Les animaux classés nuisibles : tout savoir sur la législation qui les entoure

Auteur(s)
Emma Bourge et Malia Andson, édité par la rédaction
Publié le 18 mai 2017 - 14:53
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Un vison d'Amérique
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Le vison d'Amérique est un animal nuisible.
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Entre lobbies de chasseurs, association de protection de l'environnement et l'Etat, la classification de la nuissance de certaines espèces animales provoquent des débats musclés. Pour "FranceSoir", deux juristes spécialisées dans le droit animalier reviennent avec précisions sur le cadre légal qui entoure les animaux nuisibles et des problématiques qui en découlent.

La notion d'animal nuisible est loin de faire l'unanimité. Des associations, comme l'Association pour la protection des animaux sauvages [1] (ASPAS), se battent contre cette catégorie juridique aux motifs qu’elle ne présente aucune justification écologique et scientifique mais relève de considérations politiques [2]. En effet, l'animal domestique est défini en fonction d’intérêts divers (comme l’agriculture) et de jeux de lobbies (comme celui de la chasse) [3]. Mais quel est le cadre légal qui permet de définir cette nuisance?

La liste des animaux concernés a été modifiée par le décret n° 2012-402 du 23 mars 2012 relatif aux espèces d’animaux classés nuisibles [4].

Selon l'article R 427-6 [5] du Code de l'environnement, le ministre chargé de la chasse, après avis du Conseil nationale de la chasse et de la faune sauvage, fixe par arrêté trois listes d'espèces d'animaux classées nuisibles. La première concerne les espèces d'animaux non indigènes classées nuisibles sur l'ensemble du territoire national [6]. Sont concernés par cet arrêté le ragondin, le rat musqué, le chien viverrin, le vison d'Amérique et la bernache du Canada.

La deuxième liste concerne les espèces d'animaux indigènes classés nuisibles dans chaque département [7]. Cette liste est établie sur proposition du préfet après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage. Sont concernés par cette liste la belette, la fouine, la martre, le putois, le renard et pour les oiseaux, le corbeau freux, la corneille noire, la pie bavarde, le geai des chênes et l'étourneau sansonnet.

La troisième liste est une liste complémentaire concernant des espèces d'animaux susceptibles d'être classés nuisibles par un arrêté du préfet [8].Sont concernés le lapin de garenne, le sanglier et le pigeon ramier. Ces trois arrêtés précisent également les périodes et les modalités de la destruction des animaux nuisibles et ils indiquent tous qu'en cas de capture accidentelle d'animaux non classés nuisibles, ces derniers doivent alors être relâchés. Mais encore faut-il qu'ils ne meurent pas avant.

Pour les inscrire sur ces listes, le ministre doit se fonder sur l’un des motifs suivants: l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques; la protection de la flore et de la faune; la prévention des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles et la prévention des dommages importants à d'autres formes de propriété. Le dernier alinéa de l'article R 427-6 précise qu'il n'est pas possible d'inclure dans les listes des espèces d'animaux classés nuisibles les espèces dont la capture ou la destruction est interdite selon l'article L. 411-1[9] du Code de l'environnement.

Les lieutenants de louveterie, des officiers institués spécialement pour ce service, se sont vus confier la mission de détruire les animaux nuisibles[10]. Ils doivent assurer, sous le contrôle de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, l'exécution des destructions collectives ordonnées par le préfet et également les missions confiées par l'autorité préfectorale pour la destruction des animaux nuisibles et la répression du braconnage.

Les maires[11] et les préfets ont la possibilité de mettre en œuvre des battues administratives pour les animaux classés nuisibles. Les maires agissent sous le contrôle et la responsabilité technique des lieutenants de louveterie[12] et évidemment sous le contrôle administratif des préfets. Ces derniers peuvent ordonner des chasses et battues générales ou particulières des animaux nuisibles chaque fois qu'il est nécessaire et après avis du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et du président de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs [13]. Les chasses et battues peuvent porter sur des espèces soumises à des plans de chasse (sangliers, cervidés) [14]. Les particuliers peuvent aussi procéder à la destruction des animaux classés nuisibles. En effet, "le propriétaire, possesseur ou fermier peut en tout temps, détruire sur ses terres [15]" les animaux nuisibles. Il peut aussi déléguer le droit d'y procéder.

Les modes de destruction autorisés sont multiples. Le déterrage est autorisé pour le renard, le ragondin, le rat musqué avec ou sans chien [16]. Le tir peut également être utilisé. Il s'exerce par armes à feu ou tir à l'arc. L'auteur de ce tir doit être titulaire d'un permis de chasser [17]. Une autorisation préfectorale individuelle est nécessaire. Il est également possible d'utiliser des animaux de chasse. Ainsi, l'emploi des chiens ou des furets peut être autorisé par des arrêtés[18]. Des oiseaux de chasse au vol peuvent également être utilisés [19], tout comme le piège. Pour ce faire, il doit faire partie des mécanismes autorisés par décision ministérielle après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage et doit être sélectif par son principe et son mode d'emploi [20]. Les conditions d'utilisation des pièges sont posées par le ministre chargé de la chasse. De plus, les personnes les utilisant doivent être agréées par le préfet. Il convient de préciser que l'utilisation des produits toxiques est interdite [21].

Selon l'article R. 428-19 I, encourt les contraventions de la cinquième classe [22] la personne qui contrevient aux dispositions concernant l'emploi de toxiques[23], l'obligation de n'utiliser que des modèles homologués pour les pièges de nature à provoquer des traumatismes physiques [24], l'obligation d'agrément des piégeurs [25], la destruction à tir [26], l'utilisation d'oiseaux de chasse au vol [27], le lâcher des animaux nuisibles [28], le transport et la commercialisation des animaux nuisibles licitement détruits [29]. L'article R. 428-19 II précise que tout piégeur agrée ne respectant pas les conditions d'utilisation des pièges est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe[30].

Des peines complémentaires sont également prévues[31] pour les personnes physiques: la suspension du permis de conduire pendant trois ans au plus, l'interdiction de détenir ou de porter pour une durée de trois ans au plus une arme soumise à autorisation, la confiscation d'une ou de plusieurs armes, le retrait du permis de chasser et l'interdiction de solliciter une nouvelle délivrance pendant trois ans au plus et la confiscation de la chose ayant servi à commettre l'infraction. Quant aux personnes morales, elles encourent une amende, la confiscation de la chose ayant servi à commettre l'infraction [32].

Les animaux classés nuisibles ne bénéficient d’aucune protection juridique puisqu' ils peuvent être chassés sur tout le territoire et pendant toute l'année en raison des problèmes tant écologiques qu'économiques qu’ils peuvent causer. Cette catégorie pose toutefois pour certains la question de la légitimité qu'a l'homme de donner la mort aux animaux qu'ils désignent comme étant des nuisibles à son égard.



[1] http://www.aspas-nature.org/  Cette association a organisé un colloque sur le renard les 12 et 13 mai 2017 à Paris.

[2] Ariane Ambrosini, Marc Giraud, Pierre Athanaze, "Réforme 2012 sur l'animal "nuisible": l'Etat soumis au lobby de la chasse", RSDA n° 1/2012 p. 223 et s. 

[3]Jean-Jacques Gouguet, "L'animal nuisible utile: les leçons d'un paradoxe", RSDA n° 1/2012 p. 417 et s.

[4]Décret n° 2012-402 du 23 mars 2012 relatif aux espèces d’animaux classés nuisibles .JORF du 25 mars2012) modifié par le décret n°2016-115 du 4 février 2016 relatif à diverses dispositions cynégétiques.

[6]Arrêté du 2 septembre 2016 relatif au contrôle par la chasse des populations de certaines espèces non indigènes et fixant, en application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement, la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces non indigènes d'animaux classés nuisibles sur l'ensemble du territoire métropolitain.

[7]Arrêté du 30 juin 2015 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces d'animaux classées nuisibles.

[8]Arrêté du 3 avril 2012 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des animaux d'espèces susceptibles d'être classées nuisibles par arrêté du préfet. 

[10] Article L. 427-1 du Code de l'environnement.

[11]  Article L. 2122-21, 9° du Code général des collectivités territoriales, Article L. 427-4 du Code de l'environnement.

[12] Article L. 427-4 et article L. 427-5 du Code de l'environnement.

[13] Article L. 427-6 du Code de l'environnement.

[14] Article L. 425-6 du Code de l'environnement.

[15] Article L. 427-8 du Code de l'environnement.

[16] Arrêtés du 30 juin 2015, JO 4 juillet.

[17] Article R. 427-18 du Code de l'environnement.

[18] Article R. 427-6 du Code de l'environnement.

[20]  Article R. 427-13 du Code de l'environnement.

[21]  Article R. 427-10 du Code de l'environnement.

[22]1.500 euros ou 3.000 euros en cas de récidive au maximum.

[23] Article R. 427-10 du Code de l'environnement.

[24] Article R.  427-14 du Code de l'environnement.

[25] Article R. 427-16 du Code de l'environnement.

[26] Article R. 427-18 du Code de l'environnement.

[27] Article R. 427-25 du Code de l'environnement.

[28] Article R. 427-26 du Code de l'environnement.

[29] Article R. 427-28 du Cod de l'environnement.

[30]750 euros maximum.

[31] Article R. 428-22 du Code de l'environnement.

[32] Article R. 428-21 du Code de l'environnement.

 

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