Le tramway entre Strasbourg et Kehl, un symbole d'unité pour la France et l'Allemagne
La liberté de circulation en Europe a de nouveau franchi un pas! Ou plutôt un fleuve: le Rhin. La première ligne de tramway franco-allemande a en effet été inaugurée en avril dernier. La ligne D du réseau de transports strasbourgeois traverse dorénavant le Rhin pour se rendre à la gare centrale de Kehl. Il aura fallu trois ans de travaux et la construction d’un nouveau pont pour arriver à concrétiser ce projet de rapprochement transfrontalier.
Durant ces trois années, la liberté de circulation a été de nombreuses fois remise en cause et critiquée dû à la menace terroriste pesant sur le territoire national et plus largement en Europe. La crise des réfugiés a également provoqué des questionnements et plusieurs pays, face à cet afflux, ont rétabli pendant un temps les contrôles d’identité aux frontières. La Hongrie, elle, s’est notamment distinguée par la construction d’un mur anti-migrant. Un contexte qui a marqué la campagne présidentielle française puisque le durcissement des frontières y a été abordé de manière récurrente.
Mais c’est en particulier la campagne présidentielle américaine qui semble avoir inspiré au maire de Strasbourg, Roland Ries, le commentaire suivant lors d’un entretien à l’AFP: "pour moi, l'extension du tram vers l'Allemagne a une signification symbolique forte. Quand certains veulent construire des murs, nous, avec les Allemands, nous construisons ensemble un pont".
Une symbolique effectivement forte puisque, si des tramways ont déjà pu traverser le Rhin, à l’époque Strasbourg était allemande. Une ligne de tramway avait été ainsi créée entre Kehl et Strasbourg en 1896 avant d’être supprimée après la Première Guerre mondiale. L’Alsace est redevenue française, et le Rhin une frontière. Pourtant, il n’est pas facile de changer ses habitudes du jour au lendemain et les habitants de Strasbourg ont continué d’échanger commercialement avec ceux de Kehl et à se rendre de l’autre côté du fleuve. Toutefois, le tramway s’arrêtait dorénavant à la frontière au milieu du pont et, après avoir été contrôlé par la douane, chacun effectuait les derniers mètres à pieds. Le tramway fut ensuite temporairement remis en fonction pendant la Seconde Guerre mondiale de 1942 à 1944. Mais, à cette date, l’armée allemande, en se repliant, fit sauter les ponts existants entre Strasbourg et Kehl.
De multiples ponts flottants et provisoires seront ensuite mis en place à partir de 1945 avant qu’un définitif soit finalement érigé et inauguré en 1960: le Pont de l’Europe. Selon La Croix, ce sont 40.000 véhicules de travailleurs ou consommateurs transfrontaliers qui franchissent chaque jour le Rhin, engendrant des embouteillages réguliers. Parmi ces véhicules, un bus assurait jusqu’à l’arrivée du tramway la liaison entre les deux villes transfrontalières. Souvent surchargé, il transportait en moyenne 3.500 voyageurs par jour en semaine et jusqu’à 5.000 le samedi.
L’arrivée d’un tramway transfrontalier était donc devenue une nécessité: avec un potentiel de 11.500 à 25.000 passagers par jour, le tramway de la ligne D est en effet à même de soulager les autres voies de circulation. Il intervient également dans un projet plus global de développement du quartier transfrontalier, la "Métropole des Deux Rives". Il s’agit d’aménager les anciennes zones douanières et les anciens bassins industriels situés aux deux abords de la frontière dont les terrains ont depuis été délaissés. En 2004, une première étape a été franchie avec la création du Jardin des Deux Rives, parc franco-allemand doté d’une passerelle piétonne faisant le pont entre les deux pays.
Des réserves demeurent toutefois et certains craignent que l’Allemagne, avec son faible taux de chômage et ses tarifs plus avantageux, ne soit la grande bénéficiaire de ce projet. Le maire de Strasbourg concède: "nous avons un taux de chômage de 10%. De l'autre côté du Rhin, il est à 3,5%. Mais ce n'est pas facile. L'Allemagne (…) ne fonctionne pas comme nous, n'a pas les mêmes modes de vie ni les mêmes manières de travailler. Il va falloir essayer de dépasser tout cela". La campagne de communication menée à Kehl pour annoncer l’arrivée du tram insistait également sur les atouts et les attraits de Strasbourg, ville davantage touristique. Une campagne récompensée par ce témoignage d’une Allemande à France Bleu lors de l’inauguration du Tram: "j’irais (à Strasbourg) bien plus souvent désormais".
(Avec la contribution du Centre d’Information Europe Direct de la Maison de l’Europe de Paris)
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