Attentat de Nice : trois mois après le drame, la tristesse, la colère et la peur restent fortes
"Tous ces enfants fauchés, c'est terrible", confie Michèle, 74 ans. A Nice, où se déroulait ce samedi 15 un hommage national aux 86 victimes de l'attentat du 14 juillet sur la Promenade des Anglais, l'émotion mais aussi la colère et la peur restent fortes. Cette retraitée francilienne, en vacances chez sa fille, a pris le temps de venir se recueillir avec son mari devant le mémorial improvisé dans un kiosque public près du lieu de l'attentat. En silence, en larmes ou en simple touriste, une petite foule de plusieurs dizaines de personnes ont fait de même, avec ou sans bouquet de fleurs. La cérémonie officielle, elle, se déroulait, dans un périmètre bouclé, sur la Colline du Château qui s'élève en bord de mer près du Vieux-Nice.
"Le blabla ne va pas ramener les morts, même si ça rend hommage, j'ai préféré venir ici", confie Amel, une franco-tunisienne. Seule, comme le soir de l'attentat, elle pleure: "C'était moins une, j'ai failli y passer. J'ai pensé qu'ils recommençaient le feu d'artifice mais non, c'étaient des coups de feu". Depuis, elle ne sort plus faire son jogging sur la Promenade. Isabelle, 55 ans, en short gris et t-shirt rose vif, n'a pas renoncé à s'entraîner sur cette grande artère du front de mer bordée d'un très large trottoir, passage obligé de tous les visiteurs à Nice. "Je fais mon jogging mais je m'arrête là, c'est trop fort", souffle-t-elle en stoppant à côté d'un amoncèlement de fleurs, pierres, bougies, peluches jonchant le sol. Elle fond en sanglots et ajoute: "Je connais beaucoup de monde qui y était. Les récits sont épouvantables".
Sac bleu ciel au bras et canotier sur la tête, une Japonaise traverse le jardin public avec son T-shirt "Queen of vacation", imperturbable. Dans le reste de la ville, beaucoup de Niçois aussi vaquent à leurs occupations ou suivent la cérémonie à la télévision. "On n'a pas les mots pour décrire cette journée vraiment spéciale", enchaîne Mohamed Darouech, qui porte un bonnet brodé des Comorres. "Chez nous, la couleur du deuil c'est le blanc. Mais ça c'est vraiment français", dit-il en montrant son costume et son pantalon noirs. "J'ai fait exprès d'avoir les trois étiquettes, Comorien, musulman et Français et aujourd'hui l'étiquette qui domine en moi c'est l'étiquette française".
Derrière lui, une bougie dans son étui rouge a été fraîchement rallumée au milieu d'un parterre de cierges inondés par les fortes pluies de la veille. Le kiosque qui disparaît sous une avalanche d'objets, de prières ou de banderoles contre "la bêtise humaine" se métamorphose en calvaire. On y monte en silence, on s'arrête devant chaque hommage anonyme, on se recueille. Une dame renifle et sort son mouchoir. Une autre parle sans discontinuer. Une mère de famille, le visage fermé, revit la peur de sa vie. Sa fille est restée injoignable pendant des heures après l'attentat et elle l'a crû morte.
"Eux, ils ont le service d'ordre !", peste-t-elle à propos de l'hommage officiel et des failles de sécurité le soir du feu d'artifice. "Se redorer le blason sur un morceau de cadavre, c'est pas mal", ironise aussi Christian, un Niçois de 69 ans qui accuse les élus présents à la cérémonie "d'aller à la pêche aux voix". "Ils sont quand même tous responsables, et notre grande gueule d'Estrosi en premier, c'est ça qui m'énerve". Majida regarde sa montre et s'en va. "Mes enfants m'ont dit de ne surtout pas venir sur place", dit-elle. Elle filme au téléphone portable pour son mari. Depuis l'attentat, elle s'angoisse quand elle voit des agents de sécurité. Et elle a échangé son foulard de croyante pour un bonnet de maille.
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