L’Australie et la Chine apaisent leurs relations, Xi Jinping espère un “partenariat de confiance” et dénonce les fauteurs de troubles de la région Asie-Pacifique
MONDE - Une dizaine de jours après la visite de son ministre des Affaires étrangères à Washington pour apaiser ses relations avec les États-Unis, Pékin a reçu, lundi 6 novembre 2023, le Premier ministre australien, Anthony Albanese, pour normaliser ses rapports avec Canberra. C’est la première fois en sept ans qu’un dirigeant du continent océanien se rend en Chine, période durant laquelle les tensions commerciales et diplomatiques se sont accumulées. L'Australie, dont le principal partenaire économique est le géant chinois qui compte pour un quart de ses exportations, normalise ses relations avec Pékin quelques jours après la suspension des négociations d’un accord de libre-échange avec l’UE.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, Anthony Albanese, chef du Parti travailliste australien, a multiplié les efforts pour renouer les liens avec la Chine. Avant cette visite à Pékin où il a été accueilli par le président Xi Jinping, il avait déjà rencontré ce dernier en marge du sommet du G20 à Bali il y a un an. En décembre 2022, sa ministre des Affaires étrangères Penny Wong a également été reçue en Chine.
Avant cet apaisement, les relations entre les deux pays étaient très tendues. L’idylle économique qui a mené à la signature, en juin 2015, à un accord de libre-échange, s’est fanée à partir de 2017, lorsque Canberra a interdit à ses partis politiques de recevoir des financements étrangers, qui provenaient à 80 % de la Chine. Le divorce entre les deux partenaires commerciaux était consommé en 2018, lorsque l’Australie avait exclu les groupes privés chinois Huawei et ZTE de son réseau 5G.
Après AUKUS et le Covid, l'accalmie
En 2020, Les relations se sont encore envenimées. Canberra s’est alignée sur plusieurs pays, dont les États-Unis et des États membres de l’Union européenne, pour demander une enquête internationale sur les origines du Covid. La Chine voyait en outre le pacte de sécurité AUKUS d’un mauvais œil, estimant qu’il s’agissait d’une menace pour sa sécurité. Le pacte de coopération militaire tripartite, signé par l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni prévoyait de livrer des sous-marins à propulsion nucléaire à Canberra, avec pour objectif de minimiser l’influence chinoise en Asie-Pacifique.
En réponse aux décisions du gouvernement australien, Pékin a imposé des droits de douane à l’exportation élevés sur les produits clés de l’Australie, comme l’orge, le bœuf et le vin. Premier partenaire commercial de Canberra depuis 2007, la Chine a par la même occasion stoppé ses achats de matières premières comme le charbon, source de plusieurs milliards de dollars de revenus pour l’Australie.
Ces restrictions ont graduellement été levées à partir de mai 2022, après l’élection du travailliste Anthony Albanese, qui a salué, lors de sa rencontre lundi 6 novembre 2023 avec Xi Jinping, l’évolution “incontestablement très positive” des relations bilatérales. "Les échanges commerciaux sont plus libres et cela bénéficie à nos deux pays", a-t-il déclaré, relayé par la télévision publique australienne ABC.
Le Premier ministre australien, qui a évoqué des “signes prometteurs”, a expliqué avoir constaté “qu’un certain nombre d’obstacles au commerce entre nos deux pays ont été levés et que les échanges ont augmenté de manière substantielle”.
De son côté, le dirigeant chinois a fait part de son optimisme, estimant que les deux pays pouvaient devenir des “partenaires de confiance”. Il a rappelé que la Chine et l'Australie “n'ont pas de griefs historiques ou de contentieux ni de conflits d'intérêts fondamentaux et peuvent réussir ensemble". Pékin espère développer “pleinement” le potentiel de libre-échange de l’accord de 2015 et “entreprendre une coopération dans de nouveaux domaines”. Xi Jinping a en outre tancé ceux qui “s'efforcent de causer des troubles dans la région Asie-Pacifique”. “Nous devons tout d'abord rester vigilants, et ensuite les combattre”, poursuit-il.
A défaut d’un accord avec l’UE, Canberra se (re)tourne vers Pékin
Cette visite survient un mois à peine après la libération de la journaliste australienne Cheng Lei, qui travaillait pour la chaîne d’Etat chinoise anglophone CGTN et qui était détenue depuis plus de trois ans pour divulgation de secrets d'État à l'étranger. La journaliste avait critiqué sur Facebook Xi Jinping et la gestion chinoise de la pandémie de coronavirus.
L'Australie a de son côté décidé de ne pas résilier le contrat de bail de 99 ans du port de Darwin, dont bénéficie la société chinoise Landbridge depuis 2015.
Malgré cet apaisement des tensions et la visite d’Anthony Albanese, la première d’un dirigeant australien depuis sept ans, Pékin et Canberra restent opposés sur de nombreuses questions, notamment géopolitiques. Interrogé à ce propos, Albanese a déclaré que son pays doit “coopérer avec la Chine quand il le peut et être en désaccord avec elle quand c’est nécessaire”. Rien qu’en juillet dernier, les États-Unis ont annoncé l’octroi à l’Australie de licences pour la fabrication de missiles et de systèmes de fusées à lancements multiples guidés, devant servir à faire face à la puissance militaire chinoise. Anthony Albanese expliquait durant l’été que les deux grandes puissances avaient besoin de “garde-fous” pour éviter les conflits.
L’Australie peut, à nouveau, miser sur son accord de libre-échange avec la Chine pour exporter ses principaux produits, après l’échec des négociations avec l’UE, portant sur un traité similaire, malgré cinq années de discussions. La semaine dernière, le ministre australien de l'Agriculture, Murray Watt, a expliqué que l’Union européenne n’a pas fait évoluer sa position depuis le dernier cycle de négociations qui s’est déroulé en mai 2023 lors du G7 au Japon. L’Australie exigeait l’ouverture du marché européen à son sucre et à sa viande de bœuf.
Tout en “maintenant le dialogue” avec Washington, Pékin renoue avec les alliés de l’Oncle Sam dans l’Océanie. Avant la visite d’Anthony Albanese, la Chine avait accueilli en juin 2023 le Premier ministre néo-zélandais, Chris Hipkins, successeur de la Young Global Leader Jacinda Ardern. Celui-ci avait refusé de s’aligner sur le président américain Joe Biden, qui a qualifié son homologue chinois de dictateur.
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