Un delphinarium ravive le débat sur la cruauté envers les animaux en Asie Centrale
Un dauphin bondit hors de l'eau pour marquer un panier de basketball sous les cris de Kirghizs aux anges. Pourtant, l'arrivée de ce delphinarium russe à Bichkek (capitale du Kirghizistan) ravive aussi les critiques contre ces spectacles itinérants très appréciés en Asie Centrale mais dont les animaux font les frais.
Avant la venue du cirque ambulant dans la capitale du Kirghizstan, 1.500 personnes ont signé une pétition demandant au président Almazbek Atambaïev d'interdire ces attractions. Plusieurs manifestations se sont même déroulées dans les rues du pays le plus libre d'Asie centrale, les participants brandissant des pancartes avec des dauphins en larmes.
Les accusations de cruauté envers les animaux ne sont pas une première dans le pays. En 2011, les autorités de Bichkek avaient décidé d'abattre 10.000 chiens errants dans les rues de la capitale, s'attirant les foudres des défenseurs des animaux. Le gouvernement s'était alors justifié en expliquant que créer des abris pour ces chiens ou les stériliser aurait été trop coûteux pour le Kirghizstan, deuxième pays le plus pauvre de l'ex-URSS.
"Pourquoi ce cirque atterrit-il au Kirghizstan? Parce qu'il ne peut aller nulle part ailleurs et que nous sommes un pays pauvre, avec des lois trop laxistes", juge aujourd'hui Anna Kirilenko, de l'ONG écologiste BIOM. Les delphinariums ambulants sont interdits quasiment partout dans le monde mais ils restent populaires dans l'ex-URSS, malgré les nombreuses polémiques les accompagnants.
Malgré les critiques, la municipalité de Bichkek a tout de même autorisé l'installation du chapiteau, défendant même le cirque dans un communiqué: "les dauphins adorent être touchés. Le dressage et les spectacles sont une sorte de jeu pour les dauphins. (...) Ils sont nés en captivité et ne survivraient pas dans la nature".
Lors du passage à Bichkek, des milliers de spectateurs se sont rués dans les gradins du cirque, pour voir des dauphins enchaîner les numéros dans un bassin de 650 mètres cubes d'eau sur fond de soleil et de palmiers. C'est la première fois qu'un delphinarium s'installe dans la république enclavée du Kirghizstan, pays recouvert en quasi totalité par les cimes du Tian Shan. "Un vrai sportif n'abandonne pas comme ça!", s'exclame une présentatrice habillée en marin, alors qu'un béluga nommé Dandy rate de peu une balle suspendue en l'air. Un dernier effort "et c'est réussi!" crie l'animatrice en couvrant les hurlements de la foule et de la bande son alternant pop russe et rock tonitruant.
Les voix critiquant les cirques ambulants sont pourtant de plus en plus nombreuses en Asie Centrale, notamment depuis la mort de la baleine Dale au Kazakhstan en 2010, alors que son cirque russe y était en tournée. Son partenaire aquatique, une autre baleine béluga, avait alors perdu tout intérêt pour le spectacle et avait rapidement été retirée de la scène sans que personne n'ait su ce qu'il est advenu d'elle, selon la presse kazakhe.
La colère provoquée par l'arrivée du cirque ambulant au Kirghizstan est en partie liée à une vidéo tournée dans la ville russe de Perm, où une baleine est vue plusieurs jours immobile dans un conteneur à peine plus grand qu'elle. Un représentant du delphinarium à Bichkek a assuré que la compagnie n'avait rien à voir avec cette vidéo. Et il a nié toute connexion avec d'autres cirques incriminés et cibles d'actions légales lancées en Russie, assurant que "la seule ville russe où nous avons fait des représentations, c'est Moscou".
Pour Richard O'Barry, fondateur de l'association américaine Dolphin Project qui milite contre la captivité des mammifères, "ces delphinariums ambulants sont le pire du pire en matière de cruauté". "Ils trimballent les dauphins et les baleines dans des camions. Les animaux vivent dans une boîte de la taille d'un cercueil et ils en tirent le plus d'argent possible, jusqu'à ce que les mammifères meurent d'une maladie liée au stress", dénonce-t-il, interrogé par l'AFP. Il a dressé les dauphins de la série américaine Flipper avant de s'atteler à la lutte contre des conditions qui ont, affirme-t-il, entraîné le suicide du dauphin vedette de l'émission.
Richard O'Barry se bat notamment contre l'argument du "né en captivité", souvent avancé par les propriétaires des cirques pour excuser leurs spectacles. "Très peu de recherches ont été faites sur ce sujet", explique-t-il. "Et beaucoup de ces dauphins sont sûrement nés en liberté", selon lui.
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