Surveillance : pourquoi l'Allemagne est une zone vide sur Google StreetView
L'Allemagne et l'Autriche sont deux pays très réticents à la fonction Street View de l’application de cartographie de Google Maps, par souci de protection de la vie privée des citoyens.
Comment Google Street View peut dévoiler des informations privées ?
Depuis son lancement en 2007, Google Street View a cartographié des millions de kilomètres de rues, routes, et même chemins à travers le monde. Cette fonction très pratique permet de se promener virtuellement dans le monde entier, avec une vue à la première personne, pour explorer un lieu, ou voir à quoi ressemble réellement une destination.
Cependant, comme l'explique le site spécialisé dans les nouvelles technologies Make Use Of, de parfaits inconnus se servent de cette fonctionnalité de l’outil de cartographie pour dérober des secrets identifiables sur les photos prises aux quatre coins du monde. Des intrus potentiels, des voleurs ou des escrocs peuvent par exemple collecter des informations sur la sécurité des maisons. Des cas existent aussi dans lesquels les photographies permettent de voir précisément où les livreurs déposent habituellement les colis. De potentiels harceleurs en ligne peuvent aussi utiliser Google Maps pour en savoir plus sur leurs victimes. Et ce ne sont là que quelques-unes des façons dont Google Maps peut être utilisé à mauvais escient.
Traumatisés par deux systèmes totalitaires, les Allemands sont extrêmement soucieux de leurs données personnelles
Malgré leurs statuts d’économies parmi les plus avancées du monde, l'Allemagne et l'Autriche sont sur Google Streetview des endroits inaccessibles et inhospitaliers. La raison de cette résistance farouche est, selon le media Big think, liée au fait que les Allemands sont extrêmement protecteurs de leur vie privée. Ils sont choqués par la facilité avec laquelle les Américains (et d'autres) partagent leurs noms, adresses, listes d'amis et historiques d'achat en ligne.
Selon une étude présentée dans la Harvard Business Review, l'Allemand moyen est prêt à payer jusqu'à 184 dollars pour protéger ses données personnelles de santé. Pour le Britannique moyen, la confidentialité de ces informations ne vaut que 59 dollars. Pour les Américains et les Chinois, cette valeur tombe à des chiffres sous les 10 dollars. Cela s’explique par le fait que les Allemands portent le traumatisme non pas d'un, mais de deux systèmes totalitaires dans leur passé récent : le Troisième Reich nazi et l'Allemagne de l'Est communiste, deux régimes qui imposaient un contrôle total sur leurs citoyens. Dans les deux systèmes, les citoyens cessaient effectivement d'avoir droit à la vie privée et pouvaient être qualifiés de criminels pour des pensées ou des actes privés, entraînant des sanctions sévères.
Au fil des décennies, l'Allemagne a élargi et approfondi sa définition de la vie privée
En 1970, le Land (région) allemand de la Hesse a adopté la première loi sur la protection des données au monde. En 1979, l'Allemagne de l'Ouest a jeté les bases de la Bundesdatenschutzgesetz (BDSG), ou loi fédérale sur la protection des données, dont l'objectif principal était de protéger l'inviolabilité des informations personnelles et privées. Dans les années 1980, des citoyens ont poursuivi avec succès le gouvernement allemand au sujet d'un questionnaire de recensement si détaillé qu'il permettrait au gouvernement d'identifier les individus. Le tribunal a reconnu le droit des citoyens allemands à « l'autodétermination informationnelle » et a bloqué le partage de toute information personnelle avec toute agence ou société gouvernementale.
Les Allemands se méfient instinctivement de Google
En août 2010, Google a annoncé qu'il cartographierait les rues des 20 plus grandes villes d'Allemagne, ce qui a provoqué une vague d'indignation. Certaines des “voitures caméras” de Google Streetview ont été vandalisées. Au fil des années, les Allemands élargissent et approfondissent leur définition de la vie privée. Mais cette résistance n’empêche pas les géants du web de s’implanter en Allemagne. Alors que les Allemands se méfient instinctivement de Google, l’entreprise a accaparé plus de 90 % du marché des moteurs de recherche en Allemagne, et près de la moitié des Allemands ont un compte Facebook.
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