COP21 : "on a des raisons d'être inquiet", dit Julliard (Greenpeace)
"Il reste encore pas mal de travail", a déclaré Laurent Fabius en présentant le nouveau projet d'accord à la COP 21, ce mercredi 9. Et ce n'est pas Bruno Julliard qui le contredira. Le directeur général de l'ONG Greenpeace France, interrogé par FranceSoir, se dit ainsi "inquiet" du peu d'avancée des négociations, alors que la conférence climat de Paris doit se clôturer dans deux jours, vendredi 11 à 18h.
"Ça va être compliqué mais il y a encore le temps", veut croire Jean-François Julliard qui dresse pourtant un bien sombre tableau. Entre manque de volonté des Etats et "court-termisme" des dirigeants, il redoute ainsi l'échec de cette COP21 et préfère en appeler à "ceux qui s'engagent dans la vraie vie".
> Que pensez-vous du nouveau projet d'accord présenté par Laurent Fabius ce mercredi après-midi?
"Pour l'instant on a des raisons d'être inquiet. Il y a encore dans cet accord-là le meilleur comme le pire, c'est-à-dire qu'il y a tellement d'options, de choix qui n'ont pas été tranchés, que tout reste possible.
"Un exemple concret: sur l'objectif de long terme de baisse des émissions de gaz à effet de serre, l'option la plus ambitieuse prévoit jusqu'à 95% de réduction d'ici 2050, ce qui est très ambitieux et permettrait de rester sous la barre des 2°C, voire 1,5°C (de hausse de la température mondiale entre l'ère pré-industrielle, au XIXe siècle, et 2100, NDLR). Mais il y a aussi l'option de diminuer ces émissions de 40% seulement, ce qui ne suffira pas".
> La COP21 se clôture vendredi 11, dans deux jours, pensez-vous que ce délai est suffisant pour arriver à conclure un accord ambitieux et juridiquement contraignant?
"Ça va être compliqué mais, oui, il y a encore le temps. Ce qui nous inquiète, c'est que nous n'avons pas le sentiment qu'il y a une vraie volonté de choisir l'option la plus ambitieuse. Si, à 24 heures de la clôture, on en est toujours à refuser de faire ces choix, à la fin on risque de garder le plus petit dénominateur commun, l'option la moins ambitieuse. Par exemple, sur les émissions de gaz à effet de serre, mon sentiment c'est qu'on a plus de chances de rester sur 40% que sur 95% de réduction, malheureusement".
> Quels sont les freins à un accord plus ambitieux?
"Je pense que c'est le court-termisme des responsables qui ne voient pas plus loin que la fin de leur mandat électoral. Ils prennent donc les décisions qui leur paraissent être le moins problématiques pour les deux, trois, quatre ou cinq prochaines années et pensent tout à l'aune de l'impact que cela peut avoir pour les entreprises ou l'économie dans leur pays. Il faut une vision à plus long terme car la question climatique ne se règle pas sur le temps d'un mandat électoral, ni même de deux".
> Visez-vous certains pays en particulier?
"Non. En tant qu'observateurs nous ne sommes pas associés à toutes les réunions de négociations et n'avons donc pas de lecture précise de ce que poussent ou freinent certains Etats. Mais on a le sentiment qu'il n'y a aucun pays qui se démarque, aucun qui monte au créneau pour taper du poing sur la table. On demande à tous les pays de se bouger et si l'accord est mauvais, ce sera la responsabilité de tous".
> Certains, comme l'Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), disent pourtant être venus à cette COP21 avec de grandes ambitions...
"Même les pays qui sont le plus concernés par le dérèglement climatique, alors que se joue leur survie pour certains, on ne les entend pas. (...) C'est ça qui est inquiétant: on a le sentiment que les Etats ne prennent pas la mesure que, si nous n'avons pas le bon texte dans 24 heures, on sera reparti pour une série de COP où on va nous dire +oui l'urgence climatique est là+, mais sans rien faire. On nous fait le coup depuis 20 ans. Cette COP21 risque d'être une fois de plus une conférence climat qui aura fait avancer deux ou trois questions mais n'aura pas pris les mesures à la hauteur des enjeux.
"Ça prouve que la solution ne viendra pas des COP. Elle viendra de tous ceux qui s'engagent dans la vraie vie, dans l'économie réelle. J'ai entendu et vu beaucoup d'entreprises ou de villes qui s'engagent sur la transition énergétique, par exemple. Ça, ça avance alors qu'on a l'impression que les négociateurs sont déconnectés de ce qui se passe dans le monde extérieur".
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