Démission du Premier ministre néerlandais Mark Rutte : retour sur la chute du gouvernement de coalition sur fond de tensions en matière de politique d’immigration

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France-Soir
Publié le 13 juillet 2023 - 11:30
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Mark Rutte
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JOHN THYS / AFP
Mark Rutte, démissionnaire de son poste de Premier ministre des Pays-Bas, entend bien se représenter aux prochaines législatives.
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PAYS-BAS - Le 7 juillet dernier, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a annoncé son départ de l'exécutif, entraînant la chute de son gouvernement de coalition. Celui que l’on surnomme "Teflon" pour sa longévité de 12 ans au pouvoir, malgré plusieurs affaires et scandales, a rencontré samedi 8 juillet 2023 le roi Willem-Alexander pour présenter sa démission. La coalition entre quatre partis s’est disloquée en raison de profondes divergences sur la politique d’immigration. S'il quitte son poste, Mark Rutte assure cependant l'intérim jusqu’aux prochaines élections législatives anticipées qui se tiendront, au plus tôt, en novembre 2023. 

Malgré quatre mandats et une autre démission à son actif, le Premier ministre assure avoir encore "l'énergie" pour se présenter comme tête de liste de son parti VVD aux législatives pour briguer un cinquième mandat. Il espère contrer le "Mouvement agriculteur-citoyen" (BBB), un parti opposé aux réglementations environnementales de l'Union européenne (UE) et désormais première force politique du Sénat. Ce dirigeant néerlandais a annoncé la démission de son gouvernement de coalition vendredi dernier. Il a ouvertement évoqué des "différends insurmontables".

Le durcissement de la politique d’asile rejeté 

"Ce soir, nous sommes malheureusement parvenus à la conclusion que les différends étaient insurmontables. Pour cette raison, je vais prochainement présenter ma démission au roi au nom de tout le gouvernement", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. La politique d’immigration est à l’origine de la dislocation de cette coalition fragile, composée du VVD (droite libérale), CDA (chrétien-démocrate), D66 (centriste libéral) et ChristenUnie (formation protestante). 

Les tensions ont pris naissance quelques jours auparavant, lorsque Mark Rutte a proposé l’adoption d’une série de nouvelles mesures autour de l’accueil des demandeurs d’asile. Le dirigeant néerlandais et son parti souhaitent instaurer un quota du nombre d’enfants provenant des zones de conflit pouvant obtenir un asile aux Pays-Bas. Une fois le quota mensuel de 200 enfants déjà atteint, les réfugiés déjà établis dans ce pays européen ne se seraient plus en mesure d’accueillir leurs enfants.  

Ce sont les partis ChristenUnie et D66, dont l’électorat est traditionnellement opposé à un durcissement de la politique d’asile, qui ont mis leur veto à telle proposition. Les premières négociations de mercredi n’ont pas abouti à un accord. La réunion, en urgence, de la coalition dans la nuit du jeudi à vendredi a scellé le destin du gouvernement "Rutte IV", une année et demi après sa constitution en janvier 2022, à l’issue de 271 jours de tractations.

"Pour nous, l'une des valeurs la plus importante est que les enfants grandissent avec leurs parents, afin qu'ils puissent s'occuper d'eux (...) nous défendons cela (...) C'est pourquoi nous soutenons l'intention du Premier ministre d'offrir au roi la démission du gouvernement actuel pour former un nouveau gouvernement", justifiait la ChristenUnie sur son site. 

Pour le VVD, "l'engagement lors des récentes négociations a été clair. Nous devons maîtriser le nombre de personnes qui viennent dans notre pays. Cela nécessite (...) des mesures qui limitent l'afflux, améliorent le flux de personnes autorisées à rester ici (...), malheureusement nous n'avons pas été en mesure d'arriver à un accord (...). Nous ne pouvons accepter cela. Le nombre de personnes qui viennent ici chaque année met trop de pression sur notre société, nos installations et notre économie", lit-on.  

Les réactions politiques aux raisons affichées de cette démission, rapportées par le média Euractiv, sont vives. Lors d'un débat parlementaire tenu ce lundi 10 juillet, Mark Rutte est accusé par plusieurs députés d'avoir sabordé la coalition pour imposer le sujet de l'immigration dans un but électoraliste. Jesse Klaver, président du parti de la Gauche verte a déclaré qu'il ne fallait pas procéder "en amalgamant" et en "jouant à des jeux politiques à ce sujet". Esther Ouwehand, présidente du Parti pour les animaux a déclaré que le VVD "a inventé un problème supplémentaire dans son intérêt politique, pour ensuite faire campagne" sur "le dos des personnes vulnérables." 

Un 5e mandat bloqué par le BBB ? 

Après son audience samedi avec le roi Willem-Alexander, Mark Rutte a annoncé qu’il dirigera un gouvernement intérimaire jusqu'aux élections législatives anticipées, prévues au plus tôt à la mi-novembre selon la commission électorale. Malgré cet échec et une longévité de 12 années au poste de Premier ministre, le Néerlandais envisage de briguer un cinquième mandat. "Si vous me demandez de prendre une décision maintenant, la réponse est évidemment ‘oui’", a-t-il répondu à une question sur la suite de sa carrière. La décision revient toutefois à son parti.  

Si le VVD de Mark Rutte se maintient en tête des intentions de vote selon un dernier sondage Ipsos sur les prochaines législatives aux Pays-Bas, le parti BBB entend bien profiter sa percée historique en mars 2023 aux élections provinciales et de la chute de ce gouvernement pour gagner du terrain. Devenue la première force au Sénat, cette formation, qui défend les intérêts des fermiers et des agriculteurs, s’oppose farouchement aux réglementations environnementales européennes.  

Né en 2019 à l’issue de manifestations hostiles aux propositions du gouvernement Rutte VI, le BBB a remporté le plus de voix dans la majorité des 12 provinces du pays. Le désormais PM intérimaire souhaitait appliquer un plan de réduction des rejets d’azote, visant à réduire le cheptel du pays et fermer 2000 à 3000 fermes d’élevages, soit 5% du total des fermes dans le pays, particulièrement celles situées à proximité des zones Natura 2000.

Il s’agit de sites naturels considérés par l'UE comme ayant une valeur patrimoniale importante en raison de leur faune et flore. Une démarche imposée par la directive "nitrate" de l'Union européenne et que le Forum économique mondial (WEF) préconise.  

Surnommé "Teflon" pour sa capacité à se maintenir au pouvoir malgré les scandales et les démissions, Mark Rutte est le Premier ministre qui a le plus longtemps occupé ce poste. Membre très actif du Forum de Davos, organisé chaque année par le Forum Économique Mondial (WEF), plusieurs fois participant à la réunion du groupe Bilderberg, il n’en est pas à sa première démission. 

En effet, il avait déjà quitté son poste en janvier 2021, en raison d’un scandale de l'administration fiscale qui a accusé à tort des milliers de familles de fraude aux allocations familiales, avant d'être contraintes de les rembourser. Son premier mandat s’est également soldé par une démission en 2012, deux années après son accession au pouvoir comme le deuxième plus jeune Premier ministre de l'histoire des Pays-Bas.

 

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