Les cocoricos de France Soir : Ceramiq, champion français du tissu respirant
L’entrepreneur Thierry Heim a su redonner ses lettres de noblesse au textile made in France. Après un projet avorté avec Salomon, il se lance dans la marque Ceramiq, pur produit des Vosges qui conquiert de plus en plus de sportifs de haut niveau, intéressés par les innovations du tissu.
La phrase a été tellement rabâchée qu’on a fini par la croire : Le textile en France est mort ! Il n’en est rien. Avec près de 2150 entreprises qui emploient 60 000 personnes, le secteur se redresse après une décroissance continue de quarante ans. C’est sur le créneau du textile technique que se fait l’essentiel du chiffre d’affaires en France. En 2017, 60% du chiffre d’affaires du secteur (13,4 milliards d’euros) et 50% de l’emploi provient des textiles techniques.
Thierry Heim fait partie de ses résistants qui ont su innover et améliorer la production textile. A 58 ans, ce fils de boulangers vosgiens, a passé la quasi totalité de sa vie dans son département. Très tôt, l’envie d’indépendance s’ancre dans son esprit. « En tant que fils d’artisans, on suit l’exemple de son père, nous indique l’entrepreneur. Il faut avoir une certaine vision du business et vivre l’aventure en indépendant. »
Arrivé dans le textile « par hasard »
Après des études en chimie à Nancy, il est responsable qualité dans un groupe qui fabrique de l’isolant dans le bâtiment. Il découvre le textile « par hasard » par l’entremise de son ex-beau père qui a une usine dans laquelle il restera 9 ans. Après l’incendie d’une usine dans la région, il prend en charge la partie développement et commercial en lançant sa propre société en 1997. « Je me suis lancé au moment de la grande période de délocalisation. Ca touchait surtout l’industrie de main d’œuvre, de la confection. Mon avantage était d’être lié à des textiles industriels. Les unités de production et de transformation du textile qui sont lourdes en investissement, restaient encore au niveau local. »
Investissant près de 500 000 francs (80 000 euros), il bénéficie alors de prix compétitifs sur le segment de l’ennoblissement du tissu (teinture, impression du tissu, contre collage, etc.). Sa société travaille beaucoup avec les groupes d’ameublement. Quand en 2002, une partie du secteur se voit concurrencer par des importateurs d’Europe du Sud, Thierry Heim prend la décision de s’orienter vers le tissu laminé avec des membranes. « On est devenu des concurrents à Gore Tex. La chimie avait évolué et on a vu arriver des membranes en polyester et en polyuréthane.»
« Géo Trouvetou du textile »
L’entreprise répond à des appels d’offres pour des vêtements de protection et arrive à se faire une place sur le créneau. « Nous arrivions à nous adapter à n’importe quelle couleur ou aspect et avec les mêmes performances. Nos prix aussi étaient compétitifs (près de 50% du prix du concurrent). On a aussi fait des apports avec l’aluminium comme isolant du froid. Dans la profession, on nous a considéré comme les rois du mouton à 5 pattes, les Géo Trouvetou du textile.»
Détestant la partie commerciale et regrettant les anciennes poignées de mains, Thierry Heim fait essentiellement dans le développement et la recherche. Avec un ami en R&D chez Adidas, il invente le tissu Ceramiq. « C’est de la poudre de roche volcanique qu’on applique sur le tissu. Lors d’une étude avec l’Université de Grenoble, on a réussi à prouver qu’on augmentait la stabilité posturale de 20%. »
Salomon passe à côté, les Américains aussi !
Déjà sur le secteur du sport (Lafuma, Millet, etc..), Thierry Heim construit une gamme pour la marque Salomon avec son nouveau tissu. « Salomon pensait que ce serait bien pour des premières peaux. Le produit a mis 3 ans à voir le jour. Fin 2013, la marque devait développer avec notre technologie, une gamme pour le trail, le running, etc.. »
C’est le moment que choisit le groupe Salomon pour centraliser toute l’activité textile et faire avorter le projet des premières peaux Ceramiq. « On avait un peu les boules, explique Thierry Heim. Tout était au point ! On rencontre des concurrents américains qui se disent intéressés par notre produit. Toutefois, si on n’est pas de taille identique, on ne fait pas le poids aux Etats-Unis. Avec notre boite qui fait 2 millions de chiffres d’affaires en France, ils ont eu peur qu’on les bouge (rires) »
Ceramiq fait des heureux dans le sport !
Il décide alors de se lancer. La fédération de ski alpin et de ski nordique leur sert de premiers testeurs. Les retours sont dithyrambiques. En 2014, ils présentent leurs produits. « On développe avec le sport de haut niveau. On ne faisait que du sous vêtements. Devant l’engouement, on a mis de la couleur, créé des cuissardes pour le vélo et des combinaisons pour le triathlon. »
En 2016, Ceramiq devient l’équipementier de la fédération de canoë kayak. Le feed-back des sportifs est pris en compte et très vite, la société peut s’adapter à la demande. « Il n’y a pas un vêtement qui sort de chez nous sans le retour des vrais utilisateurs. La plupart me disent qu’ils ont l’impression d’être à poil avec nos fringues. C’est le plus beau compliment ! »
Avec plusieurs prix, la marque se retrouve dans les magasins spécialisés running, triathlon, cyclisme, dans quelques grandes marques de vêtements de sport, sur le net et enfin avec les clubs qui demandent de la personnalisation. « Nous sommes une petite société qui faisons du petit volume et on a du mal à trouver des distributeurs. Je rêve de trouver des jeunes d’écoles de commerce qui puissent développer la marque et aime le produit. »
Si la crise de la Covid-19 a failli mettre à mal l’entreprise, elle a pu se réinventer avec la production de masques « les plus respirants possibles », notamment pour les fédérations sportives (aviron, voile, etc..) mais aussi la gendarmerie nationale. Fier de ce produit hexagonal qui permet aux athlètes de briller en compétition, Thierry Heim dit avoir « un pincement au cœur et une fierté Cororico pour Ceramiq ».
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