En 2022, l’évasion fiscale des multinationales a dépassé les 1 000 milliards de dollars

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France-Soir
Publié le 24 octobre 2023 - 13:47
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Evasion fiscale
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Jon Tyson / Unsplash
L’évasion fiscale offshore a été divisée par trois, environ, en moins de dix ans. Mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.
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ECONOMIE - L’évasion fiscale des multinationales a dépassé la barre symbolique des 1 000 milliards de dollars en 2022. Selon un rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité, dirigé par l’économiste français Gabriel Zucman, cette somme, qui représente 35 % des 2 800 milliards de dollars de bénéfices réalisés en 2022, a été transférée vers des paradis fiscaux et 40 % de ces transferts ont été opérés par des géants nord-américains. Les États européens, l’Irlande et les Pays-Bas à leur tête, sont les plus touchés par cette évasion fiscale selon le rapport, qui affirme qu’un impôt mondial de 2 % sur le patrimoine des milliardaires pourrait générer 40 milliards d’euros de recettes.

L’Observatoire européen de la fiscalité, hébergé à l'Ecole d’économie de Paris, s’est félicité dans son rapport des “initiatives majeures” des gouvernements pour faciliter l’échange automatique et multilatéral d’informations bancaires, “grâce auquel l’évasion fiscale offshore a été divisée par trois, environ, en moins de dix ans”, c’est-à-dire de 2007 à 2017, année de l’entrée en vigueur de l’accord international permettant les échanges d’informations bancaires.

Les multinationales moins accessibles que les ménages

Si les ménages possédaient avant 2013 l’équivalent de 10 % du PIB mondial en patrimoine financier (dépôts bancaires, actions et titres financiers non déclarés, etc.) dans les paradis fiscaux, “seulement 25% de ce patrimoine échappe à l’impôt” aujourd’hui, poursuit le document, auquel ont contribué une centaine de chercheurs.

Néanmoins, à l’opposé des ménages, les entreprises multinationales “s’en sortent mieux”. Leur évasion fiscale, qui s’élevait à 650 milliards de chiffres en 2016 puis à 900 milliards de dollars en 2019, a dépassé la barre des 1 000 milliards de dollars en 2022. Le montant représente 35 % des bénéfices des multinationales la même année.

Le rapport souligne que les géants nord-américains, parmi lesquels les mastodontes du numérique comme Amazon, Google ou Apple, souvent accusés de pratiquer l’optimisation fiscale, représentent environ 40 % de ces transferts vers les paradis fiscaux. Ce phénomène prospére “à la fin des années 1980”, explique l’économiste Gabriel Zucman, “les dirigeants des grandes entreprises considèrent que l’actionnaire prime et qu’ils n’ont plus à être responsables auprès de différentes parties prenantes. Maximiser les profits devient la priorité des PDG. Ils vont donc chercher à minimiser la facture fiscale. Cette pratique va s’intensifier avec la montée en puissance des entreprises de la tech et du numérique".

L’évasion fiscale de ces géants est d’autant plus remarquable que celle-ci est opérée au cœur de l’Europe, à commencer par l’Irlande et les Pays-Bas. Ces deux pays ont chacun été les destinataires de plus de 140 milliards de dollars ces dernières années. En 2019, Dublin et Amsterdam représentaient chacun 15 % environ du montant total des bénéfices mondiaux transférés.

Et si les multinationales ont longtemps reproché aux gouvernements européens, comme la France, un impôt sur la société élevé, l’évasion fiscale des multinationales s’est justement accrue pendant une période marquée par une baisse de ce taux.

42 milliards grâce à un impôt de 2% sur les milliardaires

Si l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a réussi à réunir plus de 140 pays autour d’un accord visant à instaurer un impôt minimum de 15 % sur les sociétés à partir de 2024, le rapport de l’Observatoire estime qu’il est “limité”. Une année après l’OCDE, les pays membres de l‘UE ont de leur côté trouvé un accord pour taxer, à partir de 2024, les bénéfices des multinationales à la même hauteur de 15 % minimum dès lors que celles-ci réalisent plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

En attendant de mesurer l’efficacité de telles mesures, les États européens pourraient engranger 40 milliards d’euros en instaurant un impôt mondial à 2%, selon une recommandation du rapport. “Dans un pays comme les États-Unis, le taux d'imposition effectif des milliardaires semble se rapprocher de 0,5%, tandis que dans un pays comme la France, il se rapproche de 0 %”, y lit-on. "Les milliardaires du monde entier ont des taux d'imposition effectifs allant de 0 à 0,5 % de leur patrimoine, en raison de l'utilisation fréquente de sociétés-écrans pour échapper à l'impôt sur le revenu", précise l’Observatoire, qui dénonce les techniques d’optimisation.

Actuellement, les 499 milliardaires européens ne paient que 6 milliards de dollars d’impôts par an. “En imposant un taux de 2 % à leur bénéfice de 2 400 milliards de dollars, cela générerait 48,4 milliards de dollars. En soustrayant le montant de leur impôt actuel (estimé à environ 6 milliards de dollars), les recettes de l'impôt minimum sur la fortune de 2 % sont égales à 42,3 milliards de dollars”, poursuit la même source.

Dans sa préface, Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, estime que ces recettes "sont indispensables à nos sociétés (...) à l'heure où les gouvernements doivent consentir des investissements essentiels dans l'éducation, la santé, les infrastructures et la technologie”.

En France, le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave, avait révélé en septembre sa volonté de créer un "groupe de travail transpartisan" pour envisager une imposition internationale des particuliers. Mais le gouvernement a écarté une nouvelle taxe nationale sur le patrimoine des plus fortunés.

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