La 52ème brigade de la mobilisation populaire chiite, milice turkmène pro-iranienne en Irak
La 52ème brigade turkmène de la mobilisation populaire illustre les choix faits par certains Turkmènes chiites irakiens. La brigade, créée en juillet 2016, recrute majoritairement à Amerli, zone de peuplement turkmène chiite, dont le siège par l'Etat islamique en 2014 avait attiré comme un aimant les milices chiites pro-iraniennes, soucieuses de se présenter en rempart contre les terroristes sunnites menaçant d'exterminer des coreligionnaires. Plus intéressant encore, cette 52ème brigade est en réalité, dans le secteur, le bras armé du Badr, milice pro-iranienne sans doute la plus importante numériquement en Irak. L'unité assure essentiellement des tâches de sécurité locales mais a été mobilisée en octobre 2016 pour défendre Kirkouk attaquée par un commando d'inghimasiyyi de l'EI juste après le lancement de l'offensive contre Mossoul.
La zone d'activité de la 52e brigade de la mobilisation en Irak. En noir: l'Etat islamique; En jaune: les Kurdes irakiens; En rose: le gouvernement irakien.
A partir d'avril 2017, la 52ème brigade a un régiment dans la ville de Tikrit; en mai-juin, elle étend son champ d'opérations vers le sud et la province de Diyala. La fin de la bataille de Mossoul la laisse en première ligne, parmi d'autres, contre Daech et sa poche de Hawija, poumon désormais de l'EI en Irak, dans les monts Hamrin, où la 52ème brigade tient une partie du front.
Cette dernière est constituée le 15 juillet 2016. C'est une des brigades turkmènes de la mobilisation populaire chiite, après la 16ème qui l'a précédée, et la 92ème brigade. Les Turkmènes irakiens, partagés entre chiites et sunnites (40%-60%) sur une population estimée entre 500.000 et 3.000.000 d'individus, ont réclamé une province autonome autour de la ville de Tal Afar, pour l'instant aux mains de l'Etat islamique à l'ouest de Mossoul. De fait, la communauté est très divisée sur des lignes à la fois sectaires et politiques. Certains Turkmènes sunnites du nord de l'Irak se sont réfugiés dans la zone contrôlée par la Turquie et ses alliés rebelles en Syrie, au nord et à l'est d'Alep. Mais tous sont loin d'être favorables à la présence de la Turquie dans le nord de l'Irak. De nombreux Turkmènes chiites ont quant à eux rejoint la mobilisation populaire (Hashd al-Chaabi). Ils se sont affrontés à la fois à l'EI mais aussi aux Kurdes irakiens, notamment, à Tuz Khuzmato, zone de peuplement mixte au sud de Kirkouk.
Tilmaz Najjar, qui annonce la création de la 52ème brigade à Tuz Khuzmato, explique qu'elle est formée pour assurer la sécurité de la localité contre l'EI. Najjar dit aussi que les Turkmènes chiites cherchent déjà à constituer une troisième brigade pour la mobilisation populaire. Le 15 septembre 2016, l'armée irakienne charge la 52ème brigade de la réfection d'un pont stratégique permettant de gagner le nord de Bagdad. Le 21 octobre, elle est mobilisée (à hauteur d’un millier d'hommes) pour rejoindre Kirkouk après l'attaque que les djihadistes ont lancé sur la ville suite au déclenchement de l'offensive sur Mossoul quatre jours plus tôt.
La 52ème brigade semble recruter à Amerli, localité peuplée de Turkmènes chiites. Elle est commandée par Mehdi Taqi Al Amerli. En janvier 2017, le 4ème régiment de la brigade est dans les monts Hamrin. Le 1er janvier, Hadi al-Ameri, le chef du Badr, organisation pro-iranienne à laquelle est manifestement liée la brigade, rencontre Mehdi Taqi Al Amerli. Le 4 janvier, le chef de l'unité rencontre le chef local de Saraya al-Khorasani. Le 14 janvier, le 4ème régiment de la brigade abat un drone de l'EI de type X7 Skywalker. Le 26 janvier, un communiqué annonce une opération conjointe avec Saraya al-Khorasani dans les monts Hamrin.
Mehdi Taqi al Amerli, le chef de la 52ème brigade (à gauche) est photographié ici en compagnie de Hadi al-Ameri, le chef du Badr (à droite). La 52ème brigade de la mobilisation populaire fait partie du Badr.
En février 2017, la 52ème brigade combat dans les montagnes Hamrin. Une publication du 4 février vante les combattants âgés de la brigade qui restent encore sous les armes. Le 7 février, un communiqué annonce que le 7ème régiment de l'unité a reçu un entraînement poussé, notamment aux combats de rue. Le chef du Badr, Hadi al-Ameri, visite le commandement du groupe armé. Le 10 février, la branche média remercie des membres de la brigade pour l'entretien de leur véhicule. Le 12 février, Mehdi Taqi Al Amerli rencontre les chefs de tribus de la province de Salahuddine pour faire le point sur la sécurité. Des photos du 17 février montrent les armes prises à l'EI dans les monts Hamrin: outre de nombreux RPG-7 avec munitions et plusieurs mortiers, on remarque que trois technicals de la 52ème brigade dont deux portent les emblèmes du Badr sur la portière conducteur.
En mars 2017, la 52ème brigade a un détachement qui combat dans les monts Hamrin. Le 3 mars, Mehdi Taqi Al Amerli met lui-même la main à la pâte à bord d'une pelleteuse pour une opération de terrassement, devant la caméra. Le 4 mars, des photos montrent des miliciens de l'unité opérant avec le 1er bataillon commando de la brigade de commandos de l'armée. Ce même jour, un autre reportage photo montre le 7ème régiment (Résistance d'Amerli; sans doute une subdivision de la brigade) à l'entraînement. Il est question dans un autre reportage du 9ème régiment de "forces spéciales". Un communiqué du 6 mars avec des photos montrant les miliciens turkmènes traînant un corps de combattant de l'EI mentionne le 3ème bataillon d'un régiment, sans doute une subdivision de la brigade.
Un Ford F350 de la police fédérale utilisé par les miliciens de la 52ème brigade. La mitrailleuse à l'arrière est une M2HB de 12,7 mm.
Le 10 mars, Mehdi Taqi Al Amerli est avec le commandant de la 3ème brigade du Badr, "Les lions d'Amerli". Le 23 mars, la 52ème brigade combat l'Etat islamique qui a infiltré un village du secteur d'Amerli, en compagnie de la milice Saraya al-Khorasani. Le 24 mars, le chef de la brigade explique que l'EI se réinstalle dans le secteur de la brigade en réinfiltrant des combattants parmi les réfugiés (90 selon lui pour sa zone de responsabilités). Le 29 mars, la 52ème brigade installe une tranchée dans un des villages du secteur d'Amerli attaqué récemment par les djihadistes.
En avril 2017, la 52ème brigade opère à la frontière des provinces de Salahuddine et de Diyala, autour d'Amerli. Elle stationne également à proximité de Tikrit pour en assurer la sécurité, alors que l'EI réinfiltre le secteur. Son commandant revendique la mort de 150 combattants de l'EI en trois mois. Le 23 avril, un reportage photo confirme que la 52ème brigade dispose d'unités de reconnaissance mettant en œuvre des drones (quadcopters de type Phantom 4). Le 28 avril, une photo montre les combattants du 7ème régiment de la brigade. Le 18 mai, la 52ème brigade repousse une attaque de l'EI au nord-ouest d'Amerli.
En juin 2017, la 52ème brigade opère à la fois sur la route Bagdad-Tikrit et sur la route Tikrit-Kirkouk, mais aussi à la frontière de la province de Diyala. La brigade déploie des miliciens autour d'Amerli et en lisière de la province de Diyala. Un reportage photo du 16 juin montre l'entraînement de miliciens du 8ème régiment de la brigade. Le 22 juin, une dépêche du Badr raconte comment la 52ème brigade a saisi deux camions chargés de médicaments périmés dans le secteur de Tuz Khuzmato. La 52ème brigade a envoyé son 3ème régiment (commandos) près du barrage de Hamrin. Le 24 juin, un article du Badr signale que la 52ème brigade a arrêté à Tikrit un cadre de l'EI déguisé en femme (quartier de Qadisiyah). Le régiment de renseignement de l'unité serait stationné en périphérie de la ville.
Combattants de la 52ème brigade à l'entraînement.
Le 17 juillet, le commandant d'une subdivision du 7ème régiment, Abou Ali, blessé, est hospitalisé dans un hôpital de Kerbala. Le 28 juillet, Medhi Taqi Al Amerli rencontre Ameri, le chef du Badr. Le 30 juillet, il déclare vouloir renforcer les défenses de son secteur devant les attaques de l'EI, notamment avec des véhicules kamikazes. La 52ème brigade du Hashd al-Chaabi dispose d’une page Facebook, régulièrement alimentée; celle de sa branche média l’est un peu moins. Mehdi Taqi, le chef de la formation, a également un profil public sur Facebook, assez fourni.
L'emblème de l'unité reprend le bras dressé et le fusil d'assaut AK des Pasdarans (ce qui marque bien le lien avec l'Iran, via le Badr); on lit "Premier Ministre, l'Autorité da la mobilisation populaire" et "Média de guerre" en bas sous l'inscription "Brigade 52"
Emblème de la 52ème brigade de la mobilisation populaire chiite.
La 52ème brigade turkmène semble étroitement liée à la branche locale du Badr à Amerli (dont la page Facebook est indiquée en lien sur la page de l’unité). Le drapeau du Badr est dans le bureau du commandant de la 52ème brigade. Un reportage photo du 16 février dans les monts Hamrin montre les combattants de la 52ème brigade avec le même drapeau. Une vidéo du 19 février montre un combattant de la 52ème brigade avec un drapeau du Badr qu'il porte dans le dos. Le 29 mai 2017, la page Facebook de la 52ème brigade rend hommage à un combattant de la 21ème brigade du Badr, Jawad Kazem, mort au combat.
La 52ème brigade honore ses morts par des affiches: un le 14 janvier 2017, deux le 30 janvier 2017, un pour le 1er mars 2017, et quatre rien que pour le 2 mars 2017, par exemple. Le 26 juillet, cinq miliciens sont tués par l'explosion d'une voiture piégée.
Le 6 septembre 2016, on peut voir une photo de Qassem Soleimani, le chef de la force al-Qods des Pasdarans. Le 11 janvier, la branche média est en compagnie d'Abou Mahdi al-Muhandis. Le 27 janvier, un poster montre Khomeiny (ancien guide suprême iranien), Ameri et le chef de la 52ème brigade mis côte-à-côte. Le 30 janvier, on trouve sur la page du Badr d'Amerli la biographie du nouveau ministre de l'Intérieur, qui vient de l'organisaion. Un poster du 11 février montre le commandant de la brigade aux côtés d'Ali al-Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite irakienne. Un poster du 19 février montre Mohammad Mohammad Sadeq al-Sadr, le père de Moqtada al-Sadr, assassiné en 1999 par Saddam Hussein. Le 27 février, le commandant de la brigade apparaît sur un poster aux côtés d'Ameri. Le 28 février, un poster de la page du Badr d'Amerli montre et fait l'éloge de Khameney (actuel guide suprême iranien). Mehdi Taqi partage souvent des vidéos d'archives de l'organisation Badr publiées sur les pages Facebook de son héritier actuel. Le 11 juillet, la page Facebook de la brigade diffuse un portrait d'Ali al-Sistani.
Les miliciens turkmènes sont majoritairement équipés de fusils d'assaut AK. Les tireurs d'élite disposent de SVD Dragunov. Un reportage photo du 14 janvier 2017 montre que la 52ème brigade a au moins un fusil anti-matériel iranien AM 50 (12,7 mm).
Miliciens du régiment de forces spéciales de la 52ème brigade. Sur le devant de la moto on remarque l'emblème de la branche militaire du Badr, organisation dont fait partie la 52ème brigade.
Une vidéo du 25 janvier sur la ligne de front des monts Hamrin montre deux pick-up de la police fédérale avec KPV (et drapeau du Badr), un pick-up avec LRM Type 63. Un des fantassins qui parle devant la caméra porte l’emblème militaire du Badr sur la poitrine.
Une vidéo du 31 janvier montre une colonne de la brigade: technical avec DSHK protégé par un bouclier embarquant un tireur PK, technical avec ZU-23 monotube, Land Cruiser avec DSHK, Land Cruiser avec ZU-23 dans une tourelle. On voit ensuite Mehdi Taqi tirer au mortier moyen (82 mm).
Une vidéo du 21 février montre le camion avec canon sans recul M40 (copie iranienne) de 106 mm, qui ouvre le feu à deux reprises.Un cliché du 24 février montre le commandant de la 52ème brigade pilotant un Safir iranien avec canon sans recul M40 de 106 mm (qui porte sur le capot le drapeau du Badr).Le 8 mars, on peut voir en photo un Land Cruiser avec ZU-23 monotube.
Ce véhicule filmé pendant la parade de la journée al-Qods (23 juin 2017) à Amerli, armé d'une mitrailleuse Type 77/85 protégée par un bouclier, porte le drapeau du Badr à l'avant et l'emblème de la 52ème brigade sur la portière conducteur.
Un reportage photo du 10 mars 2017 montre que la 52ème brigade dispose d'un camion avec canon sans recul M40 (copie iranienne sans doute) de 106 mm, d'un technical avec KPV, d'un Humvee avec KPV et canon sans recul SPG-9 en tourelle, d'un véhicule de la police fédérale avec ZPU-2, d'un mortier moyen. Une vidéo du 10 mars montre les mêmes matériels. On revoit un véhicule avec ZU-23 en tourelle. Les miliciens tirent aussi avec un mortier de 82 mm.
Dans un reportage photo du 11 juin, on peut voir un Land Cruiser équipé de huit lance-roquettes Grad protégé par une superstructure supérieure.Une photo du 1er juillet (prise le 23 juin) montre une colonne avec un Safir portant un LRM Type 63, un Land Cruiser avec 8 lance-roquettes Grad, un pick-up avec cabine arrière embarquant un ZU-23.
Le 23 juin a lieu le défilé pour la journée al-Qods (Jérusalem). Le défilé de la 52ème brigade comprend un Land Cruiser avec le portrait d'al-Sistani; un Humvee aux couleurs de la police fédérale armé d'une DSHK protégée par un bouclier en tourelle; d'un autreHumvee avec la même arme embarquée appartenant probablement à la branche média du Hashd; idem pour un Humvee avec un KPV cette fois en tourelle.
On voit dans la ville une pancarte où figure Moqtada al-Sadr et son père, ainsi que des "martyrs" des milices chiites probablement; un Land Cruiser avec KPV protégé par un bouclier; un pick-up de la branche média du Hashd avec canon sans recul de 106; un pick-up avec mitrailleuse Type 77/85 protégée par un bouclier; un technical de la 52ème brigade avec la même configuration; un pick-up de la police fédérale avec une mitrailleuse DSHK protégée par un bouclier; un autre avec un KPV protégé par un bouclier; un Land Cruiser avec canon ZU-23 monotube à l'arrière; un Safir avec LRM Type 63; un pick-up avec mortier moyen à l'arrière; un pick-up avec cabine arrière portant un ZU-23; un pick-up avec 8 lance-roquettes type Grad; un camion Leyland avec canon sans recul de 106 sur la plate-forme arrière; un camion Scania avec trois mortiers sur la remorque; un Ford F350 avec ZU-23; un autre Ford F350 avec cabine arrière, tourelle embarquant une DSHK protégée par un bouclier et blindage SLAT; un F350 avec ZPU-2 à l'arrière; un camion avec un canon bitube; un pick-up avec ZPU-2; un autre avec une DSHK; un Hilux avec une mitrailleuse Type 77/85 protégé par un bouclier.
Un reportage photo du 10 juillet nous montre que la 52ème brigade dispose, en plus du Humvee armé d'un KPV et d'un SPG-9, d'un technical avec ZPU-4. Le Humvee porte le drapeau du Badr.
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