Biélorussie : Loukachenko réélu président, l’UE maintiendra ses sanctions et Moscou son étroite coopération
Jour de vote hier, dimanche 26 janvier 2025, en Biélorussie. Sept millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour une élection présidentielle pour choisir entre cinq candidats, dont l’actuel président, Alexandre Loukachenko, qui brigue un septième mandat de 5 ans et qui est donné largement vainqueur. Pour l’Union européenne (UE), ce soutien de Moscou “n’a aucune légitimité”. Alexandre Loukachenko, un équilibriste entre la Russie et l’Occident jusqu’au début de la guerre en Ukraine avant de se rapprocher du Kremlin, a été réélu sans surprise président pour un septième mandat avec 87,6 % des voix.
Lors des précédentes présidentielles, le chef de l’État biélorusse avait remporté le scrutin avec 80% des voix. Sa victoire étant qualifiée de “mascarade”, aussi bien par l’opposition, exilée, que par l’Occident. Les résultats du vote ayant provoqué de larges manifestations, sévèrement réprimées.
Loukachenko avertit contre des manifestations
A cette période-là, Alexandre Loukachenko tentait de maintenir des relations stables entre la Russie et l’Occident. Il souhaitait ainsi conserver, voire obtenir davantage de subventions de la part de Moscou, tout en apaisant les relations conflictuelles avec l’Occident, l’UE à sa tête, en réduisant la répression dont son gouvernement était accusé. Bruxelles avait progressivement levé ses sanctions économiques, permettant une reprise des échanges commerciaux. Des discussions étaient également en cours pour établir des accords de facilitation des visas et de réadmission.
Suite aux manifestations de 2020, l’UE et d'autres pays occidentaux ont remis les sanctions à l’ordre du jour. Alexandre Loukachenko a de ce fait accentué son rapprochement avec le Kremlin, abandonnant sa stratégie d'équilibrisme entre Moscou et l'Occident. Il met alors son territoire au service de l'armée russe en prévision de la guerre en Ukraine en 2022, puis autorise la Russie à déployer durant l’été 2023 des armes nucléaires tactiques.
Vendredi, deux jours avant ces nouvelles présidentielles, le président biélorusse avertissait justement ses opposants contre de nouvelles manifestations. "Nous ne répéterons jamais ce qui s'est passé en 2020 !", a-t-il affirmé.
Hier dimanche, ils étaient, officiellement sept millions d'électeurs inscrits dans le pays pour élire un des cinq candidats, dont un seul considéré comme réellement critique à l'égard du pouvoir de Loukachenko.
Après avoir voté à Minsk, ce dernier, au pouvoir depuis 1994, soit 30 ans, s’est adressé aux journalistes, qualifiant le Bélarus de “démocratie brutale”. Une déclaration décryptée par les uns comme une reconnaissance implicite du caractère répressif de son pouvoir, d’autres comme une manière de rappeler que le système politique de ce pays n’est pas le standard de démocratie désiré ou aperçu dans les pays de l’UE.
Soupçonné de vouloir léguer le pouvoir à ses fils, il a démenti ces soupçons, affirmant que son fils, Nikolai, le plus jeune et qui a déjà fait des apparitions publiques officielles avec son père, "ne rêverait pas dans son pire cauchemar" de devenir président. “Aucun de mes fils ne le pourrait", a-t-il assuré aux journalistes.
L’opposition et l’UE très critiques
Alexander Loukachenko a aussi déclaré que les prisonniers politiques détenus en Biélorrusie pouvaient solliciter une grâce. Il a exclu tout dialogue avec l'opposition en exil et celle-ci s’est montrée très critique, aussi bien à l’égard du président que du scrutin. "Ce qui se passe aujourd'hui est une farce", a réagi la cheffe de file de l'opposition en exil depuis Varsovie, Svetlana Tikhanovskaïa, candidate en 2020. A ses yeux. M. Loukachenko est un "criminel qui s'est emparé du pouvoir”. Elle a appelé à la libération de tous les prisonniers politiques ainsi qu'à la tenue d'élections libres.
Bruxelles a également critiqué cette élection par la voix de Kaja Kallas cheffe de la diplomatie européenne (désignéee et non élue). Selon elle, le président biélorusse “n’a aucune légitimité”. "Loukachenko s'accroche au pouvoir depuis 30 ans. Demain, il se renommera lui-même dans une nouvelle mascarade d'élection. C'est un affront à la démocratie"", a-t-elle ajouté samedi. L’UE “continuera à imposer des mesures restrictives et ciblées contre le régime” de Loukachenko, a-t-elle ajouté.
Interrogée par des journalistes à Minsk, une retraitée de 74 ans a dit voter pour “la première fois en 20 ans”, au profit du président sortant. "Peut-être que tout n'est pas parfait, que nous ne sommes pas en démocratie...", admet-elle. Mais “je ne veux pas d'un Maïdan", poursuit Nadejda Goujalovskaïa. Irina Lebedeva, 68 ans, qui vote "à chaque fois", estime pour sa part que "grâce à notre président, il y a la paix dans le pays". Un argument répété par les Bélarusses rencontrés ces derniers jours par l'AFP.
A 14H (11H GMT) dimanche, le taux de participation atteignait déjà les 66,41% selon la Commission électorale centrale, validant ainsi le scrutin. Dans la soirée, sa réélection avec 87,6 % des voix a été annoncée par un sondage officiel à la sortie des urnes,
Minsk et Moscou consolident leur coopération
Une victoire d’Alexandre Loukachenko signifie probablement la poursuite, voire une croissance du soutien bilatéral avec la Russie. Militairement déjà, dans le contexte de la guerre en Ukraine et au-delà, si jamais le président américain Donald Trump parvient à réunir les deux belligérants autour des négociations pour parvenir à la paix. Début décembre, le président biélorusse et son homologue Vladimir Poutine ont signé un accord prévoyant l'utilisation d'armes nucléaires "en réponse à une agression".
L’accord, qui fait suite à la révision par Moscou de sa doctrine nucléaire, prévoit “des obligations mutuelles en matière de défense et de protection de la souveraineté". Loukachenko a aussi demandé à Poutine de déployer également au Belarus les nouveaux missiles "Orechnik". “Un seul système Orechnik nous suffit pour assurer la sécurité de la Biélorussie”, a-t-il déclaré hier après avoir voté. “Si quelque chose d'extraordinaire se produit et que l'Oreshnik est nécessaire, nous le ferons livrer par la Russie”. Pour le TASS, ce projet est une réponse aux déploiements d’équipements américains en Europe.
Mais le président biélorusse a aussi déclaré à un journaliste polonais que Varsovie, qui préside depuis le 01 janvier l’UE, “poursuit une politique des plus agressive et des plus destructrice (...) Vous vous préparez à organiser une intervention contre nous (...) Vous devez comprendre que vous n'obtiendrez même pas un mètre de territoire de notre part. C'est notre territoire”, a-t-il martelé.
Outre la défense, l’étroite collaboration entre la Biélorussie et la Russie se manifesterait aussi sur le plan économique. Face aux sanctions occidentales, les deux pays renforcent leurs liens pour contourner ces restrictions et maintenir leur vitalité économique. Cette alliance s'inscrit dans une dynamique plus large, notamment au sein des BRICS, où la Russie cherche à consolider son influence et à promouvoir un ordre mondial multipolaire, réduisant ainsi la dépendance à l'égard de l'Occident.
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