Bruxelles sous tension : Orbán face au chantage de l'UE

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Trina Banderas, France-Soir
Publié le 30 janvier 2024 - 11:44
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Orban UE bras de fer
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Stéphanie Lecocq / Pool / AFP
Le bras de fer engagé par Viktor Orbán (ici aux Invalides, le 5 janvier 2024, lors des obsèques de Jacques Delors) avec l'UE est loin d'être terminé. Il ne concerne d'ailleurs pas que le dossier ukrainien.
Stéphanie Lecocq / Pool / AFP

MONDE - Bruxelles envisage des mesures économiques contre la Hongrie qui oppose son veto au financement de l'Ukraine. Les tensions croissantes révèlent des divisions au sein de l'UE et suscitent des interrogations sur la démocratie au sein du bloc. Les négociations, tendues, pourraient prendre une tournure décisive lors du prochain sommet extraordinaire qui aura lieu le 1er février dans la capitale belge.

En décembre dernier, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a opposé son veto au financement de l'UE en faveur de l'Ukraine. Il a réitéré cette position au début du mois de janvier, et campe sur sa position. Ce financement, connu sous le nom de "facilité pour l'Ukraine", était prévu pour fournir une aide financière aux dirigeants ukrainiens entre 2024 et 2027 afin de remédier à leur déficit public croissant.

Selon un rapport du Financial Times citant un plan confidentiel de Bruxelles, l'Union européenne envisagerait de prendre des mesures pour perturber l'économie hongroise si ce pays devait bloquer un nouveau programme de financement pour l'Ukraine lors du sommet prévu le 1er février. Le Financial Times a donc révélé dimanche 28 janvier qu'un grand projet secret élaboré par des fonctionnaires de l'UE suggère que l'Union européenne envisage de "mettre en péril" la monnaie hongroise et de provoquer un "effondrement de la confiance des investisseurs" en réponse à l'opposition de Budapest au paquet d’aide de 50 milliards d'euros (54 milliards de dollars) destiné au régime de Kiev.

Le document indique que "dans le cas où il n'y aurait pas d'accord" entre les 27 Etats membres de l'UE lors du sommet extraordinaire prévu à Bruxelles, "d'autres chefs d'Etat et de gouvernement pourraient déclarer que, compte tenu du comportement obstructif du premier ministre hongrois", la question de savoir comment l'UE peut "continuer à fournir des fonds à la Hongrie" pourrait être soulevée. Selon le Financial Times, le document reflète le fait que "les marchés financiers et les entreprises européennes pourraient être beaucoup moins intéressés par des investissements en Hongrie".

Une communauté démocratique ?

"Si c'est vrai, qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que l'Union européenne n'est pas du tout une communauté démocratique", a déclaré au média Sputnik Gabor Stier, analyste hongrois de la politique étrangère, fondateur du portail d'information moszkvater.com et membre du club de discussion Valdaï (laboratoire d’idées installé à Moscou et forum international lancé en 2004 à l’initiative de Vladimir Poutine, NDLR). Si l'Union européenne exerce une pression aussi brutale sur un de ses membres en raison d’une opinion divergente, cela suggère qu'elle redoute ce pays, voire insinue qu'il devrait quitter l'Union.

"Si nous envisageons une telle punition pour la Hongrie, ce ne sera pas seulement Orbán qui en pâtira, mais l'ensemble du pays. Si Bruxelles persiste dans sa volonté de débloquer 50 milliards d'euros pour soutenir l'Ukraine, elle continuera à miner les fondations de l'Union européenne. Cela représente un impact bien plus dévastateur que la destruction d'un seul pays", a ajouté Stier.

L'analyste a souligné qu'auparavant, l'UE avait l'habitude d'engager des discussions avec d'autres Etats  pour résoudre diverses questions sensibles. Cependant, lorsque la Hongrie exprime son opposition à un nouveau financement de plusieurs milliards d'euros pour Kiev, Bruxelles semble avoir recours à un "chantage grossier".

Résistance hongroise au chantage de Bruxelles

La faiblesse de l'économie hongroise est un sujet dont on parle à Bruxelles, même si le fait de l'inscrire dans un document et de laisser entendre qu'il existe un plan de sabotage a également semé la confusion parmi certains acteurs de la capitale européenne. L'idée d'utiliser l'économie pour contraindre certains États membres à respecter des règles et des engagements n'est pas nouvelle. En 2020, l'instrument relatif à l'Etat de droit a été adopté, permettant de geler les fonds de l'UE pour les pays qui s'écartent des normes européennes sur ce sujet.

La Commission européenne maintient ainsi le gel de milliards d'euros de fonds européens pour Budapest en raison des doutes concernant l'Etat de droit en Hongrie. Juste avant le sommet extraordinaire de décembre, la Commission a dégelé 10 milliards d'euros mais Viktor Orbán n'a pas changé de position et exige que tous les fonds soient dégelés.

Pour le gouvernement hongrois, le document divulgué par le Financial Times montre qu'il y a bien un "chantage" de la part de Bruxelles et non une série de critères objectifs qui activeraient le blocus. János Bóka, le ministre hongrois des Affaires européennes, a réagi sur les réseaux sociaux : "Le document rédigé par les bureaucrates de Bruxelles ne fait que confirmer ce que le gouvernement hongrois dit depuis longtemps, à savoir que l'accès aux fonds européens est utilisé à des fins de chantage politique"

Manœuvres politiques et compromis en vue

Le Conseil européen reconnaît l'existence d'un document qui n'a fait l'objet d'aucune discussion politique de haut niveau, suggérant qu'il s'agit d'une manœuvre tactique visant à exercer une pression supplémentaire sur Orbán.

L'équipe de Charles Michel redouble d'efforts pour parvenir à un compromis lors du sommet extraordinaire de l'UE. Orbán maintient son veto sur la révision du cadre financier pluriannuel (CFP), suscitant des inquiétudes à Bruxelles et ailleurs. Bien que la Hongrie montre une certaine flexibilité, les négociations demeurent tendues. Une alternative envisagée serait de retirer les fonds destinés à l'Ukraine du CFP et d'explorer un plan B pour les autres États membres de l'UE. Cependant, cette option divise les capitales européennes, certaines préférant maintenir tous les fonds dans le cadre budgétaire communautaire.

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