Au Canada, les “services de diffusion en ligne” soumis à de nouvelles exigences, les conservateurs et Elon Musk critiquent Trudeau
MONDE - Simple formalité ou tentative de censurer et contrôler le Web ? Dans un règlement diffusé vendredi 29 septembre 2023, le Conseil canadien de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a fixé le seuil à partir duquel les “services de diffusion en continu en ligne”, comme les réseaux sociaux, seront assujettis à des nouvelles règles, issues de la loi sur la diffusion continue en ligne, plus communément appelée le “projet de loi C-11”. La décision de cette commission a suscité une levée de boucliers chez les conservateurs et Elon Musk, qui accusent le Premier ministre Justin Trudeau de vouloir “censurer” ou “écraser la liberté d’expression au Canada”.
A l’issue de ses consultations publiques lancées en mai 2023, le CRTC a annoncé le 29 septembre dernier deux décisions. Les “services de diffusion en continu en ligne” qui fonctionnent au Canada et qui “génèrent 10 millions de dollars ou plus de revenus annuels” doivent, avant le 28 novembre 2023, remplir un formulaire d’inscription visant à recueillir leurs “informations de base”.
Il ne s’agit pas des seules données que les services de diffusion en continu en ligne doivent communiquer puisque la seconde décision du Conseil est de les obliger à fournir des informations relatives à leurs contenus et à leurs abonnements. “La décision exige également que ces services rendent le contenu disponible d'une manière qui n'est pas liée à un service mobile ou Internet spécifique”, lit-on encore.
Les réseaux sociaux et les podcasts concernés
Le CRTC précise qu’une troisième consultation est en cours pour déterminer les “contributions que les services de diffusion en continu devront apporter”, au même titre que les diffuseurs traditionnels, pour “soutenir le contenu canadien et autochtone”.
Parmi ces “services de diffusion” figurent les plateformes de podcasts mais surtout les réseaux sociaux. “Cependant, les utilisateurs qui utilisent les réseaux sociaux pour partager les podcasts” ne sont pas tenus par cette démarche d’enregistrement, tout comme les fournisseurs de services de jeux vidéo ou de livres audio.
En d’autres termes, la loi sur la diffusion continue en ligne (projet de loi C-11), qui vise à mettre à jour la loi sur la radiodiffusion, entend obliger les plateformes comme Netflix, Disney, YouTube tout comme les réseaux sociaux (Facebook, X, TikTok ...) à contribuer à la promotion du contenu canadien.
Les mesures suscitent la controverse depuis son dépôt par le Premier ministre Justin Trudeau en février 2022. Les Canadiens craignaient d’abord que les amateurs qui diffusent des contenus sur YouTube ou sur les réseaux sociaux soient assujettis à la loi sur la diffusion continue en ligne, mais la possibilité a vite été écartée par le gouvernement libéral. Le projet de loi C-11 “ne vise que les films, les séries télévisées et la musique”.
Les Conservateurs dénoncent une “loi sur la censure”
La diffusion par le CRTC de son règlement a cette fois-ci fait réagir les conservateurs, et leur leader Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada (PCC) et de l’opposition officielle. De son avis, ces nouvelles décisions sont la preuve d’un “plan de censure des réseaux sociaux”. “On a prévenu Justin Trudeau que la loi sur la censure en ligne allait venir censurer ce que les gens peuvent voir et dire en ligne. Les libéraux l’ont nié. Maintenant, c’est exactement ce qu’ils font”, a-t-il affirmé sur Twitter.
Trudeau’s creepy decision to force podcasts to register with his government is his latest attempt at censorship.
— Pierre Poilievre (@PierrePoilievre) October 2, 2023
I will repeal censorship & bring home free speech: https://t.co/PHhdqgEAdg pic.twitter.com/NfQBKYlfjN
Sur le site du parti, une pétition a été publiée dénoncer les “libéraux de Trudeau qui cherchent désespérément à policer et à contrôler la parole”, en référence à l’obligation de “promouvoir le contenu canadien”. Le gouvernement libéral “s’est maintenant donné le pouvoir de contrôler ce que les Canadiens et Canadiennes peuvent voir et dire en ligne”, estime-t-on chez les opposants.
Le milliardaire américain Elon Musk, propriétaire depuis presque un an du réseau social X (anciennement Twitter), a également réagi à la nouvelle du CRTC. Il a accusé Justin Trudeau de tenter “d’écraser la liberté d'expression au Canada. C’est honteux“, a-t-il écrit.
Trudeau is trying to crush free speech in Canada. Shameful. https://t.co/oHFFvyBGxu
— Elon Musk (@elonmusk) October 1, 2023
Les soutiens du parti libéral de Trudeau, comme le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québecois, ont salué la loi sur la diffusion en continu en ligne, estimant que la demande par le CRTC d’enregistrement des plateformes est une “simple formalité”. “Les conservateurs, à chaque étape de cette législation, ont essayé de placer la question de la censure au cœur du débat. “C’est irresponsable, et surtout déconnecté de la réalité du Québec où la réforme de la loi sur la radiodiffusion fait l’unanimité”, estime le député bloquiste Martin Champoux.
Les États-Unis avaient déjà réagi à la loi sur la diffusion continue en ligne en janvier 2023. Une porte-parole de l'ambassade américaine au Canada, Molly Sanchez Crowe, a exprimé la crainte de Washington que le projet de loi C-11 affecte les opérations des entreprises américaines. “Nous craignons que cela n'affecte les services de streaming numérique et ne discrimine nos entreprises”, avait-elle indiqué.
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