Soutien à Bachar al-Assad : la milice chiite irakienne Saraya Ansar al-Aqeeda favorable à l'envoi de troupes en Syrie
Depuis 2012, de nombreux miliciens chiites irakiens, souvent pro-iraniens, sont partis se battre en Syrie auprès du régime Assad. Souvent, ces combattants étrangers sont regroupés dans des formations "paravents" qui permettent à des milices chiites irakiennes de ne pas s'impliquer directement en Syrie. C'est le cas d'Harakat Hezbollah al-Nujaba, qui prendra ensuite son autonomie par rapport aux milices qui l'avaient constituée. Il est aussi arrivé que des miliciens chiites irakiens partis se battre en Syrie forment, en juin 2014, une milice en Irak, après la percée de ce qui devient l'Etat Islamique dans ce pays et l'appel à la mobilisation populaire chiite lancé par Ali al-Sistani. C'est le cas de Sayara Ansar al-Aqeeda (SAA) qui nous intéresse aujourd'hui.
Cette milice est fondée par un noyau de vétérans du combat en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Un de ses cadres, Saleh Alboukhata, y est parti dès 2012. En septembre 2012, 30 hommes de ce qui deviendra Sayara Ansar al-Aqeeda combattant près du sanctuaire chiite de Sayyida Zaynab, à Damas, contre les rebelles syriens. Le premier "martyr" de la future SAA en Syrie, mort en 2014, se nomme Jafar Al Musawi. La milice est créée officiellement en juin 2014. Elle est dirigée par le sheikh Jalal al-Din al-Saghir qui est lié au Conseil Suprême Islamique Irakien (CSII). Le CSII, sous un autre nom, a été formé, au départ, pendant la guerre Iran-Irak, par des chiites irakiens exilés en Iran. Il se dote en 1982 d'une branche militaire, le corps Badr. Les exilés du de ce Conseil Suprême reviennent en Irak en 2003, après la chute de Saddam Hussein ; en 2007 l'organisation change de nom pour devenir le CSII et ainsi prendre ses distances à l'égard de l'Iran. Dès lors, il adopte une ligne plus nationaliste et suit l'enseignement religieux de l'Irakien Ali al-Sistani. En 2012, une partie du groupe, sous l'autorité d'Hadi al-Amiri, fait scission et fonde l'organisation Badr, beaucoup plus alignée sur l'Iran, avec des vétérans du corps Badr. Ammar al-Hakim, qui dirige le Conseil Suprême Islamique Irakien depuis 2009 après la mort de son père, tente alors de développer une ligne plus nationaliste pour la classe moyenne chiite.
SAA (qui compterait actuellement de 1.500 à 3.000 hommes) est proche de Sayara Ashura, autre milice du CSII créée par Ammar al-Hakim (qui alignerait 3 à 5.000 hommes). Ces milices reçoivent de l'armement iranien, mais le Conseil Suprême Islamique Irakien n'a jamais fait l'éloge de l'autorité religieuse iranienne ni plaidé en faveur de l'envoi de combattants chiites en Syrie. Al-Hakim avait commencé par légitimer la mobilisation populaire chiite contre l'Etat islamique (EI), avant de la critiquer dès le printemps 2015. Sayara Ansar al-Aqeeda, quant à elle, reconnaît l'autorité religieuse d'Ali al-Sistani en Irak. Cependant, son chef, qui dirige la mosquée Buratha à Bagdad, n'a jamais caché ses sympathies pour l'Iran, ni un discours sectaire assez dur (appelant Falloujah "ville maudite" après sa libération en 2016) et même en faveur de l'intervention de combattants chiites irakiens en Syrie aux côtés du régime Assad. Il a été mis sur la touche par le CSII depuis 2013 mais a développé son propre appareil et sa propre milice à l'intérieur de l'organisation politique.
SAA regroupe au moins deux brigades: les 2ème et 66ème. On l'a vu sur nombre de fronts en Irak depuis 2014: Jurf al Sakhr en 2014, Tikrit, les monts Hamrin et Baiji en 2015... En juillet 2016, les combattants de SAA montent au front à Shirqat, sur la route de Mossoul, contre l'EI. Le 7 septembre 2016, Saghir, son chef, reçoit la visite à Bagdad de Qassem Soleimani, le chef de la force al-Qods des Pasdarans. Certains indices sur les profils Facebook de combattants de la milice laissent à penser qu'une partie de ses effectifs est formée par les Iraniens, peut-être dans le cadre de la mobilisation populaire désormais intégrée aux forces de sécurité irakiennes. La milice chiite est engagée avec les autres milices chiites de la mobilisation populaire dans la bataille de Mossoul, poussant à l'ouest/sud-ouest de la ville en direction de Tal Afar, à partir du 29 octobre. Le 31 octobre, la milice chiite investit le village de Zarkah. Le 3 novembre, Sayara Ansar al-Aqeeda, de concert avec l'organisation Badr, pousse dans le secteur de Tal Zalat. Le 6 novembre, un reportage la montre en action, avec d'autres milices chiites de la mobilisation populaire, au sud-ouest de Mossoul. Une vidéo du 9 novembre montre les miliciens abattant un drone de Daech qui survole leurs positions. Au sein de Sayara Ansar al-Aqeeda, il semblerait qu'une 28ème brigade fasse partie du corps expéditionnaire qui intervient à l'ouest de Mossoul.
Le drapeau de SAA est instructif: en-dessous d'un AKMS/47S chinois, on distingue un dôme doré qui est peut-être celui du tombeau de l'imam Hussein à Kerbala ou d'Ali à Nadjaf, et qui contient le nom de la milice. En haut à droite, dans l'écharpe verte, on peut lire "ô celui (Mahomet) qui s'est levé". En bas est inscrit un verset (39) de la sourate Hajj, qui semble renvoyer à la fatwa d'Ali al-Sistani de juin 2014 pour lancer la mobilisation populaire parmi les chiites ("Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) - parce que vraiment ils sont lésés; et Allah est certes Capable de les secourir").
Sayara Ansar al-Aqeeda est très présente en ligne, sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Elle gère notamment une page principale suivie par plus de 220 000 personnes. Certaines subdivisions de ce groupe de milicens, comme la 66ème brigade, ont aussi leur propre page Facebook, mais qui ne sont plus entretenues régulièrement. La milice célèbre ses "martyrs" avec des posters de propagande.
SAA proteste violemment, aussi, contre la diffusion par l'Etat islamique d'image d'un de des véhicules capturés (un Humvee surblindé équipé d'un canon sans recul) et de plusieurs de ses morts, le 27 novembre 2016. La milice utilise également des nasheeds (poèmes chantés) dans ses montages vidéos, comme celui de Hussain Al Zubaidi, "Hashd 40". L'emblème de SAA est également souvent mis en avant, sur les photos de véhicules, ou de patchs de manches. Les bureaux de la milice dans les grandes villes du sud de l'Irak ont également leurs pages Facebook. Celle de Nadjaf montre, le 6 novembre, l'installation de panneaux représentant les "martyrs" de la milice sur les grandes artères à l'entrée de la ville. Certains "martyrs" ne sont signalés que sur ces pages locales : ainsi Fahad Hammoud Ayachi, tué le 28 octobre à Mossoul. Le bureau de Nadjaf reçoit aussi la visite d'un responsable d'une autre milice chiite pro-iranienne, al-Nujaba, le 20 octobre. La page du bureau de Nasiriyah, elle, montre une visite aux blessés des opérations à Mossoul le 14 novembre des responsables locaux, ainsi qu'à deux familles de "martyrs". La page du bureau de Bassorah montre des défilés d'enfants portant les portraits des "martyrs".
Depuis sa création, SAA est réputée pour ses ateliers de fabrication de véhicules blindés artisanaux. La milice a ainsi fabriqué, à partir d'un M577, un véhicule embarquant une pièce bitube de 23 mm dans une tourelle supérieure, le M577 étant protégé par du blindage SLAT. Des Humvees armés de différentes mitrailleuses en tourelle ont reçu des plaques de blindage additionnelles sur l'avant et sur les côtés. La milice fabrique aussi des blindages improvisés pour de simples 4x4, également munis d'une tourelle avec mitrailleuse. Elle construit aussi des bulldozers blindés, qui portent même le nom des "martyrs" tués au combat. Ses véhicules portent souvent une reproduction de Zulfiqar, l'épée à deux pointes d'Ali, cousin de Mahomet et 4ème de ses successeurs, que le prophète lui avait donné lors de la bataille d' Uhud (625).
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