À Moscou, le paiement du métro par reconnaissance faciale fait débat
Plébiscité dans le contexte de la crise du Covid-19, ce système de paiement par reconnaissance faciale fait craindre des dérives autoritaires aux organisations de défense des libertés.
Prendre le métro sans argent ni téléphone
Pour prendre le métro, les Moscovites n’auront bientôt plus besoin de prendre de ticket : un système de reconnaissance faciale présent aux tourniquets leur permettra de payer automatiquement, sans toucher une quelconque surface.
Inaugurée le 15 octobre à certaines des 240 stations que compte la capitale russe, cette toute nouvelle technologie, qui permet de payer son ticket sans argent, ni carte de crédit, ni smartphone, fait la fierté de la municipalité et du gouvernement, à l’heure où l’épidémie de Covid-19 semble repartir dans le pays.
« Moscou est la première ville au monde à introduire Face Pay à une telle échelle. La technologie est nouvelle et très complexe, nous continuerons à travailler pour l'améliorer », s’est ainsi félicité le maire de la ville Sergey Sobyanin.
Précisant dans un communiqué que ce dispositif n’était « qu’un moyen de payer parmi d’autres » et resterait « volontaire », le maire adjoint en charge des transports, Maxime Liksoutov, espère néanmoins qu’il sera adopté par les Moscovites. Les autorités tablent ainsi sur une utilisation de ce système par 15 % des utilisateurs des transports en commun d’ici les trois prochaines années, et espèrent qu’il permettra de ne pas ralentir le flux des voyageurs, en particulier aux heures de pointe.
Inquiétude des ONG de défense des libertés
Si les autorités ont promis que les données échangées dans le cadre de la reconnaissance faciale seront « chiffrées de manière sécurisée » et que la caméra du tourniquet lit une « clé biométrique » et non une image du visage de la personne, de vives inquiétudes subsistent.
Plusieurs ONG russes et internationales ont ainsi pointé le risque de possibles dérives autoritaires du pouvoir, de fuites de données personnelles ou d’un manque de consentement des utilisateurs.
« Il s'agit d'une nouvelle étape dangereuse dans la volonté de la Russie de contrôler sa population, a ainsi déclaré Stanislav Shakirov, le fondateur de Roskomsvoboda, un groupe dédié à la protection des droits numériques et de la liberté d'information. Nous devons avoir une transparence totale sur la façon dont cette application fonctionnera dans la pratique. Nous nous rapprochons de pays autoritaires comme la Chine, qui maîtrise la technologie faciale. Le métro de Moscou est une institution gouvernementale et toutes les données peuvent se retrouver entre les mains des services de sécurité. »
Le métro de Moscou n’est pas le seul à être concerné par cette technologie de reconnaissance faciale. Un réseau de plus de 175 000 caméras de surveillance l’utilise dans toute la capitale.
Des militants des droits humains en ont dénoncé l’utilisation, accusant les autorités russes de s'en servir pour identifier les militants qui ont assisté à des rassemblements en faveur de l'opposant à Vladimir Poutine emprisonné, Alexei Navalny. La reconnaissance faciale est également soupçonnée d’avoir été utilisée pour contrôler la population moscovite durant le confinement russe au printemps 2020.
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