Les Brics passent officiellement à 10 membres, après la rétractation de l’Argentine
MONDE - C’est officiel : depuis le 1er janvier 2024, le groupe des Brics, constitué initialement de cinq puissances “émergentes”, compte désormais 10 membres. En août 2023, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (BRICS) ont annoncé l'adhésion de six nouveaux membres : Iran, l'Argentine, Égypte, Éthiopie, Arabie saoudite et Emirats arabes unis. Dans une lettre adressée aux dirigeants des 5 pays fondateurs, le nouveau président argentin, Javier Milei, a annoncé que Buenos Aires ne rejoindra finalement pas cette alliance. Le moment n’est pas “opportun”, a-t-il expliqué, lui qui a ouvertement critiqué les membres des Brics durant sa campagne électorale et proclamé son alignement total sur “les nations libres de l’Occident”. Un manque à gagner pour les Brics qui peuvent tout de même compter sur les cinq nouveaux adhérents pour représenter, désormais, et favoriser un "ordre mondial multipolaire”.
Si l'acronyme "BRIC" (pour Brésil, Russie, Inde et Chine) est apparu en 2001, cette alliance politique et économique ne s’est formée qu'en 2009, au lendemain de la crise financière. L’Afrique du Sud, l’hôte du dernier sommet en août, n’a rejoint le bloc qu’en 2011, alors renommé Brics. Cette alliance entend constituer une alternative à l’hégémonie occidentale sur le plan géopolitique, économique et même financier en prônant une monnaie commune.
L’Argentine de Milei out
Lors du dernier sommet de Johannesburg, durant lequel plusieurs sujets comme la dédollarisation et le multilatéralisme ont été abordés, les Brics se sont mis d’accord pour intégrer de nouveaux pays dans l’alliance. La Chine et la Russie avaient ouvertement plaidé pour cette expansion dans le but de favoriser un "ordre mondial multipolaire" et "multilatéral". Sur une quarantaine de candidatures, six ont été retenues : Iran, Argentine, Égypte, Éthiopie, Arabie saoudite et Emirats arabes unis. "L'adhésion prendra effet à compter du 1er janvier 2024", avait déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa.
L’Argentine soutenait jusque-là, par la voix de son ex-président, Alberto Fernandez, l'adhésion à l'alliance. Il s’agissait, pour Buenos Aires, d’une opportunité d’atteindre de nouveaux marchés. Mais l’élection en décembre de Javier Milei a changé la donne. Tout au long de sa campagne présidentielle, celui qui se décrit comme anarcho-capitaliste a critiqué les pays gouvernés "par le communisme” comme la Chine et la Russie, affirmant même son intention de ne pas entretenir des relations diplomatiques avec eux.
En plus de cela, Javier Milei a proclamé son alignement sur les "nations libres de l'Occident", en particulier les États-Unis. Depuis son ascension au pouvoir, il prône d’ailleurs la dollarisation de la monnaie nationale, une approche en total désaccord avec celle des BRICS, qui souhaitent surtout réduire l’emprise du dollar dans l’économie internationale.
Dans une lettre envoyée aux dirigeants du bloc, il a confirmé un revirement aussi redouté que prévisible depuis son élection. Javier Milei a justifié la décision par le fait que le moment n’était pas opportun pour son pays, en pleine crise économique, d’être un membre à part entière des Brics. Il a néanmoins nuancé les positions exprimées durant sa campagne, faisant part à Lula da Silva, Xi Jinping, Narendra Modi, Vladimir Poutine et Cyril Ramaphosa de sa volonté “d’intensifier les liens bilatéraux” et d’accroître “les flux commerciaux”.
Plus de 35 % du PIB mondial
Si la décision fait grincer des dents chez des Argentins, la ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino, réaffirme la vision bipolaire de son président, en exprimant son optimisme quant à de futurs accords avec les "démocraties occidentales et le monde libre". Début décembre, elle a précisé que le gouvernement de Milei allait surtout travailler sur son adhésion à l'OCDE.
Une vision géopolitique qui contraste avec le réalisme dont font preuve l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis ou même l’Egypte qui, bien qu’ils adhèrent aux Brics, entretiennent des relations étroites et de longue date avec Washington.
La volte-face de Buenos Aires, qui bénéficie d’atouts énergétiques et agricoles, est, certes, un manque à gagner pour les Brics. Mais l’alliance, qui représente près de la moitié de la population de la Terre, peut compter sur cinq pays du Moyen-Orient pour peser de tout son poids. L’adhésion de pays comme l’Iran, l’Arabie Saoudite et les Emirats, qui apportent leurs ressources en pétrole et leurs fonds souverains, fait que les “Brics+” contrôlent désormais près de la moitié de la production mondiale de pétrole (soit 43,34 %) et représentent 35 % du PIB mondial.
Une telle manne est sans doute l’un des vecteurs de la dédollarisation que prônent sans cesse les membres de ce bloc, dont les deux superpuissances opèrent déjà avec le yuan pour assurer l’approvisionnement en hydrocarbures de leurs partenaires asiatiques.
La question, désormais, est de savoir quelle serait la place des nouveaux membres aux côtés de la Chine et la Russie. Si des pays comme l’Egypte ou l’Ethiopie espèrent tirer profit de leur adhésion à travers des investissements chinois ou des prêts financiers, Pékin et Moscou espèrent, à moyen et long terme, étendre leur influence dans le monde face au géant américain et contourner les sanctions qui visent le Kremlin.
Les États-Unis, eux, affirment ne pas voir dans les Brics de futurs "rivaux géopolitiques" et espèrent maintenir leurs "solides relations" avec le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. Si l’Oncle Sam a apaisé ses relations avec Pékin en novembre, il tente tout naturellement de contenir son rival en instaurant de nouveaux partenariats partout dans le monde.
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