L’hyper-endettement comme héritage
CHRONIQUE — Parler d’argent, c’est vulgaire. C’est sans doute pour cela qu’au cours de cette campagne, il aura très peu été question de l’hyper-endettement public. Le « quoi qu’il en coûte », imposé comme doctrine d’État sous la présidence d’Emmanuel Macron, se paiera de larmes et de sang au cours du prochain quinquennat. Quel que soit le président, quel que soit son programme, son appartenance idéologique, celui-ci aura comme déterminant la gestion de cet héritage toxique. Certes, la pensée magique permet de rêver de financer la dette par la croissance, mais croissance et dette sont tautologiquement liées. La preuve en est que, en 40 ans d’endettement constant, les années de vaches grasses n’ont rien changé.
De plus, les facteurs disruptifs s’accumulent. La dette est une des trois composantes d’un tripode, façon calamités d’Égypte. L’inflation et la crise énergétique en sont les autres pattes. D’ici fin de 2022, la dette devrait représenter 113,5% du PIB selon la Cour des comptes et le FMI qui reprend ces chiffres. Surendetter les Français est apparu comme une réponse morale, tant face à la dystopie covidienne que dans le cadre du festival de sanctions, d’auto-confiscations et autres balles dans le pied liées à la crise russo-ukrainienne.
Voir aussi : Sanctions économiques: une arme à double tranchant aux conséquences multiples
Le droit d’inventaire a du mal à s’exercer dans le cadre d’une campagne où le président sortant est absent des débats. Au quoi qu’il en coûte, il faut mettre un chiffre : 30% d’endettement cumulatif. Était-ce proportionnel à la menace sanitaire ? Comment cette dette va-t-elle toucher la santé publique en tant qu’institution et, au-delà, la santé des Français ? Un des paradoxes de la dette publique est que pendant qu’elle augmentait sous couvert de covid, la dette de la Sécurité sociale s’allégeait de 15 milliards, signe de la baisse des investissements dans le secteur santé et de la dénégation de soins sur une période de quasiment deux ans. Le prétexte santé a bon dos pour couvrir une exécrable gestion.
La répartition des dépenses covid obéissait à quel conseils, impartis par qui ? Le cabinet McKinsey, le Conseil de défense ? Autant de questions qui pourraient paraître d’arrière-garde, car le mal est fait. Mais les conséquences du « quoi qu’il en coûte », prononcé avec grande pompe par Macron, ne sont contrecarrées par aucun plan de contingence macroéconomique. La seule tentative d’offrir des outils de pilotage aura été la mission de Jean Arthuis, ex-président de la commission des budgets du Parlement européen de décembre 2020. Ces conclusions reposaient sur l’idée d’une maîtrise des dépenses dans la durée et de responsabilisation des gestionnaires. Or ce que Macron a immédiatement démontré dès 2017 est que n’importe quelle crise qui entrerait dans la narrative du moment pourrait justifier un nouveau train de mesures de suicide économique, au détriment de toute notion de proportionnalité, pertinence et pondération des risques.
Pour être juste avec Macron, la France n’est pas le seul pays à avoir augmenté de près de 30% sa dette publique durant la parenthèse covidiste. Le delirium tremens a été partagé par la plupart des pays du G7. Dans l’ensemble, les pays riches se sont appauvris significativement, s’approchant tous du 100% de dette publique, en relation au produit intérieur brut. Le Canada de Justin Trudeau a atteint les 118% en 2020. Un palier dont le pays à la feuille d’érable aura du mal à se remettre. Les États-Unis et leur dette stratosphérique auront pour leur part approché le scénario du défaut en mars 2021 : impensable.
La singularité de la France réside dans la continuité dans le rouge. Depuis 1975, la dégradation des comptes publics ne s’est jamais démentie. La dette aura été en augmentation cumulative constante, passant de 14,5% en part du PIB en 1975 à 120% en 2020 (Insee). Pas une seule année le budget n’aura été en équilibre. Les années de croissance n’auront pas davantage été mises à profit pour résorber ne serait-ce qu’une partie de la dette. Au contraire. Quelles que soient les raisons profondes de cet état de fait, elles ne répondent pas à un accroissement des investissements, mais à des frais de fonctionnement. Voire de dysfonctionnements structurels, de très long allant. La meilleure référence en matière d’histoire de la dette de la Vème République reste sans doute le rapport Pébereau « Rompre avec la facilité de la dette publique ». Rapport commandé en 2005 par le gouvernement Raffarin dont une partie s'intitulait : « L’augmentation de la dette ne résulta pas d’un effort spécifique pour la croissance mais, pour l’essentiel, d’une gestion peu rigoureuse ».
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