La SNCF perd officiellement l'exploitation d'une ligne TER en Paca, une première en France
C'est désormais officiel: la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur a écarté jeudi la SNCF au profit du groupe privé Transdev pour exploiter une de ses lignes ferroviaires, devenant la première région de France à mettre fin au monopole public, au grand dam des syndicats.
Sans surprise, les élus ont adopté à la majorité absolue l'exploitation de la ligne Marseille-Toulon-Nice par Transdev, écartant ainsi l'opérateur public historique, qui conserve toutefois l'exploitation d'un second lot plus important.
Seul le Rassemblement national a voté contre, estimant "ces mises en concurrence trop précipitées". Conséquence de son retrait entre les deux tours des élections régionales en juin, afin d'éviter la victoire potentielle du RN, la gauche est absente de l'hémicycle régional.
"C'est une étape historique et une première en France", s'est félicité le président de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Renaud Muselier (Les Républicains), sa région étant la première à se conformer au droit européen qui impose la mise en concurrence du trafic ferroviaire pour toutes les régions à partir de décembre 2023.
Le changement d'opérateur sera effectif à partir de juillet 2025 pour cette liaison qui concerne 10% du trafic régional en nombre de trains proposés, dont le contrat de concession sur 10 ans est estimé à 870 millions d'euros. La région va également engager 275 millions d'euros pour l'achat de 16 nouveaux trains et des travaux de maintenance.
"Le trafic sera doublé", passant de sept allers-retours quotidiens à 14, selon la Région. "Au-delà de cette augmentation de l'offre (...) nous avons aussi jugé les offres sur les services rendus aux usagers, la présence humaine à bord, le confort, la sécurité, pas uniquement sur le critère financier", a justifié Renaud Muselier.
Fruit de la fusion en 2011 de Transdev et Veolia Transport, Transdev transporte 11 millions de passagers au quotidien, par autobus, cars ou trains. En Allemagne, le groupe est devenu le numéro deux du ferroviaire depuis la fin du monopole de la Deutsche Bahn en 1994.
- "On attend de voir" -
A l'appel de la CFDT, de Sud et de FO, quelque 200 cheminots munis de fumigènes ont manifesté jeudi devant le conseil régional, dénonçant, comme Mathieu Inaudi, "ce démantèlement du service public depuis des années": "On fait exprès de le casser pour défendre la concurrence", a dénoncé le syndicaliste CFDT, "triste, en colère et inquiet".
Un second rassemblement, à l'appel de la CGT, est prévu vendredi.
"Une mise en concurrence ça peut faire du bien et permettre à la SNCF de se remettre un peu en question", juge Axel, interrogé par l'AFP à la gare Saint-Charles à Marseille. Le militaire, qui bénéficie pourtant de tarifs préférentiels, a abandonné les trajets en train entre Marseille, où vit sa conjointe, et Toulon, en raison "des nombreux retards et annulations": "Ma hiérarchie n'accepte pas que je ne sois pas à l'heure".
Selon l'Autorité de la qualité de service dans les transports, entre octobre 2020 et septembre 2021, le taux de ponctualité des TER ayant circulé était de 92,5%, avec 302 TER annulés chaque mois en moyenne sur quelque 12.500 trains (2,3%). En 2016, selon la Région, 20% des trains étaient en retard et 10% annulés.
"J'ai eu des problèmes sur les longs trajets, mais sur les TER ça va", nuance Christelle, qui prend le TER pour venir se faire soigner à Marseille. "En général quand on privatise ça n'augure rien de bon...", craint la quadragénaire qui, comme bon nombre de voyageurs interrogés, dit "attendre de voir si le nouvel opérateur" fera vraiment mieux.
La Région a par ailleurs maintenu l'exploitation par la SNCF des lignes "Azur", incluant les liaisons entre Les Arcs/Draguignan (Var) et Vintimille (Italie), ainsi que les lignes Nice-Tende et Cannes–Grasse (Alpes-Maritimes), où l'entreprise publique était seule en lice.
Ce deuxième lot, estimé à 1,5 milliard d'euros (23% du trafic régional), a également été concédé pour 10 ans, à partir de décembre 2024. Mais la SNCF l'a conservé via une filiale, a regretté jeudi Ali-Jean Boulam, secrétaire régional FO, dénonçant le "morcellement" de l'opérateur historique face à une ouverture à la concurrence, avec un risque pour les agents de perdre leur statut.
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