Gouverner l'Espagne, la mission quasi impossible de Sanchez ?
A la tête du gouvernement le plus minoritaire que l'Espagne ait jamais connu, le socialiste Pedro Sanchez va avoir beaucoup de mal à gouverner face aux pièges que devraient lui tendre la gauche radicale de Podemos, les indépendantistes catalans et les nationalistes basques.
- Plaire à Bruxelles et à Podemos, le grand écart -
Avec 84 députés, le PSOE de Pedro Sanchez est non seulement très loin de la majorité absolue (176 voix) mais est même "minoritaire dans la coalition" qui l'a appuyé pour faire tomber Mariano Rajoy, souligne le quotidien El Pais, selon lequel "gouverner (...) avec un appui si mince générera forcément de l'instabilité".
Résultat, de nombreux observateurs tablent sur des élections anticipées d'ici à environ un an.
Avec une majorité si fragile, Pedro Sanchez ne pourra faire voter que les mesures "lui permettant d'obtenir une majorité facile", comme la révision de la loi controversée sur la sécurité, appelée "loi baîllon" et qui encadre le droit de manifester, estime Fernando Vallespin, un politologue de l'Université autonome de Madrid.
Sa promesse de remplir les objectifs européens de réduction du déficit et de "mettre en oeuvre le budget 2018", mis au point par le gouvernement Rajoy, risque en particulier d'entrer en collision frontale avec la ligne voulue par Podemos, son principal allié, dont le chef Pablo Iglesias n'a cessé de marteler qu'il voulait une "politique sociale".
Ce dernier réclame d'ailleurs l'entrée au gouvernement de membres de son parti, né de la dénonciation de la dure politique d'austérité imposée par Mariano Rajoy après la crise.
Pour donner des gages à Podemos, Pedro Sanchez pourrait décider de faire marche arrière sur la réforme du marché du travail de son prédécesseur, accusée par la gauche d'avoir précarisé le marché du travail, pense M. Vallespin.
- Gérer Basques et Catalans -
C'est l'autre grand défi de M. Sanchez. Sa décision, critiquée par Podemos, de ne pas toucher au budget de l'Etat - que les socialistes avaient refusé de voter la semaine dernière - visait surtout à convaincre le Parti nationaliste basque (PNV) d'appuyer sa motion, ce texte accordant des largesses financières au Pays basque.
Mais même avec cette concession majeure, le chef de file du PNV à l'Assemblée, Aitor Esteban, a mis en garde Pedro Sanchez contre un "gouvernement faible et difficile" et jugé que "tout ça va se transformer en un bim bam boum permanent".
Aitor Esteban a en outre dit souhaiter que Pedro Sanchez maintienne sa "position vis-à-vis des nations basque et catalane".
Un dossier très sensible en termes d'image pour le nouveau chef du gouvernement que la droite accuse déjà d'avoir pactisé avec "les amis" de l'organisation séparatiste basque ETA, une allusion au soutien apporté à sa motion de censure par la gauche indépendantiste basque (EH Bildu).
Mais pour Joan Botella, un politologue de l'Université autonome de Barcelone, c'est "sûrement" sur la Catalogne que "va se concentrer l'attaque de l'opposition de droite" contre Pedro Sanchez qui a promis de "jeter des ponts pour dialoguer" avec le tout nouveau gouvernement régional de Quim Torra.
"Il faudra donc que le gouvernement Sanchez soit très prudent", même si sa prise de position "très dure" contre le mouvement indépendantiste ces derniers mois devrait le protéger de tout soupçon de complaisance, ajoute-t-il.
Les analystes interrogés par l'AFP envisagent néanmoins une certaine détente sur cette question. D'autant que "presque tout le dossier catalan est dans les mains des juges et non du gouvernement et que le mouvement indépendantiste s'affaiblit, miné par des divisions internes", souligne M. Botella.
- Campagne permanente -
Sans majorité parlementaire stable, le risque pour M. Sanchez est d'être perçu comme étant en campagne électorale permanente pour satisfaire ses alliés.
Mais "il devra faire très attention à ne pas perdre trop de voix au centre", estime Fernando Vallespin, pour qui son succès "dépendra beaucoup de sa capacité à ne pas tomber dans la radicalité que Podemos va tenter de lui imposer".
Pendant ce temps, peu de réformes d'envergure sont à attendre, disent les analystes. Federico Santi, d'Eurasiagroup, prévoit quant à lui un impact "légèrement négatif" sur la politique économique si la réduction du déficit public ralentit.
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