Bataille de Raqqa : les inghimasiyyi, les troupes de choc de l'Etat islamique

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Matteo Puxton, édité par la rédaction
Publié le 30 juin 2017 - 12:24
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Mieux équipés et entraînés, les inghimassiyyi forment les troupes de choc de l'Etat islamique.
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Mieux équipés et entraînés, les inghimassiyyi forment les troupes de choc de l'Etat islamique.
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Ils sont souvent en premières lignes des combats menés par l'Etat islamique, le torse barré par une ceinture d'explosifs. les inghimasiyyi, troupes de choc de Daech n'ont pourtant pas vocation à mener systématiquement des actions kamikazes. Matteo Puxton, agrégé d'Histoire et spécialiste des questions de défense et observateur de référence de la stratégie de l'EI, se livre, en partenariat avec "FranceSoir", à une analyse précise, et inédite, de l'emploi de ces combattants d'élite par le groupe djihadiste.

Le terme inghimasi renvoie à un combattant d'élite, de types forces spéciales, équipé d'armes légères et d'explosifs. Il est donc différent du kamikaze tout en relevant d'un usage militaire. Ce combattant utilise en priorité ses armes avant, au besoin, de se faire exploser s'il n'a plus de munitions, pour accomplir sa mission ou s'il est acculé. Engagé en première ligne, l'inghimasi est là pour entamer un dispositif défensif. Il ouvre ainsi la voie à d'autres combattants, et peut aussi couvrir une retraite. Les inghimasiyyi peuvent être utilisés en groupes assez vastes mais généralement il s'agit de petites équipes. Ils utilisent des uniformes ennemis pour infiltrer des installations, sont autorisés à se raser les cheveux et la barbe si besoin pour dissimuler leur identité. Ils sont libres de leurs moyens d'action et peuvent très bien revenir dans leur camp sans s'être fait sauter s'ils ont accompli leur mission.

Le mot apparaît dès 2011, mais il est popularisé par la branche syrienne d'al-Qaïda, le front al-Nosra, qui déploie ses propres inghimasiyyi, tout comme d'autres formations djihadistes en Syrie. L'EI ne fait que récupérer le mot. Ce dernier vient du terme arabe "inghimasa", littéralement "plonger, être immergé (dans les rangs ennemis)" avec comme objectif d'infliger le maximum de dégâts. Inghimasi est devenue une catégorie administrative au sein de l'Etat islamique: les formulaires donnés à remplir aux nouveaux combattants demandent de choisir entre être un combattant normal, un inghimasi ou un kamikaze (istishadi, mot qui les désigne également dans les bandeaux des vidéos).

Dans les camps d'entraînement militaire, les meilleures recrues sont notamment enrôlés dans ce corps d'élite. Ceux-ci constituent les forces spéciales de chaque wilayat et ne sont pas destinés, a priori, à en sortir: ceci afin qu'ils connaissent bien le terrain où ils opèrent et pour ne pas les éloigner de leur région d'origine en cas de recrutement local. Le combat sur l'ensemble du territoire de l'EI, en dehors de la wilayat d'origine pour les locaux, est réservé à d'autres formations d'élite qui viennent aussi chercher leurs recrues dans les camps d'entraînement (comme Jaysh al-Khilafa).

De fait, il existe trois types d'utilisation des inghimasiyyi au sein de l'EI. Le niveau militaire, où ils servent de troupes de choc dans les batailles importantes; le niveau infiltration, où de petits groupes cherchent à infiltrer des installations sensibles pour y causer le maximum de dégâts (et généralement ne reviennent pas, se faisant sauter sur l'objectif); le niveau terroriste, où l'inghimasi attaque des objectifs civils: hôtel Corinthia en Libye, Bataclan lors des attentats de Paris, aéroport Atatürk d'Istanbul. Le concept a en particulier été pratiqué par la Katibat al-Battar al-Libi, formation d'élite de l'EI constituée de Libyens, qui a également compté de nombreux Européens, dont Abdelhamid Abaaoud.

Inghimasiyyi à l'entraînement dans la vidéo de la wilayat al-Barakah (août 2015) qui présente ces troupes d'élite.

L'Etat islamique a lui-même défini le terme inghimasi: la wilayat al-Barakah (qui correspond à la province d'Hasakah dans le nord-est de la Syrie) a publié une vidéo de 10 minutes consacrée à ces combattants en août 2015. Il s'agit "d'un ou plusieurs combattants qui plongent dans les lignes ennemies, en étant inférieurs en nombre, ce qui d'ordinaire conduit à leur mort. Les opérations inghimasi visent généralement des positions fortifiées ou des bâtiments en ville pour tuer des chefs importants. Les opérations inghimasi sont considérées comme une arme fatale qui fait trembler l'ennemi. Ainsi, un seul combattant inghimasi peut faire s'effondrer une armée ennemie".

Sur le champ de bataille, les inghimasiyyi, en petits groupes allant jusqu'à 20 hommes (une demi-section), suivent souvent, lors d'une offensive de l'EI, les véhicules kamikazes qui ouvrent la voie à l'attaque par leur explosion. Entraînés au combat rapproché, ils sont là pour nettoyer les positions défensives les mieux défendues. Ces troupes d'élite comprennent souvent des combattants étrangers. En 2014-2015 ils ont joué un rôle clé dans plusieurs succès de Daech, comme par exemple la capture de Palmyre en Syrie et de Ramadi en Irak en mai 2015.

Wilayat Falloujah, janvier 2016: l'inghimasi Abu Qatada Al Issawi enfile son gilet explosif.

Sur un échantillon de 94 vidéos longues militaires de l'EI analysées par mes soins avec un questionnaire renseigné depuis un an et demi, les inghimasiyyi sont mentionnés dans les bandeaux des vidéos 19 fois, et apparaissent probablement dans plusieurs autres même s'ils ne sont pas mentionnés comme tels. Je me limite ici aux 19 vidéos concernées. Il s'agit tout de même de 20% de l'échantillon ce qui montre l'importance de ces troupes de choc. Géographiquement, les vidéos concernées représentent 10 wilayats de l'Etat islamique en Syrie et en Irak, ce qui montre qu'ils sont assez largement utilisés sur le plan militaire. Je ne m'intéresse ici qu'au premier type d'utilisation des inghimasiyyi, dans la dimension militaire.

Comment reconnaît-on les inghimasiyyi, en dehors du fait que l'EI les nomme dans les bandeaux de ses vidéos longues?

Dans une vidéo de la wilayat Falloujah de l'organisation djihadiste (janvier 2016), on peut voir un de ces combattants enfiler son gilet explosif. La présence d'un tel dispositif sur les membres de l'EI indiquent que l'on a affaire à des inghimasiyyi. On les voit très bien également dans une vidéo de la wilayat Ninive de janvier 2017 et dans une autre de la même wilayat en juin 2017. Une vidéo de la wilayat Homs (février 2016) montre des combattants rassemblés autour d'un BMP-1 détourellé, renforcé de blindage SLAT, qui leur sert de transport de troupes. La moitié des combattants de cette escouade a un uniforme ou des pièces d'uniformes similaires: cette standardisation plus ou moins poussée sur le mode d'une armée régulière signale souvent, là encore, des troupes d'élite comme les inghimasiyyi.

Gros plan sur le gilet explosif d'un inghimasi, capture d'écran d'une vidéo de la wilayat Ninive (janvier 2017).

Dans une vidéo de la wilayat Halab (juin 2016), non seulement ces derniers ont un uniforme standardisé, mais ils portent un écusson avec le logo de la wilayat en haut de la manche droite. Une vidéo de la wilayat Homs (juillet 2016) montre que les escouades tactiques d'inghimasiyyi comprennent davantage de combattants en moyenne que les escouades normales: si celles-ci ont sept, huit voire 10 hommes, les escouades de choc peuvent monter jusqu' à 15-20 hommes.

Une vidéo de la wilayat al-Khayr (octobre 2016) montre que les inghimasiyyi sont mieux armés, à la fois en qualité et en quantité, que les troupes normales: pour l'assaut sur la brigade d'artillerie au sud de l'aéroport de Deir Ezzor, ils sont appuyés par un sniper sur Zijiang M99, par un autre tandem de snipers opérant sur un tube antiaérien bricolé avec viseur télescopique (12,7/14,5 mm), par un canon sans recul B10, par au moins trois mitrailleuses PK. C'est ce que l'on voit aussi dans la vidéo de la wilayat Halab d'avril 2017 montrant l'assaut sur le village de Sahran contre le régime syrien au sud-est d'al-Bab: l'escouade embarquée à bord d'un Otokar Cobra turc capturé par l'EI comprend non seulement un tireur RPG-7 avec au moins deux pourvoyeurs qui transportent les roquettes (dont des charges tandem), mais aussi un combattant armé d'un lance-roquettes HAR-66 (copie turque du M-72 LAW américain), en plus d'un mitrailleur PK. La présence de lance-roquettes monocoups portés en plus du fusil d'assaut individuel signale souvent des inghimasiyyi.

Les inghimasiyyi qui attaquent le village de Kafr Kalbin en mai 2016 portent un uniforme quasi identique pour beaucoup et sur la manche droite, un écusson avec le logo de la wilayat (qu'on voit ici sur la manche droite du tireur RPG-7, à gauche).

De la même façon, dans la wilayat Ninive (avril 2017), cinq de ces combattants préparent leur équipement: ils ont trois exemplaires du lance-roquettes artisanal fabriqué par l'EI (dont un dans la version thermobarique), une mitrailleuse PK, leurs fusils d'assaut et portent la même tenue. Dans une vidéo de la wilayat al-Furat (mai 2017), un groupe d'une dizaine d'inghimasiyyi, en plus de leurs fusils d'assaut individuels, disposent de deux lance-roquettes RPG-7 et d'une mitrailleuse PKT.

Les inghimasiyyi transportés dans l'Otokar Cobra pour l'assaut sur le village de Sahran (sud-est d'al-Bab, février 2017), sont bien armés: à gauche le combattant tient un M-72 LAW ou sa copie turque le HAR-66, au fond un autre combattant tient un RPG-7. La présence de lance-roquettes monocoups "jetables" en plus du fusil d'assaut signale souvent la présence d'inghimasiyyi.

En avril 2017, la wilayat al-Raqqah de l'EI met en ligne la deuxième vidéo consacrée à la défense extérieure de la ville depuis l'offensive des SDF lancée en novembre 2016. Une séquence de cette vidéo montre des inghimasiyyi à l'entraînement dans le camp baptisé Sheikh Muhammad al-Furqan, du nom d'un membre important de l'organisation tué en septembre 2016. Ce camp situé dans une zone relativement désertique accueille une centaine de ces hommes, divisés en sections de 20 à 27 hommes (27, 25, et 24 hommes pour celles qui sont visibles). La protection antiaérienne est assurée par un technical avec KPV; des pneus brûlent sur le camp d'entraînement, probablement pour donner un certain réalisme mais aussi pour entraver l'observation aérienne. Les instructeurs sont armés d'AKS-74U ou de mitrailleuses PK dont ils se servent pour tirer en l'air et renforcer également le réalisme sur le parcours physique réalisé, pour la caméra, par les inghimasiyyi. On remarque que les combattants portent des uniformes similaires, en deux ou trois variantes.

Comment sont utilisés les inghimasiyyi sur le champ de bataille?

Exceptionnellement, leur emploi peut précéder celui des véhicules kamikazes, qu'ils suivent en général. Dans la wilayat Falloujah (janvier 2016), un groupe bien armé (groupe de combat avec deux mitrailleuses PK, un lance-roquettes RPG-7, deux tireurs d'élite sur SVD, en appui un canon sans recul SPG-9, des mortiers) attaque une base de l'armée irakienne. Au moins deux inghimasiyyi infiltrent l'installation à l'aube juste après le début de l'attaque et actionnent leur charge (un des deux explose en raison du tir d'un char T-72). Un bulldozer blindé est ensuite engagé pour ouvrir la voie aux fantassins, et manque de se faire détruire par une chaîne d'IED actionnée à distance par les défenseurs. Ce n'est qu'ensuite qu'un véhicule kamikaze (camion militaire) est engagé. Mais l'attaque n'est pas couronnée de succès: la base n'est pas prise.

Les inghimasiyyi peuvent être engagés dans des raids éclairs et simultanément dans du combat urbain. Une vidéo de la wilayat Halab (juin 2016) montre l'assaut sur Kafr Kalbin: les inghimasiyyi attaquent de nuit, tuent de nombreux rebelles syrien dans la place. L'assaut continue dans la journée, appuyé par un Safir avec canon sans recul de 106, plusieurs mortiers et canons de l'enfer (un canon bricolé artisanalement par l'EI pour augmenter ses moyens d'appui), et trois technicals. Un véhicule kamikaze ouvre la voie, puis les inghimasiyyi sont engagés en combats de rues. Passant par les brèches pratiquées dans les habitations par leurs adversaires, ils effectuent des tirs de suppression pour protéger leurs camarades qui traversent les rues. On voit plus loin un de ces combattants qui porte un RPG-75. Un Land Cruiser avec ZU-23 les appuie directement dans le combat. Malgré l'appui d'un A-10 américain, les rebelles sont chassés de la localité, un fuyard est même abattu par un sniper de l'EI.

A Mossoul, en avril 2017, une vidéo de la wilayat Ninive montre un raid éclair effectué par des inghimasiyyi à bord d'un véhicule de combat improvisé. Celui-ci s'arrête à côté d'une habitation où se trouvent des policiers fédéraux, dans Mossoul-ouest. Un des membres de ce raid jette des grenades dans la cour intérieure. Le conducteur sort poser une charge explosive sur un bulldozer qui bloque la rue. Un autre pénètre dans la cour intérieure pour y jeter une grenade. Le véhicule repart, tandis que le bulldozer explose.

Une vidéo de la wilayat Halab (avril 2017) montre le raid éclair des djihadistes sur le village de Sahran (1er février) tenu par le régime de Damas, à 13 km au sud-est d'al-Bab. Les inghimasiyyi sont pour partie transportés dans un Otokar Cobra pris à l'armée turque sur le front d'al-Bab, d'autres sont dans des pick-up. L'attaque de l'EI par le nord-est de Sahran prend les défenseurs par surprise: un char T-72AV est incendié par un combattant qui jette une grenade à l'intérieur. Les combattants du régime prennent la fuite par le sud-est du village. L'organisation terroriste filme une vingtaine de corps adverses dans le village, dont un porte l'écusson de Liwaal-Qods, milice palestinienne combattant aux côtés du régime syrien.

Mossoul-ouest: un inghimasi dans le compartiment arrière d'un véhicule de combat improvisé couvre son camarade qui va piéger un bulldozer. A droite un bâtiment occupé par des policiers fédéraux sur lequel il vient de lancer plusieurs grenades.

Les inghimasiyyi peuvent être aussi engagés dans des actions mécanisées sans l'appui de véhicule kamikaze. Dans la wilayat Homs (vidéo de février 2016, combat de janvier 2016 à l'ouest de Palmyre), un groupe de ces djihadistes de choc est transporté par un BMP-1 détourellé muni de blindage SLAT et par des pick-ups. L'assaut est mené par un char T-72 qui vise des positions défensives du régime syrien. Appuyé par le tir du blindé et par celui d'un Land Cruiser avec ZU-23, les inghimasiyyi nettoient les positions défensives qui constituent l'objectif. Un tireur d'élite armé d'un Steyr SSG 69 abat plusieurs combattants du régime. La progression est couverte par plusieurs mitrailleuses PK. Les combats pour les positions défensives sont rapprochés, avec jets de grenades.

Pour l'attaque du champ gazier d'al-Shaer (wilayat Homs, mai 2016), les inghimasiyyi sont engagés en premier, appuyés par le tir d'un canon D-30, de deux chars (un T-55, un T-72) et de nombreux technicals. D'autres sont engagés à l'aube derrière un BMP-1 qui ouvre la voie. En juillet 2016, dans la wilayat Homs, une escouade d'inghimasiyyi avec RPG-7 et mitrailleuse est embarquée dans un BMP-1 pour un assaut sur une position du régime. La progression du véhicule est couverte par un char T-55 et un canon antiaérien AZP S-60 sur camion. D'autres combattants sont ensuite débarqués par pick-up.

Dans la wilayat Dijlah (vidéo d'octobre 2016), ils manoeuvrent les véhicules pour un raid éclair sur des positions irakiennes: Humvee avec mitrailleuse DSHK en tourelle, M1117 avec blindage SLAT et mitrailleuse M2HB en tourelle. Ils ouvrent le feu avec les armes embarquées des véhicules pour abattre les fuyards. Le Humvee débarque ensuite des inghimasiyyi pour assaillir une position irakienne tandis que le M1117 cercle autour pour les couvrir de son feu. Pour l'assaut sur la "brigade d'artillerie" au sud de l'aéroport militaire de Deir Ezzor (septembre 2016, wilayat al-Khayr), les djihadistes d'élites sont couverts par le tir d'un char T-55, d'un Land Cruiser avec tourelle de BMP-1 à l'arrière, de nombreux technicals. Une dizaine d'inghimasiyyi suivent à pied un char T-72 qui ouvre la voie, tandis qu'un autre T-72 le couvre de son feu; d'autres combattants sont transportés par un pick-up avec plaques de blindage additionnelles et blindage SLAT sur l'avant.

En mars 2017, une katiba de la wilayat al-Furat (vidéo de mai) cible une position de l'armée irakienne près d'al-Rutbah. La colonne comprend trois véhicules blindés improvisés et de nombreux technicals. Les inghimasiyyi manipulent les armes de bord des véhicules, tirent sur la position visée avec un canon sans recul SPG-9, avec un lance-roquettes Type 69 (copie chinoise du RPG-7), puis débarquent. Un autre tire au RPG-7 depuis l'un des véhicules improvisés en mouvement. L'assaut se poursuit tandis que les technicals repoussent une colonne de secours venue dégager le poste attaqué.

Des inghimasiyyi montent dans un BMP-1. Wilayat Homs, juillet 2016.

Généralement, les inghimasiyyi suivent à l'offensive l'explosion d'un ou plusieurs véhicules kamikazes. C'est ce que l'on voit dans une vidéo de la wilayat Nord-Bagdad (février 2016): une position défendue par l'armée irakienne et des miliciens chiites est bombardée au mortier, puis un Humvee explose dans l'installation. L'explosion désorganise complètement la défense: appuyés par des technicals, les troupes de choc de l'EI n'ont plus qu'à investir la position puis à massacrer les fuyards, puis à attaquer une autre position défensive tenue par des miliciens du Badr (un des fantassins est armé d'un Galil israëlien).

Dans une vidéo de la wilayat Dijlah (février 2016), les inghimasiyyi manoeuvrent un bulldozer blindé qui ouvre la voie à des véhicules kamikazes. Ils couvrent la progression du premier avec des tirs de RPG-7. Après l'explosion de deux autres véhicules, un MT-LB embarquant une mitrailleuse lourde KPV protégée par un bouclier et muni de blindage SLAT s'engage sur la route. Les djihadistes nettoient des positions sur les hauteurs des monts Makhoul.

En avril 2016, dans la wilayat Dimashq, pour l'assaut sur la centrale thermique de Tishreen, l'EI entame le pilonnage de nuit avec des technicals; un BMP-1 détourellé converti en véhicule kamikaze est jeté sur les positions du régime à l'aube. Couverts par les technicals, les inghimasiyyi avancent pour nettoyer les poches de résistance.

Un inghimasi de la wilayat Dijlah couvre un véhicule kamikaze en tirant une roquette de RPG-7 (février 2016).

Voit-on les inghimasiyyi actionner leur gilet explosif en pleine action durant un combat?

Très rarement. Sur les 19 vidéos étudiées, le cas ne se présente que deux fois. En janvier 2016, dans la wilayat Falloujah, deux inghimasiyyi infiltrent une base irakienne à l'aube, l'attaque ayant commencé par le pilonnage juste avant. Un des deux combattants explose après avoir été touché par le tir d'un char T-72; le deuxième se fait sauter dans la base, qui n'est cependant pas prise. Dans une vidéo de la bataille de Mossoul (wilayat Ninive, mars 2017), un inghimasi grimpe sur un char M1 Abrams et jette à l'intérieur une grenade ou une charge explosive; puis il se fait sauter près d'un Humvee stationné non loin.

Après avoir jeté une grenade ou une charge explosive dans un char M1 Abrams, l'inghimasi Abu Yaqin Al Iraqi se fait sauter près d'un Humvee (vidéo de la wilayat Ninive, Mossoul, mars 2017).

Troupes de choc utilisées par l'EI depuis 2014, les inghimasiyyi sont devenues un outil phare des tactiques militaires de l'organisation, aussi bien en attaque qu'en défense. Nul doute que l'EI continuera d'utiliser ces troupes de choc, durant la défense de Raqqa, puis celle du "sanctuaire frontalier", dans les contre-attaques ponctuelles qu'il peut encore lancer, et dans les offensives désormais plus rares comme à Deir Ezzor.

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