la journaliste médecin de Bonjour Docteur, n’a aucun intérêt de déclaré sur la base de données publique. Mais en est-il de même pour ses invités ?
La réponse est assurément « oui » pour le Pr Jean-François Toussaint, Professeur de physiologie
Il existe un parfait homonyme, Jean-François Toussaint, trouvé dans Transparence Santé, avec un repas à 55 € et une convention d’un montant également de 55 €, offerts par les laboratoires Leo Pharma, mais il est cardiologue, et exerce à l’hôpital Hôtel-Dieu, AP-HP. Il ne correspond donc pas à notre professeur de physiologie, directeur de l’IRMES, qui lui, n’est pas dans la base de données publique… (Il est important lorsque l’on mène une recherche sur Transparence santé de bien valider que l’on n’a pas à faire avec des homonymes…)
Le Dr Martin Blachier, très présents sur les plateaux TV, pourrait totalement passer inaperçu si l’on s’en tient uniquement à ce qui est déclaré dans Transparence santé. En effet, c’est l’un des 2 dirigeants du cabinet conseil « Public Health Expertise », spécialisé en « Market Access and Modeling », c’est-à-dire dans l’accès au marché (des nouveaux médicaments) » et en modélisation (des épidémies), pour l’OMS, le Ministère de la Santé, l’INCa (Institut national du cancer) et les grands laboratoires pharmaceutiques… Il se trouve donc ipso facto financièrement très lié à ses clients, dont les industriels du médicament, mais aussi des structures publiques…
Néanmoins, dans toutes les émissions auxquelles participe Martin Blachier, il se fait présenter comme « épidémiologiste », un profil qu’il ne semble pas avoir. Ce profil est de toute évidence porté par son associé Henri Leleu, modélisateur.
Le Pr Robert Cohen, pédiatre au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, dénote par des liens d’intérêts massifs avec plus de 110.000 € de montants déclarés. Ses nombreux déplacements donnent le tournis et laissent rêveur : Paris, Avignon, Marseille, Madrid, Lille, Melbourne, Lyon, Malmö, Paris, Barcelone, Lisbonne, Marrakech, Ljubljana…
À noter pour le Pr Robert Cohen, un énigmatique objet de convention « Cession de droits / Licence d’exploitation » par GlaxoSmithKline ?
Remarquons par ailleurs que le Pr Robert Cohen a encore perçu au 1er semestre 2020, 8.580 € d’avantages des laboratoires MSD, 2.000 € de montants de conventions de GSK, ainsi que 1.800 € de montants de conventions de Pfizer…
Dans une première émission, le Pr Robert Cohen recommande très vivement la vaccination contre le rotavirus :
Dr Brigitte Milhau « Dans un communiqué vous demandez à ce que les enfants soient vaccinés contre la grippe, les moins de six ans, le rotavirus qui est un virus qui donne des gastro-entérites, ça vous, vous ? »
Pr Robert Cohen « On maintient vraiment cette recommandation… Le rotavirus, c’est pour les petits, on sait que le covid chez l’enfant, donne très souvent des diarrhées, et la première cause de diarrhée chez l’enfant, je parle chez le jeune enfant, le nourrisson, c’est le rotavirus. On est un des seuls pays européens à ne pas vacciner contre le rotavirus »
Mais, le Pr Robert Cohen se garde bien de dire que la HAS considère l’intérêt clinique des deux spécialités commercialisées en France, Rotarix®, des Laboratoires Glaxosmithkline (GSK) et Rotateq® des laboratoires MSD, insuffisant au regard des très rares, mais graves complications, complications de type « invagination intestinale aiguë », souvent fatales (ici). La HAS reste défavorable depuis 2015 à leur remboursement par la sécurité sociale.
En avril 2015, les prix conseillés étaient respectivement de 60,38 € et 44,93 € la dose pour Rotarix® (GSK) et Rotateq® (MSD Vaccins). Deux doses sont nécessaires pour la vaccination. Cela en fait une vaccination coûteuse et non remboursée par la sécurité sociale.
Le Pr Robert Cohen, qui n’a pas mentionné ses liens en début d’émission, avait pourtant écopé en 2018 d’un avertissement de la part de la chambre disciplinaire du Conseil de l’ordre des médecins pour ne pas avoir mentionné ses liens d’intérêts avec les firmes lors de ses interventions dans les médias.
Dans la seconde émission, le Pr Jean-François Toussaint aura une explication musclée avec le Dr Martin Blachier, deux médecins que nous avons déjà présentés plus haut.
Pr JFT « Ce qui compte pour l’instant c’est de suivre le nombre de décès et celui-là, dans aucun pays d’Europe, pour l’instant, ne réaugmente ».
Dr MB, ricanant « Attendez quelques semaines, vous allez les voir réaugmenter »
Dr Brigitte Milhau « On ne peut pas s’en réjouir ! »
Pr JFT « Non ça fait trois mois, ça fait trois mois que vous êtes en train de parier Martin Blachier… »
Dr MB « On repassera ces images dans quelques jours »
Pr JFT « Vous êtes en train de dire depuis six mois qu’il va y avoir une augmentation. En avril avec le relâchement, elle n’a pas eu lieu, en mai avec le déconfinement, elle n’a pas eu lieu, en juin avec la fête de la musique, elle n’a pas eu lieu et en juillet avec les clusters de Mayenne, elle n’a pas eu lieu. Donc ça fait quatre fois, cinq fois que vous vous trompez sur les pronostics qui sont donnés, il est important de comprendre ce que les déterminants de cette épidémie font, par ce que c’est l’avenir de »
Dr Brigitte Milhau « L’idée ce n’est pas de dire qui s’est trompé ou pas, l’idée c’est de »
Le Pr JFT continue imperturbablement malgré la tentative de Brigitte Milhau de l’interrompre : « c’est l’avenir de nos enfants qui est en jeu. Or, les conséquences de ce confinement vont être portées par eux. Et c’est sur eux qu’il faut mettre maintenant l’accent et l’aide ».
Qui faut-il croire ?
Bien sûr que Jean-François Toussaint est beaucoup plus crédible.
Le Dr Brigitte Milhau doit sans doute ignorer la très lourde responsabilité que portent les « épidémiologistes modélisateurs fous » dans les désastreuses prises de décision de nos exécutifs (Emmanuel Macron, Giussepe conte, Pedro Sanchez, Boris Johnson…) sur les mesures d’enferment généralisé, confinement, port du masque, jamais évaluées ou non supportées par les données de la science, tant sur le plan sanitaire qu’économique…
Nous verrons dans la deuxième partie, ma prochaine chronique, comment les conflits d’intérêts ont-ils ou pas, été pris en compte lors des auditions par les missions parlementaires d’enquête ou d’information
À suivre...
[1] « Accès au marché des nouveaux médicaments : pourquoi accélérer ? » 19/10/2018 (ici)
[2] « Révélation à la HAS - L’unique rhumatologue de la Commission de la Transparence (CT), et aussi probable leader du groupe de travail « Evaluation médico-économique des biothérapies dans la polyarthrite rhumatoïde » de la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP), pourrait avoir dissimulé ses liens d’intérêts avec les firmes qui commercialisent les biothérapies indiquées dans le traitement de cette maladie ou avoir jugé qu’il n’était pas important de les déclarer ! » 27/12/2016 (ici)
[3] « Alibabamumab et les trois cent-quarante rhumatologues - Pourquoi aurez-vous bien du mal à trouver un rhumatologue pour vous prescrire le meilleur traitement de fond dans la polyarthrite rhumatoïde » 22/12/2016 (ici)
[4] « Quand l’hépatologie s’enhardit à propos de l’efficacité des nouveaux médicaments de l’hépatite C, mais reste muette sur les lourds liens d’intérêts qui l’unissent aux industriels » 10/06/2015 (ici)
[5] « Les leaders d’opinion d’une firme pharmaceutique influencent la rédaction du Point - Parcours du combattant pour l’exercice d’un journalisme indépendant » 11/04/2014 (ici)
[6] « Faut-il suivre les dernières recommandations de la SFHTA sur la prise en charge de l’HTA de l’adulte et sur la mesure de la pression artérielle ? » 11/04/2013 (ici)
[7] « Les dernières recommandations européennes, américaines et françaises sur la prise en charge des dyslipidémies sont farcies d’intérêts et fortement biaisées - Les patients - usagers sont-ils les dindons de la farce ? » 24/02/2013 (ici)
[8] « Conflits d’intérêts : La mauvaise graisse de la HAS - Le rapport de la HAS de juillet 2010 sur l’efficacité des hypolipémiants » 04/09/2010 (ici)
[9] « L’Impact minime d’une grande étude dans l’hypertension » - The New York Times – Par Andrew Pollack Titre original : “The Minimal Impact of a Big Hypertension Study”. Traduction François PESTY, 28/11/2008 (ici)
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