Hassan ne peut pas, en revanche, sauver la province d'Idlib, submergée par une grande offensive rebelle au printemps 2015. Ces derniers, pour une fois assez coordonnés et qui disposent de nombreux lance-missiles antichars, coupent le corridor d'approvisionnement entre les villes d'Idlib et de
Jisr-al-Shughur. Coincé dans cette dernière localité, Hassan doit abandonner 150 blessés sur ses 800 hommes dans l'hôpital de la ville, et malgré une tentative de dégagement, ne peut pas tous les récupérer. Il est obligé de se replier en direction de la région côtière alaouite, et perd à l'été 2015 un certain nombre de cadres, tandis que des tensions déchirant l'armée arabe syrienne et les milices alaouites. La défaite est d'autant plus dure que c'est là qu'Hassan avait remporté ses premiers succès militaires en 2013.
Fin juin, après avoir vu un de ses gardes du corps abattu à côté de lui par un sniper rebelle, il est appelé en urgence à Palmyre, qui est tombé le mois précédent entre les mains de Daech, nouvelle défaite pour le régime. Hassan contribue à stabiliser le front à l'ouest de la ville. Il disparaît ensuite de la scène pour plusieurs mois, jusqu'à l'intervention russe de septembre 2015. Quand il réapparaît, son apparence physique est si différente que des rumeurs circulent: aurait-il été gravement blessé au printemps, ce qui aurait nécessité une intervention chirurgicale poussée ? Un double le remplacerait-il pour ne pas ébruiter sa mort éventuelle ? La question reste posée.
Hassan va largement bénéficier de l'intervention russe, qui lui permet de redorer son blason de chef militaire. En novembre 2015, il rétablit sa réputation de meilleur officier du régime en levant le siège de la base aérienne de
Kweires, à l'est d'Alep, alors encerclée par l'EI. La
Russie a largement soutenu cette offensive, au terme de laquelle Hassan fait figure de héros pour les partisans du régime. Une campagne de propagande en fait
un véritable instrument politique du régime sur le champ de bataille. C'est une subdivision de son unité, les Cheetah Forces (Qawat al-Fahoud), commandées par le colonel Ismael et par le désormais colonel Sleitan, qui est intervenue dans la bataille. Bachar al-Assad offre à Hassan le grade de Major General en décembre, que celui-ci accepte, après avoir refusé une précédente promotion pour rester avec ses hommes.
Les Russes le décorent en janvier 2016 de la médaille de la valeur, et équipent son unité d'un matériel de plus en plus conséquent.
A la mi-novembre 2015, les Tiger Forces sont engagées au nord-est de Hama et à l'est de Homs
pour effectuer des raids en profondeur du dispositif adversaire et des éliminations ciblées afin de favoriser l'offensive des forces du régime. Elles sont ensuite intégrées
dans le 4ème corps créé sous l'égide de Moscou qui mêle les forces paramilitaires du régime avec les conseillers étrangers. Elles font partie du corps qui reprend Palmyre aux djihadistes en mars 2016 (avec une autre subdivision, les Panther Forces du colonel Shaheen).
Egalement engagées à Deir-es-Zor, où le régime tient encore l'aéroport militaire, les Panther Forces, en tant que forces spéciales, repèrent et identifient les cibles pour les frappes aériennes russes. Fin mai, les Tiger Forces se redéploient à Alep pour encercler les quartiers est tenus par les rebelles, avec leurs nouveaux chars T-90A fournis par les Russes.
Ce sont elles qui coupent la dernière voie d'approvisionnement des rebelles en prenant
les fermes de Mallah, en juin, puis
la route de Castello le 9 juillet.
Les Tiger Forces restent à Alep jusqu'à la fin septembre, moment où elles sont dépêchées au nord de Hama pour contrecarrer l'offensive rebelle dans le secteur. Le 29 octobre, elles reviennent à Alep pour parer à l'offensive de Jabhat Fateh al-Sham et des autres groupes rebelles sur les quartiers ouest d'Alep.
Les succès d'Hassan, devenu un symbole du camp pro-régime,
sont dus à sa meilleure utilisation de la combinaison des armes. Surtout, Hassan a réussi à tirer le meilleur parti du reliquat des forces régulières du régime et des nouvelles forces apparues depuis 2011.
L'armée arabe syrienne continue d'exister, mais s'est rétrécie, et les milices pro-régime s'imposent de plus en plus au combat depuis 2015: les forces régulières se réduisent comme peau de chagrin, le régime n'a plus les moyens de les entretenir, et les hommes préfèrent s'engager dans les milices qui paient mieux. Le caractère de plus en plus milicien des forces du régime ne peut être ignoré, de même que la place prise par les "proxies" de ses soutiens étrangers.
Le régime s'est servi du clientélisme et de la corruption de l'armée, qui existaient avant la révolution, comme chaîne de commandement parallèle pour renforcer son autorité.
Assad a besoin de l'armée, qui supervise l'infanterie fournie par les milices, lesquelles sont soit liées aux services de renseignement et/ou à la Garde Républicaine, soit à des figures du régime, politiques et/ou économiques. En sous-traitant le gros des combats aux milices, l'armée s'est préservée, évitant les pertes et freinant les défections, puisqu'elle est plus corrompue, moins efficace et encore plus coupée de la société (le recrutement chez les alaouites s'est encore accéléré, surtout parmi les officiers). L'armée est la garantie de la survie du régime, mais celui-ci a accéléré sa déprofessionnalisation pour mieux la contrôler par le biais de chaînes de fidélité parallèles. C'est bien ce qu'illustrent les Tiger Forces et leur chef, le général Hassan.