Devenue valeur financière, l'eau rythme la bourse et préoccupe les organisations
Entrée en bourse en décembre 2020, l’eau est devenue une marchandise au même titre que l’or et le pétrole. Ainsi, d'aucuns estiment qu'elle n’est plus considérée comme une ressource vitale, à laquelle, pourtant, 2,2 milliards d’habitants sur Terre n’ont toujours pas accès.
L’eau est devenue une valeur financière
Ressource inestimable et indispensable à la vie sur Terre, l’or bleu est devenu la nouvelle marotte du monde de la finance, ce qui compromet son statut de bien commun de l’humanité.
C’est ce que met en lumière Reporterre, qui revient dans une enquête sur les conséquences de l’entrée en bourse de l’eau en décembre 2020. Devenue non seulement une marchandise, mais aussi « une valeur financière sur laquelle on peut spéculer », l’eau pourrait bien devenir dans les années à venir le nerf de la guerre contre le réchauffement climatique.
L’entrée de l’eau à la bourse de Chicago est liée à la situation en Californie, qui connaît depuis plusieurs années des périodes de sécheresse intense et des incendies destructeurs. « Les fleuves s’assèchent, les réserves baissent, l’eau devient de plus en plus rare. Mais plutôt que de contraindre par la loi les agriculteurs et les industriels à économiser l’eau, les autorités s’en sont remises au marché », analyse l’économiste Riccardo Petrella. Aux États-Unis, les agriculteurs ont ainsi la possibilité d’acheter des titres d’utilisation d’eau, qu’ils peuvent ensuite revendre au plus offrant plutôt que de les utiliser pour produire des fruits et des légumes.
La spéculation boursière entraîne une hausse des prix
Cette spéculation autour du prix de l’eau est encouragée par les marchés financiers : le Nasdaq Veles California Water Index détermine ainsi le cours fluctuant de l’eau. Son prix est calculé sur la base des achats d’eau réalisés la semaine précédente, ce qui participe à l’envolée des prix. Un acre-pied, c’est-à-dire un volume d’1,2 million de litres, est actuellement coté à 728 dollars, contre 495 dollars à la même période l’an dernier.
Or, ce système est profondément inégalitaire, puisqu’il permet non seulement aux gros consommateurs d’eau de la stocker pour s’affranchir de la volatilité des prix de l’eau, mais risque aussi de voir des fonds d’investissement s’emparer de cette ressource.
« À partir du moment où quelque chose arrive en Bourse, ce n’est plus sa valeur intrinsèque, mais sa valeur monétaire qui compte, combien elle peut rapporter. Seuls les plus offrants pourront avoir accès à la ressource », s’inquiète la chercheuse québécoise Sylvie Paquerot.
Une négation du droit inaliénable à l’eau
Cette entrée de l’eau en bourse laisse donc craindre un accaparement de cette ressource naturelle par les plus riches, par les gros agriculteurs et les industriels, au détriment de la survie des populations les plus précaires. « L’entrée en bourse de l’eau signifie qu’on nie l’existence d’un droit à l’eau, résume Riccardo Petrella. Le droit à l’eau — avoir accès à 50 litres par jour par personne pour vivre dignement — ne peut plus être garanti par les politiques si c’est le marché qui fixe les règles. Cela risque de générer des injustices sociales énormes. »
La solution, selon Sylvie Paquerot, viendra de la mobilisation citoyenne qui, en faisant pression sur les États, peut permettre de mettre un terme à la privatisation et à la marchandisation de l’or bleu. Mardi 7 décembre, des rassemblements ont d’ailleurs eu lieu à l’initiative des organisations de "Libérons l’eau de la bourse". Ces dernières réclament notamment « l’interdiction immédiate des transactions financières sur l’eau » et « l’interdiction de la cotation en bourse des entreprises de services d’eau ».
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