La conscience environnementale, une habitude de consommation réservée aux “classes supérieures” ?
Alors que pour de nombreuses personnes, 2022 sera une année de changement vers un style de vie plus écologique, il existe encore beaucoup de confusion sur ce qui est vraiment “écoresponsable” et ce qui n’est que stratégie de vente des grandes marques pour continuer à consommer, sous couvert de “greenwashing”. Pour Matthieu Grossetête, sociologue spécialiste des inégalités sociales, l’écocitoyenneté promue par le gouvernement ne sera pas accessible à tout le monde, et elle est au contraire réservée à certains groupes sociaux, les classes sociales “supérieures”.
Une volonté des classes supérieures de se distinguer par leur bagage intellectuel
Dans un article qui vise à approfondir la connaissance du caractère inégalitaire des pratiques écoresponsables (comme trier ses déchets, réduire ses déplacements, ses consommations énergétiques domestiques, etc.), Matthieu Grossetête explique que les classes supérieures seraient motivées surtout par “un souci de distinction”. Les motivations ne sont donc pas vraiment “écoresponsables”, mais sociales, ce qui est en contradiction avec la communication gouvernementale et médiatique qui ignorent la réalité des différentes classes sociales. Les pratiques écologiques sont présentées comme accessibles à tous, alors que les disparités socioéconomiques en excluent des pans entiers de la population. Les profils sociaux désireux de mettre en place ce type de pratiques “écocitoyennes” se trouvent principalement dans les zones urbaines ou parmi les populations néorurales, qui sont d’ailleurs un groupe intermédiaire ayant choisi de quitter la ville pour la campagne, comme une première volonté de se distinguer des moins favorisés.
Qui sont les vrais écologistes ?
Selon l'enquête de Mathieu Grossetête, ceux qui sont vraiment motivés par le respect environnemental et la décroissance sont ceux qu’il appelle les “désargentés aux études longues”, des personnes avec des revenus inférieures à leurs niveaux d'études : cadres de la fonction publique, enseignants, et professionnels issus des professions intellectuelles au sens large. Ce type de profil a “une attitude en phase avec la morale écologique, sur le mode du désintérêt, mettant en exergue les interdépendances générationnelles et l’impact négatif des activités humaines sur la planète”. Certains sont obsédés par l'idée de ne pas gaspiller, et la privation volontaire est perçue comme une forme valorisante d’autocontrôle et non pas comme un renoncement. Chez les classes populaires au contraire, les pratiques de sobriété existent, mais en raison du manque de moyens économiques. Au final, cette consommation plus faible est un apport non négligeable à la contribution écologique. « On voit bien que dans la réalité, vivre avec le minimum et consommer peu, ce n'est pas réservé qu'aux classes moyennes et intellectuelles qui souhaitent repenser leurs modes de vie », souligne Anne de Rugy, professeur en sociologie à l'université Paris-Est-Créteil.
Des messages de responsabilité environnementale qui ne s’adaptent pas à tout le monde
Ces différentes perceptions de l'écologie et des pratiques écoresponsables et écocitoyennes doivent être prises en compte lorsqu’on communique des messages encourageant des comportements plus écologiques. Il est compréhensible pour une personne qui a déjà eu l’occasion de voyager ou de consommer en excès, qu’il faut abandonner ces habitudes. En revanche, pour ceux qui sont déjà contraints financièrement à revoir leurs objectifs et leurs aspirations à la baisse, le message ne passe pas. Exemple : diminuer ses déplacements en avion est plus facile pour quelqu’un qui effectue plusieurs voyages par an, que pour quelqu’un qui prend rarement ou jamais l’avion.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais
Enfin, consommer plus bio et local ne veut pas forcément dire qu’on aura moins d’empreinte environnementale, car plus le revenu est haut, plus on est susceptible de consommer. Au contraire, l’empreinte environnementale des classes défavorisées reste largement inférieure à celle des classes plus aisées. Des logements plus grands, des trajets de plus longue distance et une consommation plus importante feront toujours des classes plus aisées de plus grands pollueurs. Matthieu Grossetête signale ainsi qu’une vraie transformation écologique passera seulement par une société plus égalitaire.
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