Mariano Rajoy, les adieux de l'éternel survivant
Il avait jusqu'ici survécu à chaque crise en battant, patiemment, ses adversaires à l'usure. Mais renversé par le parlement vendredi, le conservateur Mariano Rajoy a décidé de mettre "un point final" à près de quinze ans de carrière politique au premier plan en Espagne.
Le succès de la motion de censure socialiste, déposée après la condamnation du parti de M. Rajoy dans un procès pour corruption, aura eu raison du conservateur de 63 ans, à la barbe grise bien taillée.
"Le Parti populaire doit continuer à avancer et à construire son histoire au service des Espagnols sous la direction d'une autre personne", a déclaré mardi M. Rajoy, décrit par ses partisans comme un stratège hors pair mais par ses adversaires comme un immobiliste rigide et sans charisme.
Des adieux que très peu de commentateurs se seraient hasardés à pronostiquer, tellement M. Rajoy, au pouvoir depuis décembre 2011, avait semblé jusqu'ici insubmersible, sauvé par une patience indéfectible.
"Il a nous a tous surpris", a déclaré à l'AFP Anton Losada, politologue et auteur d'une biographie du dirigeant conservateur, élu pour la première fois en 1981 dans sa Galice natale.
Symbole de sa capacité à survivre à tout, il s'était tiré en 2005 d'un accident d'hélicoptère avec seulement un doigt cassé.
- Ressuscité -
C'est ainsi que malgré une série de scandales de corruption et un plan d'austérité très impopulaire pendant son premier mandat, le PP a remporté les élections législatives de décembre 2015, même s'il a perdu la majorité absolue à la chambre.
En mauvaise posture pour être reconduit chef du gouvernement, Mariano Rajoy a alors regardé ses adversaires, socialistes, radicaux de gauche Podemos et libéraux de Ciudadanos, échouer à s'entendre pour le remplacer.
Et au bout de dix mois de blocage, marqués par de nouvelles législatives qui ont vu le PP progresser, il était à nouveau investi, à la tête cette fois d'un gouvernement minoritaire.
Ressuscité mais fragilisé, il a affronté de nouvelles crises, dont la tentative de sécession de la Catalogne en octobre 2017.
Malgré les critiques envers sa gestion de la pire crise qu'ait connu l'Espagne en quatre décennies de démocratie, il est parvenu à placer sous tutelle, sans les troubles redoutés, cette région pourtant très attachée à son autonomie. Les séparatistes y ont conservé le pouvoir, mais ils ne menacent plus pour l'instant de faire sécession.
- 'Ne pas bouger quand ce n'est pas nécessaire' -
Les humoristes moquent ses lapalissades: "L'Espagne est une grande nation, et les Espagnols, très espagnols", lançait-il en 2015. Mais au Parlement, il a souvent désarmé ses adversaires par son esprit de repartie et son humour sarcastique.
Ce fils de président de tribunal provincial est très discret sur sa vie privée: sa femme Elvira Fernandez et ses deux enfants apparaissent très rarement en public.
Il répète à l'envi qu'il a débuté comme colleur d'affiches pour l'Alliance populaire, parti fondé par des ministres du dictateur Franco, et a gravi les échelons un par un.
Il a ainsi enchaîné les ministères dans les gouvernements de droite de José Maria Aznar (1996-2004), encaissant en première ligne les déluges de critiques sur la marée noire du Prestige et l'engagement dans la guerre en Irak.
Puis essuyé, en 2004 et 2008, en tant que chef de file du Parti Populaire, deux défaites aux élections législatives face au socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, avant d'être finalement porté au pouvoir dans une Espagne ravagée par la crise économique.
Dans son allocution mardi, il a défendu son bilan en tant que chef du gouvernement mais aussi sa façon de faire de la politique: "la chose la plus dure et la plus utile à faire est de ne pas bouger quand cela n'est pas nécessaire".
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