L’avenir de l’Union européenne, vraiment ? (Partie 1)
TRIBUNE - Une personne âgée vit dans sa petite maison de famille dont elle est propriétaire, dans un village français. Une loi décidée par le gouvernement de l’Europe impose la rénovation énergétique après un contrôle obligatoire, aux frais du propriétaire. Disposant d’une petite pension de réversion, n’ayant pas connaissance de ce texte, la dame n’entreprend aucun contrôle ni travaux. Ses faibles revenus l’empêchent de se chauffer correctement pendant l‘hiver. Commanditée par l’administration pour des contrôles aléatoires, une équipe d’inspecteurs lui rend visite. Méfiante, elle leur refuse l’entrée de son domicile. Résultat : 5 000 euros d’amende pour non-respect de l’ordonnance sur les contrôles aléatoires des autorités, assortie d’une injonction de faire réaliser des travaux d’isolation du plafond de l’étage supérieur sous peine d’une amende de 50 000 euros…
Cela paraît fou, mais cela existe déjà en Allemagne : et demain pourrait être décidé par l’Europe sans que la France puisse s’y opposer.
La règle de l’unanimité et la majorité qualifiée
La “construction européenne” est, selon ses termes mêmes, “sui generis”, c’est-à-dire sans aucune autre organisation comparable. Mettant en avant des prétendues valeurs démocratiques, cette organisation se caractérise au contraire par la confusion des pouvoirs aux mains de technocrates non élus (la Commission) et un Parlement dont on peine à comprendre l’utilité réelle, dans la mesure où il n’a pas l’initiative des lois et où des partis apparemment de sensibilité différente votent le plus souvent dans le même sens (PPE, socialistes, Verts, libéraux…). Le Conseil européen, composé des chefs d’États ou de gouvernement, détient la compétence décisionnaire, soumise à la règle de l’unanimité. Certains domaines sont soumis à la décision de la majorité qualifiée : aujourd’hui, ils concernent la politique agricole commune, certaines politiques économiques et financières, la politique de la concurrence, l’environnement et certaines politiques sociales. Le vote à la majorité qualifiée est un système de voix pondéré : chaque membre se voit attribuer un certain nombre de voix en fonction de sa population, avec, au minimum, trois voix pour les pays les moins peuplés. La majorité qualifiée représente au moins 55 % des voix des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’UE. De plus, la décision doit être soutenue par au moins quatorze pays. Ce système est supposé faciliter les décisions en évitant le blocage par le veto d’un pays.
Une réflexion à propos de l’avenir de l’Europe s’est tenue en 2022, présidée par le député européen belge Guy Verhofstadt, les propositions ayant été élaborées par des “panels de citoyens européens”, déposées sur la plateforme en ligne de la conférence.
Ces propositions ont été reprises dans un récent rapport présenté par Guy Verhofstadtet quatre autres députés, tous allemands, membres de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (PE).
La Commission transformée en gouvernement…
Les perspectives annoncées, outre l’extension des décisions à la majorité qualifiée dans de nombreux nouveaux domaines, verraient la transformation de la Commission en un gouvernement, dont le président serait élu et choisirait ses commissaires. Ainsi, des domaines relevant encore de la compétence exclusive des États membres seraient remontés au niveau de l’UE. On trouve dans le rapport “les menaces sanitaires transfrontalières, y compris la santé et les droits sexuels et génésiques, la protection civile, l’industrie et l’éducation”. Mais également qu’il “faudrait développer davantage les compétences partagées dans les domaines de l’énergie, des affaires étrangères, de la sécurité extérieure et de la défense, de la politique des frontières extérieures et des infrastructures transfrontières”. De plus, un nouveau cycle d’élargissement serait initié, sans droit de veto possible, avec de nouveaux candidats tels que la Macédoine du Nord, le Kosovo (que pourtant cinq pays — Espagne, Grèce, Roumanie, Slovaquie, Chypre — de l’UE n’ont pas reconnu en tant qu’État), ou encore la Moldavie, l’Albanie, la Géorgie et… l’Ukraine.
Le Parlement européen a récemment voté en faveur de ces propositions visant à modifier les traités pour étendre les décisions relevant de la majorité qualifiée au détriment de l’unanimité et pour conférer au Parlement un rôle accru et notamment un droit d’initiative législative, ce droit relevant actuellement de la seule Commission…
… et un Etat européen obsédé par le contrôle
Une telle modification des traités reviendrait à entériner la constitution d’un État européen, de nature fédérale dans les termes, mais plutôt jacobin, centralisé si l’on prend l’ensemble des compétences transférées. Un État autoritaire, sous une direction de fait, allemande, visant à tout contrôler en allant encore plus loin que la politique de censure récemment mise en place avec le Digital Service Act (DSA), initié par Thierry Breton, tout cela, bien évidemment, en mettant en avant de bons sentiments et des principes, maintenant habituels, d’inclusion, de développement durable, d’Etat de droit…
Il convient de noter que l’Assemblée nationale a voté une résolution validant ce processus. Le rapport a été présenté par le député Jean-Louis Bourlanges (Modem). Cette résolution a été votée par 123 votants, pour 118 suffrages exprimés dont 72 pour (Renaissance et le centre, deux socialistes présents), et 40 contre (essentiellement RN et LFI). Les députés LR présents se sont abstenus.
Même si le vote de cette résolution n’a qu’un caractère indicatif et symbolique, on peut s’étonner de la faible participation à ce vote (123 sur 577 députés…) et la facilité avec laquelle un tel bouleversement potentiel a été entériné, dans la plus grande discrétion.
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