Italie : bras de fer entre les populistes et le président sur le ministre des Finances
Le bras de fer continuait samedi en Italie autour du nom du futur ministre des Finances, entre les populistes, vainqueurs des élections, qui soutiennent un économiste eurosceptique, et le président italien, qui se refuse à le nommer.
Trois jours après avoir été désigné à la tête du gouvernement italien par le président Sergio Mattarella, Giuseppe Conte, 53 ans, n'a toujours pas été en mesure de former le premier gouvernement populiste dans un pays fondateur de l'Union européenne.
"Nous y travaillons", s'est-il contenté de dire samedi matin, interpellé par des journalistes à la sortie de son domicile romain.
Mais ces retards ne sont pas au goût de ses soutiens politiques. "Je suis vraiment très en colère", a lancé vendredi soir sur Facebook Matteo Salvini, le patron de la Ligue (extrême droite), qui avec le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) a porté M. Conte à la présidence du Conseil.
Objet de cette colère: le refus du président Mattarella de nommer Paolo Savona, 81 ans et eurosceptique déclaré, à la tête du ministère des Finances. Le chef de l'Etat en Italie nomme le président du Conseil et les ministres sur proposition de ce dernier.
- "Pique-assiettes" -
Et, selon la presse italienne, il n'entend pas revenir sur cette prérogative en dépit de la colère de la Ligue pour deux raisons: ne pas isoler l'Italie en Europe et protéger la fonction présidentielle.
Déjà peu convaincu de l'autorité de M. Conte face aux poids-lourds politiques qui composeront son équipe, M. Mattarella, garant du respect des traités internationaux et élu par un Parlement alors dominé par le centre gauche, tient à ce que l'Italie respecte ses engagements européens.
Matteo Salvini, 45 ans, en pleine ascension politique après les législatives du 4 mars, n'entend pas non plus céder, fort de la majorité parlementaire dont il est un des dirigeants avec Luigi Di Maio, chef de file du M5S, après les législatives du 4 mars.
"Les journaux et les politiciens allemands nous insultent: Italiens mendiants, fainéants, adeptes de l'évasion fiscale, pique-assiettes et ingrats. Et nous, on devrait choisir un ministre de l'Economie qui les satisfait ? Non merci ! Les Italiens d'abord", a-t-il lancé samedi sur Twitter.
Et il a confirmé sa position samedi en fin d'après-midi, à l'issue d'une réunion avec les dirigeants de son parti. "La Ligue a déjà fait suffisamment de pas en arrière comme ça", a -t-il déclaré devant quelques journalistes, ajoutant qu'il donnerait la liste des ministres voulus par la Ligue samedi soir à M. Conte.
Matteo Salvini, en hausse dans les derniers sondages, persiste et signe, au point, selon la presse italienne, de "tout faire sauter" et de retourner devant les électeurs. Le risque sera alors, a-t-il d'ores et déjà averti, "d'aggraver la fracture entre les palais du pouvoir et le peuple".
Samedi, il a reçu le soutien de Steve Bannon, ancien conseiller du président américain Donald Trump, en visite à Rome.
"Salvini a raison. Savona a les idées très claires sur l'Europe, l'Allemagne et l'euro", a déclaré M. Bannon, interrogé par la chaîne de télévision SkyTG24. "Le monde entier a les yeux tournés vers l'Italie, il est temps de célébrer ce grand changement", a-t-il ajouté, se félicitant que le vote antisystème ait dépassé les 50% en Italie à l'occasion des législatives du 4 mars.
- 'Liker' -
Luigi Di Maio s'est quant à lui contenté de "liker" vendredi soir la colère de Matteo Salvini sur Facebook, conformément au mode de communication que les deux hommes ont imposé ces derniers temps.
Dans ce bras de fer, qui dure depuis jeudi, le président Mattarella se montre plutôt discret, mais il avait clairement dénoncé jeudi les "diktats" des partis politiques en rappelant ses prérogatives constitutionnelles.
L'impasse semble donc totale, et rien n'indique qu'une solution pourra être trouvée ce weekend.
M. Conte a en tout cas reçu le soutien du président français Emmanuel Macron dans ses efforts pour former le 65ème gouvernement italien depuis 1946. Les deux hommes ont eu samedi un entretien téléphonique au cours duquel ils ont promis de se rencontrer très vite.
Ce blocage politique persistant avait déjà rendu nerveux les marchés financiers vendredi: la Bourse de Milan a terminé une nouvelle fois en baisse, à -1,54%. Le spread, l'écart entre les taux d'emprunt à dix ans allemand et italien, a atteint dans l'après-midi 217 points, son plus haut depuis décembre 2013, avant de clôturer à 206 points.
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