Affaire Benalla : perquisition chez Mediapart, est-ce légal ?
Ce lundi 4, deux juges se sont présentés au siège de Mediapart pour une perquisition, refusée par les journalistes (ce qui était leur droit). La perquisition dans un journal est une démarche rare, ayant déjà donné lieu à des décisions de justice internationale.
C'est une démarche judiciaire qui n'est pas inédite mais qui reste rare: ce lundi matin des juges ont tenté de mener une perquisition dans les locaux du journal Mediapart. Ce dernier avait révélé le 31 janvier l'enregistrement d'une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase pour le moins embarrassante. Le premier assurait au second avoir le soutien d'Emmanuel Macron dans le tourment judiciaire que traversent les deux hommes après leur mise en examen suite aux violences ayant émaillé la manifestation du 1er mai.
Les journalistes ont refusé de laisser entrer les deux magistrats, ce qui étaient leur droit puisque le parquet a ouvert uniquement une enquête préliminaire pour "atteinte à l'intimité de la vie privée". Cependant, si les juges présentaient un mandat du juge des libertés, les journalistes ne pourraient pas s'y opposer, du moins en principe.
La question en droit est complexe. Dans la législation française en effet, la perquisition d'un journal n'est pas illégale selon les articles 92 à 99 du code de procédure pénale. Mais dans certaines affaires les journalistes ont, pour contester de telles démarches, mis en avant un élément du droit international qui, en principe, est supérieur à la loi dans la hiérarchie des normes: l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (voir ici). Ce dernier indique (dans son alinéa 1) que "toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques (…)".
Lire aussi: Perquisition à Mediapart après les dernières révélations dans l'affaire Benalla
En 2012, la France a d'ailleurs été condamnée à deux reprises pour des perquisitions jugées illégales menées dans des rédactions. La première avait eu lieu dans les locaux de L'Equipe en 2005 (et au domicile de quatre journalistes) dans le cadre de l'affaire Cofidis (dopage dans le cyclisme professionnel). La seconde dans les locaux du Midi-Libre en 2006 suite à une enquête sur la gestion de la région Languedoc-Roussillon.
Créé en 2008 et s'étant taillé une solide notoriété pour ses enquête sensibles, le journal Mediapart n'a pourtant jamais été perquisitionné depuis son lancement.
Voir aussi:
Macron à Benalla: "Tu vas les bouffer. T’es plus fort qu’eux" (Mediapart)
Benalla, Crase et le contrat russe: les révélations de Mediapart
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.