Comment la pandémie a poussé la virtualisation de la surveillance des flux migratoires
Alors que les technologies de surveillance font régulièrement polémique, l’Europe continue à développer des algorithmes de plus en plus poussés pour la gestion des frontières. Allant jusqu'à tester les dernières avancées des outils de surveillance sur les migrants. La juriste spécialiste des questions migratoires, Petra Molnar, signale que la pandémie a encouragé une plus grande déshumanisation dans le contrôle des frontières.
La Pologne surveille les frontières de l'UE à l’aide des nouvelles technologies
La Pologne connaît en ce moment une crise migratoire sans précédent, et le pays utilise cette occasion pour tester de nouvelles technologies de surveillance. 400 km de frontières entre l'Union européenne et la Biélorussie sont sous tension, dépassés par les flux migratoires. Ces dernières semaines, des ONG ont dénoncé une crise humanitaire, alors que les températures baissent. Depuis août, 8 200 migrants ont été empêchés d'entrer en Pologne, et les gardes frontières ont intercepté mardi 28 septembre, 473 tentatives d'entrée sur le territoire, un nouveau record quotidien. Pour dissuader les migrants de tenter de passer la frontière, la Pologne a envoyé des dizaines de milliers de SMS vers des téléphones mobiles étrangers le long de sa frontière avec la Biélorussie, mais ce recours n’est pas la seule innovation technologique utilisée. Des robots et algorithmes sont de plus en plus souvent utilisés dans la surveillance des frontières de l’UE. La juriste Petra Molnar, interviewée par le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, explique comment la surveillance aux frontières est passée dans une nouvelle ère, avec l’utilisation de données spatiales, de l’intelligence artificielle et de drones. À Varsovie, l’agence européenne Frontex est chargée non seulement du suivi et de la surveillance des flux migratoires, mais aussi du refoulement de réfugiés, notamment vers la Turquie et la Libye, ce qui est contraire au droit international, rappelle la juriste.
Le mur physique devient virtuel, mais cela ne rend pas la migration moins mortelle
Alors que les nouvelles technologies sont présentées comme une façon de surveiller de façon moins violente, et donc “plus humaine”, aux États-Unis, le mur physique prévu par Donald Trump, remplacé par un mur virtuel, montre le contraire. Les nouvelles méthodes de surveillance de masse appliquées aux migrants ont conduit au doublement du nombre de morts parmi les migrants tentant d’entrer aux États-Unis, car ces derniers sont forcés d'emprunter des routes plus dangereuses. Ces frontières “intelligentes” existent aussi en Europe. La reconnaissance des émotions, un projet toujours en cours en Europe. Après d’abondantes critiques, le projet d'un détecteur de mensonges testé aux frontières, iBorderCtrl, a été arrêté. Mais Petra Molnar signale que le programme Avatar, qui repose également sur la “reconnaissance des émotions”, est actuellement testé en Roumanie et au Canada. Ces projets se basent sur des algorithmes qui peuvent contenir des préjugés ou des biais culturels. Par exemple, dans certaines cultures, les gens n’engagent aucun contact visuel avec un fonctionnaire ou un policier du sexe opposé. Cela peut être mal interprété par un détecteur de mensonges automatique, qui peut négliger ces aspects, ou d’autres, de nature psychologique ou raciale.
La pandémie a accéléré et normalisé l’emploi de nombreuses technologies de surveillance
La pandémie a géneralisé de nombreuses technologies de surveillance, et elle a permis aux dirigeants de justifier le déploiement et financement de nouvelles technologies pour le contrôle des flux migratoires, en arguant que les réfugiés et migrants étaient ceux qui propageaient les maladies. "Pendant la pandémie, cette tendance s’est accélérée sans que nous débattions de ce que nous devrions automatiser et numériser, et de ce qui est trop sensible et subtil, par exemple le contrôle des frontières et les procédures de demande d’asile" explique la juriste.
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